A
AncienMembre
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Mon premier maître de géographie s'appelait Hadj Mohamed. Il venait d'un village situé à cinq kilomètres de Tafraoute. En dépit de sa mauvaise vue, il se refusait absolument à porter des lunettes, car il rejetait tout ce qui n'était pas création de Dieu. Il désapprouvait absolument, par exemple, l'usage du bus, et préférait se rendre à l'école perché sur une créature de Dieu, en l'occurrence un âne. Il parcourait chaque jour à dos d'âne les cinq kilomètres qui le séparaient de l'école. Il suspendait au tableau une carte du Maroc et disait simplement : «Voici le Maroc, répétez tous, voici le Maroc. Voici Casablanca, répétez après moi, voici Casablanca. C'est ainsi que Dieu a créé le Maroc, répétez-le tous trois fois.» Et ainsi de suite. Nous répétions comme des perroquets tout ce que nous soufflait le maître. Pendant les récréations, nous taquinions son âne. Mais un beau jour, il vint à l'école sans son âne et nous apprîmes qu'il s'était marié et que sa femme lui avait fixé un ultimatum : l'âne ou moi ! Elle était plus jeune que lui et c'était une femme émancipée. Un mois plus tard à peu près, il revint à l'école sur sa monture. Il avait opté pour l'âne et divorcé.
Magnifique.
Magnifique.