Chaque 1er janvier, à l'aube, Juliette Drouet prenait sa plus belle plume pour souhaiter la bonne année à l'homme de sa vie et le submerger de sa prose amoureuse et enflammée. Pendant 50 ans, elle fut l'éternel féminin, la maîtresse notoire et publique de Victor Hugo, sacrifiant toute son existence au grand homme (et tyran) et lui écrivant pas moins de 20 000 lettres. Elle le suivit jusque dans son exil à Guernesey d'où elle l'aperçoit au petit jour, ce 1er janvier 1862 (année de la publication des Misérables) : l'amour est à son comble ! Bonne année !
Guernesey, 1 janvier 1862, mercredi matin, 7h45
Bonjour, mon ineffable bien-aimé, bonjour, beau jour, bonheur, sourires, tendresses, amour, je t'envoie tout cela dans un seul baiser.
J'attendais le jour depuis bien longtemps pour avoir ma chère petite lettre, enfin, je la tiens ! Je la lis, je la baise et je l'adore ! Mais j'entends que tu ouvres ta fenêtre, je quitte ma lettre pour courir à toi...
C'est fait, je t'ai vu ! Mes yeux se sont remplis de ton regard, mon cœur de tes baisers, mon âme d'extase ! Merci, mon doux adoré, merci, que toutes les bénédictions de Dieu soient sur toi et sur tous ceux que tu aimes et qu'il vous accorde ce que tu lui demandes, à travers mon ardente et incessante prière, de ne nous séparer jamais une minute en cette vie ni dans l'autre. J'espère qu'il nous exaucera, mon adoré bien-aimé, et qu'il nous épargnera la douleur, j'allais dire la honte, car pour moi il me semble que je serais déshonorée si j'avais le malheur de te survivre un jour.
Aussi j'espère que Dieu nous donnera le bonheur et nous fera l'honneur de nous appeler à lui en même temps et qu'il soudera nos deux âmes l'une à l'autre pour l'éternité.
Cher adoré, je suis toute troublée, comme il m'arrive toujours chaque fois que je reçois une lettre de toi. Ton amour sous cette forme est un élixir divin qui enivre tout mon être.
Cependant, à travers mon éblouissement, je sens que je ne mérite pas tout ce que tu penses de moi, car je ne vaux que par ce que je t'aime.
En dehors de mon amour, je suis une pauvre femme bien ordinaire, bien inculte et bien imparfaite, je le sais, je le sais, je le sais. Et je pourrais presque dire que cela m'est égal, en tant que tu n'en souffres pas.
Ma vertu c'est de t'aimer, mon corps, mon sang, mon cœur, ma vie, mon âme sont employés à t'aimer.
En dehors de mon amour, je ne suis rien, je ne comprends rien, je ne veux rien. T'aimer, t'aimer, t'aimer, voilà ma seule et unique destination. Je n'en pourrais et ne saurais en avoir d'autres, quand bien même je le désirerais, parce que toutes mes forces et toute volonté tendent à t'aimer uniquement.
Sois béni pourtant, mon généreux bien-aimé, pour tous les rayons que tu mets autour de mon amour et que ma reconnaissance et mes bénédictions soient pour toi autant de bonheur et de félicité de plus dans ta vie.
Je te dis toutes ces choses dans une sorte de fièvre d'âme qui ne me permet pas de distinguer ce que je t'écris, mais le fond, du premier mot jusqu'au dernier, c'est que je t'aime, que je suis bien heureuse, que je te bénis et que j'associe ton ange et le mien à mon amour et à mes bénédictions.
Guernesey, 1 janvier 1862, mercredi matin, 7h45
Bonjour, mon ineffable bien-aimé, bonjour, beau jour, bonheur, sourires, tendresses, amour, je t'envoie tout cela dans un seul baiser.
J'attendais le jour depuis bien longtemps pour avoir ma chère petite lettre, enfin, je la tiens ! Je la lis, je la baise et je l'adore ! Mais j'entends que tu ouvres ta fenêtre, je quitte ma lettre pour courir à toi...
C'est fait, je t'ai vu ! Mes yeux se sont remplis de ton regard, mon cœur de tes baisers, mon âme d'extase ! Merci, mon doux adoré, merci, que toutes les bénédictions de Dieu soient sur toi et sur tous ceux que tu aimes et qu'il vous accorde ce que tu lui demandes, à travers mon ardente et incessante prière, de ne nous séparer jamais une minute en cette vie ni dans l'autre. J'espère qu'il nous exaucera, mon adoré bien-aimé, et qu'il nous épargnera la douleur, j'allais dire la honte, car pour moi il me semble que je serais déshonorée si j'avais le malheur de te survivre un jour.
Aussi j'espère que Dieu nous donnera le bonheur et nous fera l'honneur de nous appeler à lui en même temps et qu'il soudera nos deux âmes l'une à l'autre pour l'éternité.
Cher adoré, je suis toute troublée, comme il m'arrive toujours chaque fois que je reçois une lettre de toi. Ton amour sous cette forme est un élixir divin qui enivre tout mon être.
Cependant, à travers mon éblouissement, je sens que je ne mérite pas tout ce que tu penses de moi, car je ne vaux que par ce que je t'aime.
En dehors de mon amour, je suis une pauvre femme bien ordinaire, bien inculte et bien imparfaite, je le sais, je le sais, je le sais. Et je pourrais presque dire que cela m'est égal, en tant que tu n'en souffres pas.
Ma vertu c'est de t'aimer, mon corps, mon sang, mon cœur, ma vie, mon âme sont employés à t'aimer.
En dehors de mon amour, je ne suis rien, je ne comprends rien, je ne veux rien. T'aimer, t'aimer, t'aimer, voilà ma seule et unique destination. Je n'en pourrais et ne saurais en avoir d'autres, quand bien même je le désirerais, parce que toutes mes forces et toute volonté tendent à t'aimer uniquement.
Sois béni pourtant, mon généreux bien-aimé, pour tous les rayons que tu mets autour de mon amour et que ma reconnaissance et mes bénédictions soient pour toi autant de bonheur et de félicité de plus dans ta vie.
Je te dis toutes ces choses dans une sorte de fièvre d'âme qui ne me permet pas de distinguer ce que je t'écris, mais le fond, du premier mot jusqu'au dernier, c'est que je t'aime, que je suis bien heureuse, que je te bénis et que j'associe ton ange et le mien à mon amour et à mes bénédictions.