Alors que des manifestations se déroulent dans le monde entier pour protester contre le carnage dans la bande de Gaza, les Israéliens restent toujours totalement soudés derrière leur gouvernement et leur armée. Il n'y a pratiquement pas de voix discordantes, pas de remise en cause, pas de débats sur le bien-fondé de cette guerre. Seules quelques voix s'élèvent maintenant pour réclamer une trêve. 80 à 90 % des personnes interrogées lors de sondages soutiennent la guerre contre le Hamas en dépit du nombre élevé de victimes, des bavures et de l'utilisation d'armes prohibées au sein d'une population dense. "Les points de vue critiquant la décision de lancer l'offensive ou le comportement de l'armée s'entendent à peine. Les médias sont quasiment unanimes dans leur opinion sur cette guerre", ont protesté huit organisations de défense des droits de l'homme dans une lettre aux rédacteurs en chef des journaux.
Peu nombreux sont ceux qui se sont indignés de l'interdiction faite à la presse internationale de couvrir le conflit à l'intérieur de la bande de Gaza. Les journaux débordent de reportages sur les souffrances des habitants du sud du pays sous la menace des roquettes du Hamas qui continuent de tomber. Des campagnes de solidarité sont organisées pour soutenir la population israélienne en détresse. Le presse internationale est perpétuellement sollicitée pour que lui soit exposés tous les détails d'une situation intenable qui dure depuis huit ans.
"NOUS AVONS TROP ATTENDU POUR RÉAGIR"
Mais l'écho en provenance de la bande de Gaza parvient totalement affaibli, noyé dans un flot de justifications et de manipulations. Un seul cas d'objection de conscience a été signalé. L'organisation Courage to Refuse (Le Courage de refuser) reconnaît que la situation est totalement différente par rapport à la seconde guerre du Liban au cours de l'été 2006 où l'opinion publique favorable à l'intervention s'est ensuite rapidement retournée.
Une manifestation de protestation devant le ministère de la défense à Tel-Aviv, samedi 10 janvier, n'a rassemblé que quelques centaines de personnes. Comme s'il s'agissait d'extraterrestres dans un monde totalement consensuel qui regarde de loin ce qui se passe à moins de cent kilomètres. "Si les Israéliens étaient aussi sûrs de la justesse de leur cause, pourquoi manifestent-ils une violente intolérance envers ceux qui voient les choses autrement. Ce serait pourtant le bon moment pour se poser la question de savoir si cette guerre est bonne pour les juifs, bonne pour Israël", s'interroge Gideon Levy dans le quotidien Haaretz.
Eh bien, non, les Israéliens ne se posent pas de questions. Des dizaines de personnes interrogées au hasard justifient sans sourciller ce qui se passe à Gaza : "Voilà huit ans que cela dure. Or, nous avons quitté la bande de Gaza il y a trois ans. Nous avons trop attendu pour réagir. Maintenant les roquettes ont une portée de 40 kilomètres. Demain, elles tomberont sur Tel-Aviv. Que feriez-vous si cela se produisait en France ? Nous n'avions pas d'autres possibilités que d'intervenir. Le Hamas ne comprend que la force. Nous allons lui donner une bonne leçon et nous espérons que ces terroristes auront compris une fois pour toutes. Le Hamas veut la mort des juifs. Il veut la disparition d'Israël. Il est soutenu par l'Iran, notre plus grand ennemi dont le président veut rayer Israël de la carte." Cette guerre contre le Hamas est pour tous une question de légitime défense, de lutte contre le terrorisme, de combat contre le fondamentalisme religieux. A la question de savoir si la réaction n'est pas disproportionnée par rapport à l'attaque, s'il n'y a pas trop de victimes innocentes, les réponses sont unanimes : "Dans toutes les guerres, il y a des dommages collatéraux. On ne fait pas d'omelette sans casser des ufs. Vous avez déjà vu une guerre où l'on prévient que l'on va bombarder en lançant des tracts ou en appelant les habitants au téléphone ? C'est pourtant ce que fait Tsahal. Lorsqu'on utilise les boucliers humains et que l'on cache des armes dans les mosquées, que les dirigeants du Hamas se planquent sous les hôpitaux, que l'on nous tire dessus depuis des écoles, il est inévitable qu'il y ait des bavures. Ils n'ont pas les mêmes sentiments que nous. La vie humaine n'a pas le même prix pour eux. Ce sont des fanatiques." Derrière son bureau, une dame nous montre des photos sympathiques de soldats qui prêtent assistance aux Palestiniens, qui jouent aux billes avec les enfants. Elle craint pour son fils qui vient de commencer son service militaire de trois ans et accuse le Hamas de "lâcheté". "Ils n'ont qu'à se rendre. Comme cela les civils seront épargnés." Mosko, lui, espère que "tout cela n'a pas été inutile et que le problème sera réglé pour un bon moment". Mais peu nombreux sont ceux qui se posent des questions sur les cruautés de cette guerre. "Il est étonnant de voir à quel point les Israéliens voient les Palestiniens de façon totalement déshumanisée et abstraite et se sont détachés des cruautés et des horreurs de ce qu'ils font", constate Hanane Ashraoui, député palestinienne. "Ils ont voté pour le Hamas, ils doivent en subir les conséquences", pointe du doigt un commerçant qui préfère ne pas donner son nom.
D'autres prônent des solutions plus radicales. "Il n'y a qu'à raser Gaza, comme cela ils ne viendront plus nous emmerder", a déclaré le vice-premier ministre et président du Shass, Eli Yishai. "Nous devons combattre le Hamas comme les Américains ont combattu les Japonais durant la seconde guerre mondiale. La conquête du Japon n'a pas été nécessaire", a laissé tomber Avigdor Lieberman, ancien ministre et chef du parti Israël Beitenou (Israël notre maison). Après la mort de 43 personnes réfugiées dans une école de l'Unrwa (Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens), Arye Eldad, député d'un parti de droite, a écrit une lettre au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, et organisé une manifestation pour protester contre le fait que l'Unrwa "est un bouclier pour le terrorisme et la haine et que ses dépendances sont devenues une base de lancement de roquettes". Depuis, il a été établi qu'aucun projectile n'avait été lancé de l'école de Jabaliya.
Michel Bôle-Richard Le Monde 14/02/09
Peu nombreux sont ceux qui se sont indignés de l'interdiction faite à la presse internationale de couvrir le conflit à l'intérieur de la bande de Gaza. Les journaux débordent de reportages sur les souffrances des habitants du sud du pays sous la menace des roquettes du Hamas qui continuent de tomber. Des campagnes de solidarité sont organisées pour soutenir la population israélienne en détresse. Le presse internationale est perpétuellement sollicitée pour que lui soit exposés tous les détails d'une situation intenable qui dure depuis huit ans.
"NOUS AVONS TROP ATTENDU POUR RÉAGIR"
Mais l'écho en provenance de la bande de Gaza parvient totalement affaibli, noyé dans un flot de justifications et de manipulations. Un seul cas d'objection de conscience a été signalé. L'organisation Courage to Refuse (Le Courage de refuser) reconnaît que la situation est totalement différente par rapport à la seconde guerre du Liban au cours de l'été 2006 où l'opinion publique favorable à l'intervention s'est ensuite rapidement retournée.
Une manifestation de protestation devant le ministère de la défense à Tel-Aviv, samedi 10 janvier, n'a rassemblé que quelques centaines de personnes. Comme s'il s'agissait d'extraterrestres dans un monde totalement consensuel qui regarde de loin ce qui se passe à moins de cent kilomètres. "Si les Israéliens étaient aussi sûrs de la justesse de leur cause, pourquoi manifestent-ils une violente intolérance envers ceux qui voient les choses autrement. Ce serait pourtant le bon moment pour se poser la question de savoir si cette guerre est bonne pour les juifs, bonne pour Israël", s'interroge Gideon Levy dans le quotidien Haaretz.
Eh bien, non, les Israéliens ne se posent pas de questions. Des dizaines de personnes interrogées au hasard justifient sans sourciller ce qui se passe à Gaza : "Voilà huit ans que cela dure. Or, nous avons quitté la bande de Gaza il y a trois ans. Nous avons trop attendu pour réagir. Maintenant les roquettes ont une portée de 40 kilomètres. Demain, elles tomberont sur Tel-Aviv. Que feriez-vous si cela se produisait en France ? Nous n'avions pas d'autres possibilités que d'intervenir. Le Hamas ne comprend que la force. Nous allons lui donner une bonne leçon et nous espérons que ces terroristes auront compris une fois pour toutes. Le Hamas veut la mort des juifs. Il veut la disparition d'Israël. Il est soutenu par l'Iran, notre plus grand ennemi dont le président veut rayer Israël de la carte." Cette guerre contre le Hamas est pour tous une question de légitime défense, de lutte contre le terrorisme, de combat contre le fondamentalisme religieux. A la question de savoir si la réaction n'est pas disproportionnée par rapport à l'attaque, s'il n'y a pas trop de victimes innocentes, les réponses sont unanimes : "Dans toutes les guerres, il y a des dommages collatéraux. On ne fait pas d'omelette sans casser des ufs. Vous avez déjà vu une guerre où l'on prévient que l'on va bombarder en lançant des tracts ou en appelant les habitants au téléphone ? C'est pourtant ce que fait Tsahal. Lorsqu'on utilise les boucliers humains et que l'on cache des armes dans les mosquées, que les dirigeants du Hamas se planquent sous les hôpitaux, que l'on nous tire dessus depuis des écoles, il est inévitable qu'il y ait des bavures. Ils n'ont pas les mêmes sentiments que nous. La vie humaine n'a pas le même prix pour eux. Ce sont des fanatiques." Derrière son bureau, une dame nous montre des photos sympathiques de soldats qui prêtent assistance aux Palestiniens, qui jouent aux billes avec les enfants. Elle craint pour son fils qui vient de commencer son service militaire de trois ans et accuse le Hamas de "lâcheté". "Ils n'ont qu'à se rendre. Comme cela les civils seront épargnés." Mosko, lui, espère que "tout cela n'a pas été inutile et que le problème sera réglé pour un bon moment". Mais peu nombreux sont ceux qui se posent des questions sur les cruautés de cette guerre. "Il est étonnant de voir à quel point les Israéliens voient les Palestiniens de façon totalement déshumanisée et abstraite et se sont détachés des cruautés et des horreurs de ce qu'ils font", constate Hanane Ashraoui, député palestinienne. "Ils ont voté pour le Hamas, ils doivent en subir les conséquences", pointe du doigt un commerçant qui préfère ne pas donner son nom.
D'autres prônent des solutions plus radicales. "Il n'y a qu'à raser Gaza, comme cela ils ne viendront plus nous emmerder", a déclaré le vice-premier ministre et président du Shass, Eli Yishai. "Nous devons combattre le Hamas comme les Américains ont combattu les Japonais durant la seconde guerre mondiale. La conquête du Japon n'a pas été nécessaire", a laissé tomber Avigdor Lieberman, ancien ministre et chef du parti Israël Beitenou (Israël notre maison). Après la mort de 43 personnes réfugiées dans une école de l'Unrwa (Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens), Arye Eldad, député d'un parti de droite, a écrit une lettre au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, et organisé une manifestation pour protester contre le fait que l'Unrwa "est un bouclier pour le terrorisme et la haine et que ses dépendances sont devenues une base de lancement de roquettes". Depuis, il a été établi qu'aucun projectile n'avait été lancé de l'école de Jabaliya.
Michel Bôle-Richard Le Monde 14/02/09