Leucémie lymphoïde chronique : 2014 année de tous les changements
Vincent Bargoin
Auteurs et déclarations14 avril 2014
Paris, France – Le traitement de la leucémie lymphoïde chronique (LLC) continue d’évoluer, avec trois nouvelles molécules attendues cette année. Lors du congrès de la Société Française d’Hématologie 2014 , une conférence a fait le point sur les perspectives, y compris la question de la prise en charge des patients [1]. Comme l’a indiqué le Pr Véronique Leblond (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), avec les nouveaux traitements oraux, cette prise en charge va en effet évoluer vers davantage d’ambulatoire et moins d’hospitalisation de jour.
Depuis le début des années 2000, le traitement de la LLC a connu une première révolution : l’apparition des anticorps humanisés dirigés contre l’antigène CD20, porté par les cellules B malignes. La fixation de ces anticorps désigne ces cellules B à l’activité des cellules NK.
Pr Guillaume Cartron
« Ces anticorps ont augmenté de 15 à 20% la survie des patients », a indiqué le Pr Guillaume Cartron (CHU de Montpellier) à Medscape France.
« On a ensuite commencé à les modifier pour amplifier le recrutement des cellules NK. Le résultat est l’obinutuzumab (Gazyva® Roche), dont on attend l’AMM en 2014 ».
Les deux autres molécules attendues sont l’idelalisib (Gilead) et l’ibrutinib (Imbruvica®, Janssen). Il s’agit d’inhibiteurs de kinases, impliquées dans ces cascades de signalisations.
Elles aussi sont le produit d’un parcours de recherche intéressant.
Après le succès vis-à-vis du CD20, on a naturellement cherché à cibler d’autres récepteurs spécifiques de cellules B transformées. Et il en existe de nombreux. « On a tout essayé », résume le Pr Cartron. « Et rien n’a marché ».
A défaut, « ces travaux ont néanmoins permis d’explorer les voies de transduction du signal activés par ces différents récepteurs, et impliqués dans la LLC, les lymphomes folliculaires, et d’autres hémopathies », ajoute-t-il.
Le résultat, ce sont les deux inhibiteurs attendus cette année. On note qu’ils s’adressent à des kinases différentes (l’idelalisib inhibe la PI3-Kinase, et l’ibrutinib inhibe la Tyrosine Kinase de Bruton, BTK), et que d’autres molécules sont en développement.
Allongement de la survie sans progression
S’agissant de l’obinutuzumab, l’essai CLL11 montre que son association avec le chlorambucil allonge la survie sans progression de patients non traités auparavant (26,7 mois vs 11,1 mois pour le chlorambucil seul, et 16,3 mois pour l’association rituximab-chlorambucil) [2].
S’agissant de l’idelalisib, la Study 116 a été stoppée prématurément sur recommandation du comité de surveillance après le constat d’un bénéfice significatif de l’association idelalisib-rituximab versus rituximab-placebo chez des patients déjà traités (RR de progression ou de décès dans le groupe idelalisib : 0,15 ; p<0,001) [3].
Enfin, s’agissant de l’ibrutinib, son évaluation en phase I/II dans l’étude PCYC-1102-CA chez des patients considérés comme à haut risque, en rechute ou réfractaires (médiane : 4 thérapies préalables), montre un taux de survie sans progression de 75% à 26 mois, et une survie globale de 83% [4].
« Ces traitements oraux sont en outre mieux tolérés que la chimiothérapie, et n’en comportent pas les effets secondaires stigmatisant (vomissements, alopécie,…) », souligne le Pr Cartron.
Evaluer plus finement les patients et la maladie
Lorsque plusieurs molécules arrivent en même temps dans une indication, il reste toujours un gros travail pour optimiser leur utilisation dans la vraie vie.
Première nécessité : puisque de nombreuses études restent à mener, il va falloir caractériser plus précisément les groupes de patients, et mieux définir la notion de maladie résiduelle.
Le Dr Anne-Sophie Michallet (Pierre-Bénite, CHU de Lyon) a ainsi souligné l’importance d’une meilleure évaluation des comorbidités des patients majoritairement âgés, et en particulier des comorbidités les plus fréquemment rencontrées, qui sont les atteintes rénales. « Seulement 44% des praticiens utilisent des échelles gériatriques pour évaluer leurs patients », a-t-elle indiqué.
L’évaluation du traitement aussi, doit évoluer. « Peut-on se fonder sur la maladie résiduelle pour traiter de manière préventive ? », s’est interrogé le Dr Loïc Ysebaert (CHU de Toulouse). Et pour le savoir, la première condition est une définition consensuelle de la maladie résiduelle. « Les patients ne sont pas aussi répondeurs lorsqu’on regarde dans la moelle que lorsqu’on regarde dans le sang », note-t-il, en, ajoutant que les nouvelles molécules vont aussi obliger à préciser la valeur pronostique des cellules ganglionnaires.
Evolution de la prise en charge
Second aspect : la réorganisation de la prise en charge des patients.
« Vraisemblablement, les traitements dans cinq ans ne ressembleront en rien aux traitements d’aujourd’hui », a conclu le Dr Marie-Sarah Dilhuydy (CHU de Bordeaux), en insistant elle-aussi sur l’augmentation des prises en charge ambulatoires.
Il va donc falloir des infirmiers à domicile, et parallèlement, une réduction des besoins en hôpital de jour. Pour le Pr Cartron, « on va vers des activités qui sont moins consommatrices de personnel ».
Parallèlement, se pose la question du coût, qui joue nettement en sens inverse. « L’ibrutinib coûte 80 000 dollars par an aux Etats-Unis » a relevé le Pr Leblond.
Peut-on transformer de manière équilibrée des frais de fonctionnement en dépense de médicament ? Âpre débat. Sur le plan comptable, au moins, « les anglo-saxons sont mieux préparés que nous, puisqu’ils ont déjà réfléchi aux coûts des soins, ce que nous commençons seulement à faire en France » estime le Pr Cartron.
La conférence modérée par les Prs Leblond et Cartron, et lors de laquelle intervenaient les Drs Michallet, Ysebaert et Dilhuydy, bénéficiait du soutien institutionnel de Roche
Références :
Vincent Bargoin
Auteurs et déclarations14 avril 2014
Paris, France – Le traitement de la leucémie lymphoïde chronique (LLC) continue d’évoluer, avec trois nouvelles molécules attendues cette année. Lors du congrès de la Société Française d’Hématologie 2014 , une conférence a fait le point sur les perspectives, y compris la question de la prise en charge des patients [1]. Comme l’a indiqué le Pr Véronique Leblond (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), avec les nouveaux traitements oraux, cette prise en charge va en effet évoluer vers davantage d’ambulatoire et moins d’hospitalisation de jour.
Depuis le début des années 2000, le traitement de la LLC a connu une première révolution : l’apparition des anticorps humanisés dirigés contre l’antigène CD20, porté par les cellules B malignes. La fixation de ces anticorps désigne ces cellules B à l’activité des cellules NK.
Pr Guillaume Cartron
« Ces anticorps ont augmenté de 15 à 20% la survie des patients », a indiqué le Pr Guillaume Cartron (CHU de Montpellier) à Medscape France.
« On a ensuite commencé à les modifier pour amplifier le recrutement des cellules NK. Le résultat est l’obinutuzumab (Gazyva® Roche), dont on attend l’AMM en 2014 ».
Les deux autres molécules attendues sont l’idelalisib (Gilead) et l’ibrutinib (Imbruvica®, Janssen). Il s’agit d’inhibiteurs de kinases, impliquées dans ces cascades de signalisations.
Elles aussi sont le produit d’un parcours de recherche intéressant.
Après le succès vis-à-vis du CD20, on a naturellement cherché à cibler d’autres récepteurs spécifiques de cellules B transformées. Et il en existe de nombreux. « On a tout essayé », résume le Pr Cartron. « Et rien n’a marché ».
A défaut, « ces travaux ont néanmoins permis d’explorer les voies de transduction du signal activés par ces différents récepteurs, et impliqués dans la LLC, les lymphomes folliculaires, et d’autres hémopathies », ajoute-t-il.
Le résultat, ce sont les deux inhibiteurs attendus cette année. On note qu’ils s’adressent à des kinases différentes (l’idelalisib inhibe la PI3-Kinase, et l’ibrutinib inhibe la Tyrosine Kinase de Bruton, BTK), et que d’autres molécules sont en développement.
Allongement de la survie sans progression
S’agissant de l’obinutuzumab, l’essai CLL11 montre que son association avec le chlorambucil allonge la survie sans progression de patients non traités auparavant (26,7 mois vs 11,1 mois pour le chlorambucil seul, et 16,3 mois pour l’association rituximab-chlorambucil) [2].
S’agissant de l’idelalisib, la Study 116 a été stoppée prématurément sur recommandation du comité de surveillance après le constat d’un bénéfice significatif de l’association idelalisib-rituximab versus rituximab-placebo chez des patients déjà traités (RR de progression ou de décès dans le groupe idelalisib : 0,15 ; p<0,001) [3].
Enfin, s’agissant de l’ibrutinib, son évaluation en phase I/II dans l’étude PCYC-1102-CA chez des patients considérés comme à haut risque, en rechute ou réfractaires (médiane : 4 thérapies préalables), montre un taux de survie sans progression de 75% à 26 mois, et une survie globale de 83% [4].
« Ces traitements oraux sont en outre mieux tolérés que la chimiothérapie, et n’en comportent pas les effets secondaires stigmatisant (vomissements, alopécie,…) », souligne le Pr Cartron.
Evaluer plus finement les patients et la maladie
Lorsque plusieurs molécules arrivent en même temps dans une indication, il reste toujours un gros travail pour optimiser leur utilisation dans la vraie vie.
Première nécessité : puisque de nombreuses études restent à mener, il va falloir caractériser plus précisément les groupes de patients, et mieux définir la notion de maladie résiduelle.
Le Dr Anne-Sophie Michallet (Pierre-Bénite, CHU de Lyon) a ainsi souligné l’importance d’une meilleure évaluation des comorbidités des patients majoritairement âgés, et en particulier des comorbidités les plus fréquemment rencontrées, qui sont les atteintes rénales. « Seulement 44% des praticiens utilisent des échelles gériatriques pour évaluer leurs patients », a-t-elle indiqué.
L’évaluation du traitement aussi, doit évoluer. « Peut-on se fonder sur la maladie résiduelle pour traiter de manière préventive ? », s’est interrogé le Dr Loïc Ysebaert (CHU de Toulouse). Et pour le savoir, la première condition est une définition consensuelle de la maladie résiduelle. « Les patients ne sont pas aussi répondeurs lorsqu’on regarde dans la moelle que lorsqu’on regarde dans le sang », note-t-il, en, ajoutant que les nouvelles molécules vont aussi obliger à préciser la valeur pronostique des cellules ganglionnaires.
Evolution de la prise en charge
Second aspect : la réorganisation de la prise en charge des patients.
« Vraisemblablement, les traitements dans cinq ans ne ressembleront en rien aux traitements d’aujourd’hui », a conclu le Dr Marie-Sarah Dilhuydy (CHU de Bordeaux), en insistant elle-aussi sur l’augmentation des prises en charge ambulatoires.
Il va donc falloir des infirmiers à domicile, et parallèlement, une réduction des besoins en hôpital de jour. Pour le Pr Cartron, « on va vers des activités qui sont moins consommatrices de personnel ».
Parallèlement, se pose la question du coût, qui joue nettement en sens inverse. « L’ibrutinib coûte 80 000 dollars par an aux Etats-Unis » a relevé le Pr Leblond.
Peut-on transformer de manière équilibrée des frais de fonctionnement en dépense de médicament ? Âpre débat. Sur le plan comptable, au moins, « les anglo-saxons sont mieux préparés que nous, puisqu’ils ont déjà réfléchi aux coûts des soins, ce que nous commençons seulement à faire en France » estime le Pr Cartron.
La conférence modérée par les Prs Leblond et Cartron, et lors de laquelle intervenaient les Drs Michallet, Ysebaert et Dilhuydy, bénéficiait du soutien institutionnel de Roche
Références :
Conférence scentifique. Nouveaux concepts, nouvelles perspectives dans la prise en charge de la LLC en 2014. Congrès de la Société Française d’Hématologie. Paris, 28 mars 2014
Goede V, Fischer K, Busch R et coll. Obinutuzumab plus Chlorambucil in Patients with CLL and Coexisting Conditions. N Engl J Med 2014; 370:1101-1110
Furman RR, Sharman JP, Coutre SE et coll. Idelalisib and rituximab in relapsed chronic lymphocytic leukemia. N Engl J Med. 2014 Mar 13;370(11):997-1007
Byrd JC, Furman RR, Coutre SE et coll. Targeting BTK with Ibrutinib in Relapsed Chronic Lymphocytic Leukemia. N Engl J Med 2013; 369:32-42
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