Les gendarmes pas davantage à l’abri du racisme que les journalistes

Les gendarmes pas davantage à l’abri du racisme que les journalistes

Six militaires de Versailles-Satory ont saisi la Haute Autorité de lutte contre les discriminations pour dénoncer les brimades et les insultes racistes de leurs gradés, dont ils se disent victimes.


Six hommes d’origine maghrébine et africaine défient la gendarmerie, rapporte ce jour Le Parisien.

"Ces militaires d’un escadron mobile du camp de Versailles-Satory ont envoyé, hier, un courrier à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde). Ils réclament une enquête sur leur propre hiérarchie qu’ils accusent de propos racistes et de discriminations.

Dans la saisine de la Halde que nous avons pu consulter, les gendarmes disent être conscients des risques encourus : « représailles » disciplinaires et carrière compromise.

A leur arrivée en mars 2006, quand Mohamed et Hamid*, deux des plaignants, avaient été convoqués par le capitaine de l’escadron, celui-ci les avait prévenus : « Les blagues racistes sont coutumes à l’escadron, il ne faut pas le prendre mal, il faudra faire avec. » Mais pour ces gendarmes, la situation est devenue intenable. Le récit qu’ils font des brimades et insultes est saisissant. L’un se fait régulièrement traiter de « bougnoule » ou de « quota » par le capitaine, un lieutenant qualifie un autre de « nègre ».

Lors d’un déplacement en Nouvelle-Calédonie, ce même capitaine interpelle Mehdi devant le reste de l’escadron : « voilà un bougnoule bien employé » ou encore « ce n’est pas un Arabe qui va commander un Blanc ».

Discrimination dans leur notation.

Et lorsque, au cours d’une cérémonie officielle, Mohamed et Hamid se voient remettre leurs galons de sous-officiers, le capitaine trempe lesdits galons dans un verre de bière et demande à ces deux gendarmes de religion musulmane d’ouvrir la bouche. Il veut déposer les galons imbibés d’alcool sur la langue telle une hostie. Mohamed et Hamid refusent, il frotte alors les galons sur leurs joues avant de les coller sur leurs vêtements…

Au-delà de ses humiliations, Joseph Cohen-Sabban, l’avocat des plaignants, pointe ce qui s’apparente, selon lui, à des discriminations. « Cela se révèle tout particulièrement dans leurs notations administratives singulièrement basses, ce qui a pour conséquence de retarder, voire de rendre impossible toute évolution de carrière », écrit le conseil dans sa saisine de la Halde. Ces hommes sont notés moins bien que les nouvelles recrues. D’après les plaignants, cette différence n’apparaît pas justifiée si ce n’est la volonté de leur hiérarchie de les « casser ».

Ainsi, ils rapportent les propos d’un gradé qui aurait dit à un autre militaire : « Je vais m’occuper personnellement de leur cas. A la moindre erreur, je ne les raterai pas. » Me Joseph Cohen-Sabban souligne : « Lorsqu’on appartient à ce corps fondamentalement discipliné et respectueux du devoir de réserve, il faut avoir subi plus que ce qui est humainement tolérable pour oser braver la culture du silence. Une pareille saisine n’est pas un acte de courage mais de désespoir. » De son côté, la communication de la gendarmerie répond que « les plaintes alléguées ne concernaient que le capitaine commandant l’escadron » : « Une enquête a permis de constater qu’il avait eu des propos inappropriés. Il a été lourdement sanctionné en juillet dernier. » Une sanction jugée insuffisante par les plaignants qui conservent toutefois leur vocation intacte : « On ne veut pas dénigrer l’institution. Mais on veut y rester tout en étant respectés. On est toujours fier d’être gendarme. »

*Les prénoms ont été modifiés.

Source Le Parisien - Article de mathieu Suc

http://www.europalestine.com/spip.php?article4391
 
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