Les nouveaux transistors défient la loi de Moore

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Le vieux transistor à la base de la puissance de nos ordinateurs, téléphones portables, tablettes ou même des cerveaux électroniques de nos automobiles, prend un coup de jeune. Intel et STMicroelectronics, acteurs de premier plan de l’industrie des semiconducteurs, ont annoncé la mise point de la nouvelle génération de composants.

Chacun avec une géométrie distincte, différente des précédentes. Ces innovations sont nécessaires pour poursuivre la réduction de taille des transistors élémentaires, gage de performance. Pour mieux contrôler le transport des électrons, Intel opte pour une structure en trois dimensions. STMicroelectronics reste à deux dimensions mais ajoute une mince couche isolante afin d’éviter les fuites de courant.

Inventéen1947, par William Shockley, John Bardeen et Walter Brattain (Prix Nobel de physique en 1956), le transistor poursuit ses mutations.

Des bijoux de technologie toujours plus performants
Deux nouvelles approches sont en concurrence pour doper encore la puissance des microprocesseurs


La technologie, comme la physique ou la biologie, a ses lois. La différence est qu’elles ne sont pas «naturelles» comme la gravitation ou l’évolution des espèces. Pour les respecter, c’est un combat technique et financier de presque tous les instants. Ainsi, en 1965, Gordon Moore, futur fondateur de l’entreprise Intel, a estimé que le nombre de transistors présents sur une puce électronique doublerait tous les deux ans (puis dix-huit mois).

Cette «loi de Moore» a commencé avec 2200 transistors en 1971 et s’est effectivement vérifiée jusqu’au plus de 1milliardaujourd’hui. Non sans efforts. A la base de cette loi, il ya deux règles physico-mathématiques. Plus on diminue la taille des composants (comme le transistor),plus on peut en mettre par unité de surface, donc plus les performances sont grandes. En outre, plus ces dimensions sont faibles, meilleure est l’efficacité d’un seul transistor. Rappelons que ces composants sont des sortes d’interrupteurs à électrons dont l’assemblage permet de réaliser les fonctions de base de l’informatique : ajouter, retrancher, exclure, tester des bits d’information élémentaires.
Ces interrupteurs sont souvent comparés à des tuyaux d’eau dont le débit serait contrôlé en appuyant dessus avec le pied.

En électronique, le «pied» est une électrode, la grille. L’amont du tuyau est la «source», et l’aval, le «drain». L’eau est constituée des charges électriques, sous forme d’électrons. Appliquer une tension électrique sur la grille bloque le passage des électrons. Essentiellement, la taille d’un transistor correspond à la largeur de la grille.
 
Dans les années 1970, ce paramètre valait 10 micromètres (10millièmesdemillimètre). Puis 1micromètre au début desannées1990.Puis 0,1 micromètre au début des années 2000. Avant de tomber à 0,032 micromètre en 2012. Les performances des processeurs ont suivi cette régularité. On estime qu’un Smartphone a autant de capacités de calcul que les ordinateurs de la NASA ayant permis l’envoi d’hommes sur la Lune en1969.

Tailler ces bijoux de technologie toujours plus fin n’est pas si facile. «Jusqu’à 0,13micronenviron, on estimait que la seule réduction de taille permettait 90% du gain en performance. A 0,045 micron, ce n’est plus que 20%», témoigne Jean-Marc Chéry, vice-président exécutif chez STMicroelectronics. Autrement dit, pour conserver l’équilibre financier, il faut innover (dans les techniques de gravure, le choix des matériaux…).

La course peut continuer C’est ce qu’ont fait cette année les deux géants Intel et STMicroelectronics en présentant leurs nouvelles puces. Les ingénieurs ont constaté que plus la grille est fine, plus il est difficile de contrôler le courant (comme si le pied était trop petit sur le tuyau).Les électrons ont tendance à se carapater de leur canal d’origine. La seule manière d’empêcher cela est d’augmenter la tension, donc la consommation électrique, ce qui pour les téléphones et ordinateurs portables n’est pas réaliste (sans compter qu’on demande toujours plus à ces engins).

En 1996, la Darpa, l’agence de financement de la recherche et développement de l’armée américaine, consciente de ce problème, avait demandé aux chercheurs de trouver une solution. Celle-ci est arrivée, en deux options, en 1999, grâce à Chenming Hu, Jeff Broke et TsuJae King Liu, comme le raconte le premier dans un entretien à la revue spécialisée IEEESpectrum, en mai2011. L’idée est de pincer le tuyau entre deux doigts plutôt qu’utiliser un pied, pour suivre la métaphore de Chenming Hu, aujourd’hui à l’université Berkeley.


Une option est de passer en trois dimensions et de mettre le canal «en hauteur». L’autre option est de rester dans le plan mais en ajoutant une couche isolante sous la grille, pour empêcher les électrons de s’enfuir dans le substrat.


Il faudra ensuite près de dix ans de développement pour qu’Intel et STMicroelectronics mettent en pratique ces nouvelles architectures. Le second s’est adjoint les compétences de Soitec, entreprise française spécialisée dans la réalisation de couches ultrafines que les fabricants de processeurs graveront ensuite. Le terme «ultrafin» n’est pas volé : les pièces comportent 20 nanomètres (nm) de couches isolantes surmontées de 12nanomètres de silicium seulement. «Au début des années 2000,personne ne pensait qu’on pourrait y arriver», note Jocelyne Wasselin, de Soitec. Non seulement la course peut continuer (jusqu’à1 4nm selon STMicroelectronics), mais en plus les gains de performance sont au rendez-vous. Intel, avec sa troisième génération de processeurs à 0,022 micron, promet «des performances graphiques 3D jusqu’à deux fois supérieures à la génération précédente de processeurs». STMicroelectronics annonce, lui, pour fin 2012 (et 2013 pour de grandes séries) des durées de batterie pour téléphone augmentées de 30%. Soit quatre heures de navigation sur le Web en plus.
 
Après, la loi de Moore devrait approcher de la fin, des problèmes physiques, au niveau des atomes mêmes, se profilant. Il faudra alors changer plus radicalement de technologie. Soit en utilisant des molécules au lieu de couches atomiques. Soit en se passant des charges des électrons pour utiliser plutôt leur capacité à tourner sur eux-mêmes, une technique appelée «spintronique». La course continue.

Supplément Lemonde
 
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