Les mineurs, principale victime du commerce de tabac au maroc

La non-opérationnalisation des lois interdisant de fumer dans les lieux publics et de vendre des cigarettes aux jeunes, dénoncée par les ONG

Au Maroc, le tabagisme reste une affaire d’hommes. Les femmes ne représentent que 0,7% du nombre des fumeurs. Un taux qui vaut au Royaume, une place parmi les pays où la proportion de fumeuses est les plus faibles (0,6%). C’est ce qui ressort d'une récente étude américaine, réalisée par l'Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) de l'Université de Washington et qui traite de la prévalence de personnes qui fument quotidiennement dans pas moins de 187 pays.

Ainsi, le Maroc fait-il mieux que d’autres pays où la proportion de la population féminine qui fume dépasse les 25% comme c’est le cas en Autriche (28,3%), en France (27,7%), au Chili (26%) et en Grèce ( 34,7%) qui présente le taux le plus élevé de tabagisme féminin de la planète.

Pourtant, certains spécialistes de la question du tabagisme prennent ces statistiques avec des pincettes. Selon eux, le taux des fumeuses marocaines risque d’être plus important comme le laisse penser le document de l'Université de Washington. Ceci d’autant plus que des statistiques sur le tabagisme au Maroc, datant de 2006, ont indiqué que 3,3% des femmes âgées de plus de 15 ans fument contre 31,5% d’hommes.

D’après El Hassan El Baghdadi, président de l'Association marocaine de lutte contre le tabac et les drogues (AMLTD), le taux de prévalence annoncé dans ce rapport américain est douteux. « Nous sommes convaincus d’après notre expérience de terrain que les statistiques affichées sont loin de refléter la réalité. Ainsi, les déclarations des responsables et les témoignages des victimes et des personnes cibles de nos campagnes de sensibilisation montrent clairement que le pourcentage des fumeurs notamment parmi les jeunes filles et les adolescents est assez élevé », nous a-t-il précisé. Des propos que partage Dr Youssef Chami Khazraji, de la Fondation Lalla Salma, qui estime également que les chiffres avancés par ledit rapport sont biaisés.
« On sait bien qu’il est souvent difficile pour une femme d’avouer fumer. Tout le monde sait qu’il est encore mal vu dans notre société qu’une femme fume », nous a-t-il indiqué. Du coup, il pense que ce chiffre est à prendre avec réserve malgré le fait qu’il n’a rien de surprenant puisque plusieurs rapports révèlent des taux similaires et ne dépassant pas les 1%. Mais au-delà du débat sur la fiabilité scientifique de ces chiffres, El Hassan El Baghdadi pense qu’il ne faut pas rater le vrai problème, à savoir la hausse inquiétante du nombre de fumeurs notamment chez les mineurs.

Une étude récente de l’AMLTD a révélé que 13% des fumeurs au Maroc sont âgés de moins de 15 ans, soit un demi-million d'enfants âgés entre 10 et 15 ans, sachant que le nombre d'enfants appartenant à cette tranche d'âge est estimé à environ 3 millions, selon les statistiques de 2012 réalisées par le Haut commissariat au plan. Des résultats que confirme une étude du ministère de la Santé qui a démontré que 15,5% parmi les 13 - 15 ans consomment régulièrement du tabac. Une recrudescence imputée, selon le président de l’AMLTD, à une politique de marketing du tabagisme en pleine expansion du fait de l’ouverture du marché du tabac à la concurrence des grands groupes mondiaux. « La privatisation du secteur a participé à encourager la consommation du tabagisme au sein de la jeunesse », nous a-t-il lancé. Le volet juridique a été également critiqué.

Il reproche ainsi à l’Etat la non-opérationnalisation de la loi qui interdit de fumer dans les lieux publics, votée en 2008 par le Parlement et qui attend la promulgation d’un décret pour son entrée en vigueur. Le même constat est observé à propos des articles de la loi 15-95 formant le Code de commerce édictant l’interdiction de la vente de tabac aux mineurs et qui ne sont pas appliqués à ce jour.

Une sonnette d’alarme que conforte une récente étude de l'OMS qui a révélé que la cigarette est responsable de 5,7 millions de morts par an dans le monde.
Le document de l’OMS a précisé que si rien n’est fait d’ici 2030, on déplorera plus de 8 millions de décès dus au tabac, dont plus de 80 % surviendront dans des pays à revenu faible ou intermédiaire.

Source libe.ma
 
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