"Les juges n’étaient ni neutres, ni formés au droit international" : le récit du magistrat irakien qui a jugé Saddam Hussein, il y a 20 ans

Dans un café d’Erbil, capitale du Gouvernement régional du Kurdistan, au nord de l’Irak, les Irakiens font la queue pour prendre une photo avec l’ancien magistrat, Rizgar Mohammed Amin. C’est lui qui a été chargé de diriger le procès de Saddam Hussein, il y a 20 ans. C’est une star ici. Les vidéos où le juge, au cours d’un procès tempétueux, tient tête à l’ancien dictateur, qui a dirigé l’Irak pendant 23 ans, ont marqué le pays.







"Quand il se mettait en colère je ne me sentais pas mal, se souvient Rizgar Mohammed Amin. Pour n’importe quel accusé, c’est un choc mental. Il faut se mettre à sa place. Le juge ne doit pas se mettre en colère. Saddam Hussein avait des choses à dire et il avait le droit de se défendre".

"C’était un président qui avait perdu son pouvoir à ce moment-là. C’était un citoyen comme les autres."
Rizgar Mohammed Amin, président du tribunal spécial qui a jugé Saddam Hussein
à franceinfo
À l’intérieur de la salle d’audience, c’est souvent le chaos. Saddam Hussein et les autres dignitaires de son régime crient. Ils ne reconnaissent pas la légitimité du tribunal. Mais à l’extérieur, le désordre règne. Bagdad est toujours sous occupation américaine. "De cette période du procès, je garde un souvenir bizarre. Il n’y avait pas de sécurité dans la ville. Les rues étaient dangereuses. Al-Qaïda était très présent, leurs hommes tuaient des gens ou les kidnappaient, ils brûlaient des voitures."

Des ingérences​

Quatre mois après le début du procès, le juge Rizgar démissionne et dénonce des ingérences. "C’était les partis politiques irakiens, le ministre de la Justice lui-même et quelques fois, les Américains, détaille-t-il. Ça passait par des coups de fils, des articles de presse, ou des lettres officielles, directement envoyées à mon adresse. Ils me demandaient pourquoi je laissais Saddam s’asseoir, boire de l’eau et avoir du papier et un stylo".

"Ils me demandaient pourquoi je ne le jugeais pas plus vite pour l’exécuter rapidement."
Rizgar Mohammed Amin
à franceinfo
Saddam Hussein finira par être condamné à mort et pendu le jour de l’Aïd. "De toute évidence, l’Irak n’était pas prêt pour accueillir ce procès, estime Rizgar Mohammed Amin. La sécurité du pays n’était pas assurée. Les juges n’était ni neutres, ni formés au droit international. Je suis contre la peine de mort, pour qui que ce soit. Ça vaut pour Saddam. Son exécution en plus a créé un véritable conflit entre les sunnites pro Saddam et les chiites du pays". Un conflit qui participera à l’émergence de Daesh en Irak, des années plus tard.
 

Les États-Unis ont envahi l’Irak en 2003 sous le faux prétexte que le pays possédait des armes de destruction massive (ADM). L’invasion a marqué le déclenchement de la machine de guerre américaine contre l’Irak et l’ensemble de la région de l’Asie de l’Ouest. Quelques années plus tard, ils ont ensuite envahi la Syrie sous prétexte de combattre les terroristes de Daech. Daech a lancé une campagne de terreur brutale en 2014, envahissant de vastes étendues de l’Irak puis des terres en Syrie. L’Irak a déclaré la victoire sur le groupe terroriste en décembre 2017 à l’issue d’une campagne militaire antiterroriste de trois ans dans laquelle les Unités de mobilisation populaire PMU en anglais, connu en arabe sous le nom de Hachd al-Chaabi assisté de conseillers militaires iraniens ont joué un rôle majeur.

Pourtant, les terroristes continuent de mener des attaques à travers l’Irak et la Syrie alors qu’ils ont été de plus en plus actifs en Afghanistan au cours des deux dernières années, depuis le retrait humiliant des forces américaines du pays déchiré par la guerre. Zamir Kabulov haut diplomate russe a déclaré, le vendredi 20 janvier, 2023 que Washington cherchait à se venger de sa défaite honteuse en Afghanistan et visait à soutenir secrètement le groupe terroriste Daech pour causer plus de dégâts dans ce pays d’Asie du Sud. « Oui, il y a de telles données, les autorités américaines ne le font pas pour le bien, mais pour le mal, car elles veulent vraiment venger leur honteuse défaite militaro-politique en Afghanistan », a-t-il déclaré à un radiodiffuseur russe. « Et en représailles, ils font tout pour que la paix ne s’installe pas dans ce pays qui souffre depuis longtemps, mais pire encore, en plus des contacts avec l’opposition armée en Afghanistan, les Anglo-Saxons soutiennent secrètement Daech ». Les talibans ont fait un retour fracassant en août 2022 après avoir renversé l’administration soutenue par les États-Unis à Kaboul. L’année dernière, les sanctions américaines et le gel des avoirs afghans ont engendré l’une des pires catastrophes humaines en Afghanistan. Les États-Unis ont envahi l’Afghanistan en octobre 2001 à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Pourtant, aucun ressortissant afghan n’était impliqué dans les attaques. Depuis, des centaines de milliers d’Afghans sont morts. La guerre a été menée au nom de la lutte contre le terrorisme. Mais près de deux décennies de présence militaire de Washington se sont terminées par un retrait précipité et n’ont laissé que destruction et insécurité.
 
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