Les incroyables promesses de la médecine régénératrice
Tout a commencé avec Rocky. Non pas le boxeur de cinéma incarné par Sylvester Stallone, mais un chien qui portait le même nom et qui, au fond, s'est lui aussi vu offrir une deuxième chance. Nous sommes à la fin des années 1980 et l'Américain Stephen Badylak, spécialiste à l'époque de pathologie animale à Purdue University (Indiana), cherche un substitut aux tubes synthétiques qui remplacent les aortes en chirurgie cardiaque et présentent le défaut de provoquer inflammation et caillots. Son idée : prélever un morceau d'intestin grêle de Rocky, qui fait le bon diamètre, et le greffer à la place de son artère pour vérifier qu'il est assez résistant pour jouer ce rôle. Quand il rentre chez lui après l'opération, le chercheur ne s'attend pas vraiment à ce que Rocky passe la nuit. Mais le lendemain matin, et les jours suivants, le chien est en pleine forme et attend avec impatience qu'on lui serve sa pâtée... Badylak réitère l'opération sur 14 autres chiens.
Au bout de six mois, aucun décès n'étant survenu, il se décide à « ouvrir » un de ses sujets pour voir dans quel état se trouve son aorte. C'est là, comme l'a confié l'Américain au magazine Discover en 2011, que « les choses sont vraiment devenues bizarres ». Plus aucune trace du bout d'intestin. Il n'y a pourtant pas d'erreur : la marque de la suture existe mais le tissu observé au microscope est celui d'une artère. « J'étais en train de voir quelque chose qui n'était pas censé arriver, dit Badylak, quelque chose qui allait contre tout ce qu'on m'avait enseigné à la faculté de médecine. » En examinant d'autres chiens et en observant à chaque fois la disparition du tissu intestinal, le chercheur finit par supposer que quelque chose, dans ce tissu, provoque la régénération de l'aorte. Or, la régénération, la possibilité de fabriquer un tissu, un organe, un membre nouveaux pour remplacer ceux qui ont été endommagés ou arrachés, est un des Graals de la médecine auquel le Scientific American consacre un dossier (payant) dans son numéro d'avril.
Rocky a vécu sa vie de chien pendant huit autres années, au cours desquelles Badylak a identifié ce qui avait permis ce petit miracle. Il ne s'agissait pas de cellules intestinales, mais de l'armature qui les maintient ensemble, ce que l'on appelle la matrice extracellulaire. Très vite, Badylak s'est aperçu qu'en ôtant toutes les cellules de cette matrice, on obtenait un matériau blanc que l'on pouvait présenter sous différentes formes (poudre, gel, feuilles...) et qui ne pouvait être rejeté par les organismes-hôtes. Pour en disposer en grande quantité, le chercheur commença à récupérer, auprès d'un élevage, des intestins et des vessies de porcs.
Restait à comprendre comment cette matrice extracellulaire agissait. Sans la réponse à sa question, Stephen Badylak risquait de passer pour un charlatan
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Tout a commencé avec Rocky. Non pas le boxeur de cinéma incarné par Sylvester Stallone, mais un chien qui portait le même nom et qui, au fond, s'est lui aussi vu offrir une deuxième chance. Nous sommes à la fin des années 1980 et l'Américain Stephen Badylak, spécialiste à l'époque de pathologie animale à Purdue University (Indiana), cherche un substitut aux tubes synthétiques qui remplacent les aortes en chirurgie cardiaque et présentent le défaut de provoquer inflammation et caillots. Son idée : prélever un morceau d'intestin grêle de Rocky, qui fait le bon diamètre, et le greffer à la place de son artère pour vérifier qu'il est assez résistant pour jouer ce rôle. Quand il rentre chez lui après l'opération, le chercheur ne s'attend pas vraiment à ce que Rocky passe la nuit. Mais le lendemain matin, et les jours suivants, le chien est en pleine forme et attend avec impatience qu'on lui serve sa pâtée... Badylak réitère l'opération sur 14 autres chiens.
Au bout de six mois, aucun décès n'étant survenu, il se décide à « ouvrir » un de ses sujets pour voir dans quel état se trouve son aorte. C'est là, comme l'a confié l'Américain au magazine Discover en 2011, que « les choses sont vraiment devenues bizarres ». Plus aucune trace du bout d'intestin. Il n'y a pourtant pas d'erreur : la marque de la suture existe mais le tissu observé au microscope est celui d'une artère. « J'étais en train de voir quelque chose qui n'était pas censé arriver, dit Badylak, quelque chose qui allait contre tout ce qu'on m'avait enseigné à la faculté de médecine. » En examinant d'autres chiens et en observant à chaque fois la disparition du tissu intestinal, le chercheur finit par supposer que quelque chose, dans ce tissu, provoque la régénération de l'aorte. Or, la régénération, la possibilité de fabriquer un tissu, un organe, un membre nouveaux pour remplacer ceux qui ont été endommagés ou arrachés, est un des Graals de la médecine auquel le Scientific American consacre un dossier (payant) dans son numéro d'avril.
Rocky a vécu sa vie de chien pendant huit autres années, au cours desquelles Badylak a identifié ce qui avait permis ce petit miracle. Il ne s'agissait pas de cellules intestinales, mais de l'armature qui les maintient ensemble, ce que l'on appelle la matrice extracellulaire. Très vite, Badylak s'est aperçu qu'en ôtant toutes les cellules de cette matrice, on obtenait un matériau blanc que l'on pouvait présenter sous différentes formes (poudre, gel, feuilles...) et qui ne pouvait être rejeté par les organismes-hôtes. Pour en disposer en grande quantité, le chercheur commença à récupérer, auprès d'un élevage, des intestins et des vessies de porcs.
Restait à comprendre comment cette matrice extracellulaire agissait. Sans la réponse à sa question, Stephen Badylak risquait de passer pour un charlatan
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