L’Europe unie derrière l’Ukraine (sauf la Hongrie)

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Nous sommes très reconnaissants de ne pas être seuls. Et ce ne sont pas seulement des mots. Nous le ressentons », a lancé Volodymyr Zelensky, en arrivant au sommet extraordinaire, jeudi midi. Le président ukrainien, malmené à Washington, cherchait un appui renforcé à Bruxelles. Il l’a obtenu d’une Europe à… Vingt-Six. Comme il avait menacé de le faire, Viktor Orban a fait bande à part, déchirant l’unité européenne, fragile mais intacte depuis le 24 février 2022. Un prix symboliquement lourd, que les autres Etats membres ont décidé de payer, en ce « moment décisif », déterminés à muscler et non affadir leur langage de soutien à Kiev, face à Donald Trump et Vladimir Poutine. « Aujourd’hui, nous avons écrit l’histoire », a insisté, sur le coup de 23h30, à l’issue de la rencontre, Ursula von der Leyen. « L’Europe fait face à un danger clair, nous agissons avec l’ampleur, la rapidité, la détermination que la situation exige ».

Les vingt-six chefs d’Etat et de gouvernement rappellent donc « fermement », face à « l’agresseur », leur soutien sans faille à l’Ukraine. Histoire de placer le pays en position de force à la veille d’éventuels pourparlers de paix, ce qui suppose donc « une aide accrue sur le plan politique, financier, humanitaire, militaire et diplomatique ». Pour 2025, 30 milliards sont déjà prévus, toutes les formules permettant d’anticiper des versements, dans le cadre des instruments de financement européens existants ou à créer, sont bienvenues, les efforts des Etats membres aussi.

Pas de marchandage avec Orban

Viktor Orban voulait que l’UE négocie avec la Russie, par-devers les Ukrainiens ? Ses vingt-six homologues, unanimes, dictent au contraire leurs conditions pour tout effort visant à conclure une paix, « globale, juste et durable ». Pas de négociations sans l’Ukraine ni l’Europe avec ce petit (r)appel au 47e président américain, « les sécurités ukrainienne, européenne, transatlantique et mondiale sont étroitement mêlées ». Pas de paix « qui ne respecte pas l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale » de l’Ukraine. Pas de paix, non plus, sans « des garanties de sécurité robustes et crédibles, pour dissuader toute autre agression russe ». Et l’Union européenne d’une part, les Etats membres de l’autre, se disent prêts à contribuer aux garanties de sécurité requises, « en fonction de leurs compétences et capacités ».

Le Premier ministre hongrois n’a donc pas eu raison de la détermination des vingt-six autres chefs d’Etat et de gouvernement. Lesquels se sont épargné d’interminables heures de négociations avec l’homme fort de Budapest, pour tenter de le ramener à bord pendant le sommet. La messe semblait d’ailleurs écrite depuis quelques jours, lorsque le dirigeant illibéral avait signifié, par écrit, à Antonio Costa, que le nouveau contexte géopolitique imposait de réécrire toute la position européenne – en la laissant pour ainsi dire dicter par son allié de la Maison-Blanche, voire du maître du Kremlin. Une posture dont il semblait, cette fois, difficile de sortir sans perdre la face. Viktor Orban a donc choisi de la sauver, de son point de vue, les Européens aussi, actant en quelques minutes qu’ils avanceraient donc à vingt-six. « La Hongrie est isolée, un pays qui est seul ne peut pas diviser l’unité européenne », a martelé le président du Conseil européen, tard dans la soirée.

Ce n’est du reste pas la première fois qu’un sommet se conclut par une note hongroise dissonante : en 2023, Charles Michel avait dû s’y résoudre à deux reprises, en juin sur les questions migratoires et, en décembre, sur le cadre financier pluriannuel. Et même si, cette fois, la désunion européenne aura un retentissement plus important, vu le sujet et dans le contexte, c’était la seule issue acceptable. Elle pourrait malgré tout s’avérer lourde de conséquences, si Viktor Orban, poursuivant sur sa lancée, cale net pour des décisions majeures requérant l’unanimité – certains pans du soutien militaire et financier à l’Ukraine, le renouvellement des paquets de sanction contre la Russie, le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, sans parler du budget pluriannuel, à négocier dès l’été…


 

Une nouvelle Allemagne

En revanche, le Premier ministre hongrois s’est rallié à ses homologues pour soutenir le plan de réarmement européen, proposé cette semaine par la Commission. En réponse au « défi existentiel pour l’UE », les chefs d’Etat et de gouvernement entendaient faire œuvre de clarification et d’accélération pour la défense européenne. Feu vert, donc, à l’exécutif communautaire, pour qu’il traduise en propositions concrètes les pistes évoquées mardi par Ursula von der Leyen – avec prière d’agir « urgemment ». Les chefs d’Etat et de gouvernement approuvent donc l’idée d’un instrument de prêts, doté de 150 milliards, pour financer des initiatives dans les secteurs militaires labellisés prioritaires – défense aérienne et anti-missile, systèmes d’artillerie, en ce compris avec des capacités de frappe profondes, missiles et munitions, drones et systèmes anti-drones, facilitateurs stratégiques (en ce compris pour la protection de l’espace et des infrastructures critiques), mobilité militaire, cyberdéfense… Ils encouragent aussi la Banque européenne d’investissement à faire diligence pour adapter ses règles, afin de pouvoir contribuer davantage au financement de l’industrie de la défense.

Surtout, ils valident l’idée d’assouplir les règles budgétaires – les dépenses militaires seront affranchies du cadre strict du Pacte de stabilité et de croissance, à concurrence de 1,5 % du PIB. Au sein du Conseil européen, certaines voix se sont du reste élevées pour exiger d’aller encore plus loin dans la flexibilité, parmi lesquelles… celle de l’Allemagne. Berlin, lancée dans une course spectaculaire à l’investissement, a exporté sa nouvelle dynamique – qui tranche singulièrement avec la frilosité des dernières années, et le respect du frein à l’endettement – à Bruxelles. Pour le plus grand étonnement de ses partenaires, qui ont assisté, toute la semaine, médusés, aux plaidoyers allemands visant à desserrer le carcan européen. Au sommet, ils ont laissé les Néerlandais et les Autrichiens bien seuls sur les bancs des « frugaux ». La pression de Scholz a donc valu l’ajout, dans les conclusions, d’une demande à la Commission « d’explorer de nouvelles mesures pour faciliter les dépenses majeures des Etats membres, en matière de défense », « pour autant qu’elles garantissent la soutenabilité de la dette », a fait préciser La Haye.

Reste à voir comment la Commission traduira, concrètement, la marge de créativité qu’elle a reçue, d’ici au prochain sommet, ordinaire celui-là, convoqué le 20 mars prochain.
 
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