FPP75
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L'histoire se répète : en ce début d'année 2010, renouant avec les excès d'avant la crise financière, les grandes banques, aux Etats-Unis et en Europe, s'apprêtent à verser des milliards de dollars, de livres ou d'euros de bonus à leurs traders.
Si l'on en croit la tendance observée à Wall Street, les appels à la modération des dirigeants du G20 ne seront pas suivis des effets espérés. Pas plus que les projets de taxation exceptionnelle conçus par certains Etats, comme le Royaume-Uni et la France, pour l'année 2010, qui pourraient, surtout à Londres, manquer leur objectif dissuasif.
Ainsi, outre-Atlantique, les bonus devraient atteindre les niveaux de 2007, avant le choc financier. Les cinq plus gros établissements - Citigroup, Bank of America, Goldman Sachs, JP Morgan Chase et Morgan Stanley - avaient déjà, fin septembre 2009, mis de côté 90 milliards de dollars (62 milliards d'euros), pour rémunérer leurs équipes au titre de l'année écoulée. Selon le New York Times, les bonus pourraient représenter la moitié de cette somme. Dans la toute-puissante banque d'affaires Goldman Sachs, dix traders stars pourraient percevoir plus de 10 millions de dollars chacun !
A Londres, le Trésor doit déjà constater l'échec de la "super-taxe" sur les bonus. A quelques exceptions près - dont HSBC et Barclays, qui promettent la modération -, les banques préfèrent payer plutôt que de réduire ou différer les primes de fin d'année. Les bonus garantis, pourtant interdits par le G20, font discrètement leur retour.
Pis, des mesures de contournement sont à l'étude, pour éluder la nouvelle taxe. Certains établissements envisagent ainsi de scinder en deux l'enveloppe de primes, avec un premier versement en mars et le second en janvier 2011... Lorsque la taxe aura disparu.
Retours aux dérives passées
Dans ce paysage, la France occupe une place à part. Si les meilleurs traders peuvent s'attendre à de belles primes, le montant global des bonus devrait reculer d'environ 16 %, selon la ministre de l'économie, Christine Lagarde, par rapport aux sommes distribuées en 2008 au titre des résultats 2007. Cette estimation se fonde sur les données fournies mi-décembre 2009. En outre, d'une manière générale, en France, les sommes en jeu sont loin d'atteindre les dizaines de millions de dollars versés aux vedettes de Wall Street et de la City.
Partout dans le monde, d'une banque à l'autre, le discours est le même. L'année écoulée a été excellente. Les traders ont fait gagner beaucoup d'argent à leurs entreprises. Ils doivent être récompensés comme le prévoient leurs contrats de travail. C'est oublier, toutefois, que les profits réalisés par les banques en 2009 l'ont été grâce aux aides d'Etat, à l'argent à taux zéro que leur ont prêté les banques centrales pour passer la crise. Le retour aux dérives passées devrait accentuer un divorce déjà consommé entre les banques et l'opinion publique.
"La saison des grosses primes (...) va scandaliser le peuple américain", a averti la conseillère économique en chef du président Barack Obama, Cristina Romer. "La colère est immense partout aux Etats-Unis, même si on n'en prend pas toujours la mesure à New York", souligne de son côté l'économiste Thomas Philippon, professeur à l'université de New York et à l'Ecole d'économie de Paris (PSE).
Au Royaume-Uni, le ressentiment est d'autant plus vif que les contribuables redoutent de ne jamais revoir la couleur de l'argent public alloué au sauvetage du secteur bancaire.
Il reste que l'intervention des Etats pour discipliner les pratiques n'a pas été totalement vaine. Si, en valeur absolue, les sommes prévues restent colossales, le montant des primes des professionnels des marchés rapporté au chiffre d'affaires qu'ils réalisent semble diminuer. Selon de premières estimations, ce "taux de bonus" pourrait passer de 50 % à 40 % dans les grandes banques américaines. En France, où ce taux a toujours été plus bas, il pourrait être encore réduit, à moins de 20 % cette année contre près de 25 % auparavant.
De surcroît, la composition des bonus devrait évoluer sensiblement. Dans la lignée des recommandations du G20, soucieux de décourager les gains rapides et porteurs de risques à long terme, les banques distribueront une part plus importante en actions plutôt qu'en "cash". Selon le cabinet de chasseurs de têtes Humblot Grant Alexander, la proportion de titres devrait augmenter de 25 % à 50 % aux Etats-Unis. A Londres et à Paris, deux tiers des bonus seront des actions, contre un tiers auparavant. Présentée comme une avancée, la mesure est qualifiée par certains économistes, comme M. Philippon, "d'habillage pour ne pas choquer davantage l'opinion".
Dans le même registre, pour afficher des bonus moins importants tout en préservant les rémunérations de leurs traders, certains établissements, en Europe comme aux Etats-Unis, ont augmenté leurs salaires.
Claire Gatinois et Anne Michel, avec Marc Roche (à Londres)
Si l'on en croit la tendance observée à Wall Street, les appels à la modération des dirigeants du G20 ne seront pas suivis des effets espérés. Pas plus que les projets de taxation exceptionnelle conçus par certains Etats, comme le Royaume-Uni et la France, pour l'année 2010, qui pourraient, surtout à Londres, manquer leur objectif dissuasif.
Ainsi, outre-Atlantique, les bonus devraient atteindre les niveaux de 2007, avant le choc financier. Les cinq plus gros établissements - Citigroup, Bank of America, Goldman Sachs, JP Morgan Chase et Morgan Stanley - avaient déjà, fin septembre 2009, mis de côté 90 milliards de dollars (62 milliards d'euros), pour rémunérer leurs équipes au titre de l'année écoulée. Selon le New York Times, les bonus pourraient représenter la moitié de cette somme. Dans la toute-puissante banque d'affaires Goldman Sachs, dix traders stars pourraient percevoir plus de 10 millions de dollars chacun !
A Londres, le Trésor doit déjà constater l'échec de la "super-taxe" sur les bonus. A quelques exceptions près - dont HSBC et Barclays, qui promettent la modération -, les banques préfèrent payer plutôt que de réduire ou différer les primes de fin d'année. Les bonus garantis, pourtant interdits par le G20, font discrètement leur retour.
Pis, des mesures de contournement sont à l'étude, pour éluder la nouvelle taxe. Certains établissements envisagent ainsi de scinder en deux l'enveloppe de primes, avec un premier versement en mars et le second en janvier 2011... Lorsque la taxe aura disparu.
Retours aux dérives passées
Dans ce paysage, la France occupe une place à part. Si les meilleurs traders peuvent s'attendre à de belles primes, le montant global des bonus devrait reculer d'environ 16 %, selon la ministre de l'économie, Christine Lagarde, par rapport aux sommes distribuées en 2008 au titre des résultats 2007. Cette estimation se fonde sur les données fournies mi-décembre 2009. En outre, d'une manière générale, en France, les sommes en jeu sont loin d'atteindre les dizaines de millions de dollars versés aux vedettes de Wall Street et de la City.
Partout dans le monde, d'une banque à l'autre, le discours est le même. L'année écoulée a été excellente. Les traders ont fait gagner beaucoup d'argent à leurs entreprises. Ils doivent être récompensés comme le prévoient leurs contrats de travail. C'est oublier, toutefois, que les profits réalisés par les banques en 2009 l'ont été grâce aux aides d'Etat, à l'argent à taux zéro que leur ont prêté les banques centrales pour passer la crise. Le retour aux dérives passées devrait accentuer un divorce déjà consommé entre les banques et l'opinion publique.
"La saison des grosses primes (...) va scandaliser le peuple américain", a averti la conseillère économique en chef du président Barack Obama, Cristina Romer. "La colère est immense partout aux Etats-Unis, même si on n'en prend pas toujours la mesure à New York", souligne de son côté l'économiste Thomas Philippon, professeur à l'université de New York et à l'Ecole d'économie de Paris (PSE).
Au Royaume-Uni, le ressentiment est d'autant plus vif que les contribuables redoutent de ne jamais revoir la couleur de l'argent public alloué au sauvetage du secteur bancaire.
Il reste que l'intervention des Etats pour discipliner les pratiques n'a pas été totalement vaine. Si, en valeur absolue, les sommes prévues restent colossales, le montant des primes des professionnels des marchés rapporté au chiffre d'affaires qu'ils réalisent semble diminuer. Selon de premières estimations, ce "taux de bonus" pourrait passer de 50 % à 40 % dans les grandes banques américaines. En France, où ce taux a toujours été plus bas, il pourrait être encore réduit, à moins de 20 % cette année contre près de 25 % auparavant.
De surcroît, la composition des bonus devrait évoluer sensiblement. Dans la lignée des recommandations du G20, soucieux de décourager les gains rapides et porteurs de risques à long terme, les banques distribueront une part plus importante en actions plutôt qu'en "cash". Selon le cabinet de chasseurs de têtes Humblot Grant Alexander, la proportion de titres devrait augmenter de 25 % à 50 % aux Etats-Unis. A Londres et à Paris, deux tiers des bonus seront des actions, contre un tiers auparavant. Présentée comme une avancée, la mesure est qualifiée par certains économistes, comme M. Philippon, "d'habillage pour ne pas choquer davantage l'opinion".
Dans le même registre, pour afficher des bonus moins importants tout en préservant les rémunérations de leurs traders, certains établissements, en Europe comme aux Etats-Unis, ont augmenté leurs salaires.
Claire Gatinois et Anne Michel, avec Marc Roche (à Londres)