L'importance de la vérité : deux textes du pape François (de l'encyclique Fratelli tutti, 2020)

Ebion

Ça a l'air que je suis l'esclave da partida
VIB
Bonjour :timide:

Le pape François dit certaines choses intéressantes.

Voici des extraits de son encyclique Fratelli tutti.

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184. La charité est au cœur de toute vie sociale saine et ouverte. Cependant, aujourd’hui, « il n’est pas rare qu’elle soit déclarée incapable d’interpréter et d’orienter les responsabilités morales ».[175] Elle est bien plus qu’un sentimentalisme subjectif si elle est unie à l’engagement envers la vérité, de sorte qu’elle ne soit pas « la proie des émotions et de l’opinion contingente des êtres humains ».[176] Précisément, sa relation avec la vérité permet à la charité d’être universelle et lui évite ainsi d’être « reléguée dans un espace restreint et relationnellement appauvri ».[177] Autrement, « dans le dialogue entre les connaissances et leur mise en œuvre, elle [sera] exclue des projets et des processus de construction d’un développement humain d’envergure universelle ».[178] Sans la vérité, l’émotivité est privée de contenus relationnels et sociaux. C’est pourquoi l’ouverture à la vérité protège la charité d’une fausse foi dénuée de « souffle humain et universel ».[179]

185. La charité a besoin de la lumière de la vérité que nous cherchons constamment et « cette lumière est, en même temps, celle de la raison et de la foi »,[180] sans relativisme. Cela suppose aussi le développement des sciences et leur contribution irremplaçable pour trouver les voies concrètes et les plus sûres en vue d’obtenir les résultats espérés. En effet, lorsque le bien des autres est en jeu, les bonnes intentions ne suffisent pas, mais il faut effectivement accomplir ce dont ils ont besoin, ainsi que leurs nations, pour se réaliser.
 

Ebion

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VIB
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Le fondement des consensus

206. Le relativisme n’est pas une solution. Sous le couvert d’une prétendue tolérance, il finit par permettre que les valeurs morales soient interprétées par les puissants selon les convenances du moment. En définitive, « s’il n’existe pas de vérités objectives ni de principes solides hors de la réalisation de projets personnels et de la satisfaction de nécessités immédiates […], nous ne pouvons pas penser que les projets politiques et la force de la loi seront suffisants […]. Lorsque la culture se corrompt et qu’on ne reconnaît plus aucune vérité objective ni de principes universellement valables, les lois sont comprises uniquement comme des impositions arbitraires et comme des obstacles à contourner ».[201]

207. Est-il possible de prêter attention à la vérité, de rechercher la vérité qui correspond à notre réalité la plus profonde ? Qu’est-ce que la loi sans la conviction, acquise après un long cheminement de réflexion et de sagesse, que tout être humain est sacré et inviolable ? Pour qu’une société ait un avenir, il lui faut cultiver le sens du respect en ce qui concerne la vérité de la dignité humaine à laquelle nous nous soumettons. Par conséquent, on n’évitera pas de tuer quelqu’un uniquement pour éluder la réprimande de la société et le poids de la loi, mais par conviction. C’est une vérité incontournable que nous reconnaissons par la raison et que nous acceptons par la conscience. Une société est noble et respectable aussi par son sens de quête de la vérité et son attachement aux vérités les plus fondamentales.

208. Il faut s’exercer à démasquer les divers genres de manipulation, de déformation et de dissimulation de la vérité, dans les domaines publics et privés. Ce que nous appelons “vérité”, ce n’est pas seulement la diffusion de faits par la presse. C’est avant tout la recherche des fondements les plus solides de nos options ainsi que de nos lois. Cela suppose qu’on admette que l’intelligence humaine puisse aller au-delà des convenances du moment et saisir certaines vérités qui ne changent pas, qui étaient vraies avant nous et le seront toujours. En explorant la nature humaine, la raison découvre des valeurs qui sont universelles parce qu’elles en dérivent.

209. Autrement, ne pourrait-il pas arriver que les droits humains élémentaires, considérés aujourd’hui comme inaliénables, soient niés par les puissants du moment avec le ‘‘consentement’’ d’une population endormie et intimidée ? Un simple consensus entre les différents peuples, qui peuvent aussi être manipulés, ne serait pas non plus suffisant. Les preuves abondent sur tout le bien que nous sommes en mesure d’accomplir, mais en même temps, nous devons reconnaître la capacité de destruction qui nous habite. L’individualisme indifférent et impitoyable dans lequel nous sommes tombés n’est-il pas aussi le résultat de la paresse à rechercher les valeurs les plus élevées qui sont au-dessus des besoins de circonstance ? S’ajoute au relativisme le risque que le puissant ou le plus rusé finisse par imposer une prétendue vérité. Par contre, « par rapport aux normes morales qui interdisent le mal intrinsèque, il n’y a de privilège ni d’exception pour personne. Que l’on soit le maître du monde ou le dernier des misérables sur la face de la terre, cela ne fait aucune différence : devant les exigences morales, nous sommes tous absolument égaux ».[202]
 

Ebion

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VIB
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211. Dans une société pluraliste, le dialogue est le chemin le plus adéquat pour parvenir à reconnaître ce qui doit toujours être affirmé et respecté, au-delà du consensus de circonstance. Nous parlons d’un dialogue qui a besoin d’être enrichi et éclairé par des justifications, des arguments rationnels, des perspectives différentes, par des apports provenant de divers savoirs et points de vue, un dialogue qui n’exclut pas la conviction qu’il est possible de parvenir à certaines vérités élémentaires qui doivent ou devraient être toujours soutenues. Accepter qu’existent des valeurs permanentes, même s’il n’est pas toujours facile de les connaître, donne solidité et stabilité à une éthique sociale. Même lorsque nous les avons reconnues et acceptées grâce au dialogue et au consensus, nous voyons que ces valeurs fondamentales sont au-dessus de tout consensus ; nous les reconnaissons comme des valeurs qui transcendent nos contextes et qui ne sont jamais négociables. Notre compréhension de leur signification et de leur portée pourra croître – et en ce sens le consensus est une chose dynamique – mais, en elles-mêmes, elles sont considérées comme stables en raison de leur sens intrinsèque.

212. Si quelque chose est toujours souhaitable pour le bon fonctionnement de la société, n’est-ce pas parce que derrière se trouve une vérité permanente que l’intelligence peut saisir ? Dans la réalité même de l’être humain et de la société, dans leur nature intime, réside une série de structures fondamentales qui soutiennent leur développement et leur survie. Il en découle certaines exigences qui peuvent être découvertes grâce au dialogue, bien qu’elles ne soient pas strictement le fruit d’un consensus. Le fait que certaines normes soient indispensables à la vie sociale elle-même est un indice extérieur qu’elles sont une chose bonne en soi. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’opposer la convenance sociale, le consensus et la réalité d’une vérité objective. Ces trois choses peuvent s’unir harmonieusement lorsque, à travers le dialogue, les personnes osent aller jusqu’au fond d’une question.
 

Ebion

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VIB
Cependant, le pape François précise quelque chose d'important :

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92. La teneur spirituelle d’une vie humaine est caractérisée par l’amour qui est somme toute « le critère pour la décision définitive concernant la valeur ou la non-valeur d’une vie humaine ».[71] Cependant, il y a des croyants qui pensent que leur grandeur réside dans l’imposition de leurs idéologies aux autres, ou dans la défense violente de la vérité ou encore dans de grandes manifestations de force. Nous, croyants, nous devons tous le reconnaître : l’amour passe en premier, ce qui ne doit jamais être mis en danger, c’est l’amour ; le plus grand danger, c’est de ne pas aimer (cf. 1 Co 13, 1-13).

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Ebion

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VIB
Je suis d'accord avec le pape, mais je remarque que dans une perspective purement athée, il est moins facile de réfuter le relativisme sur le plan théorique ou de donner un fondement solide à la dignité humaine.

La science en particulier remet en question une certaine vision du caractère unique ou exceptionnel ou supérieur de l'espèce humaine. Sans oublier que le concept métaphysique de nature humaine trouve pas vraiment de confirmation dans la biologie (ça me paraît douteux de l'identifier à « l'ADN » par exemple : une telle réduction tient davantage de l'atomisme démocritéen que de la métaphysique de l'Église).

Donc la perspective du pape, qui prétend valoir universellement, devrait apporter des fondements plus solides au-delà de la tradition judéo-chrétienne.

Les sociétés sécularisées peuvent bien essayer de se fonder sur une sorte de contrat social ou des chartes de droits, mais c'est pas entièrement satisfaisant pour la raison...

Mais c'est pas entièrement satisfaisant non plus de s'en remettre à une révélation religieuse comme fondement de la morale, puisque certaines personnes de bonne foi ne trouvent pas convaincantes de telles révélations.
 

Ebion

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VIB
Mais le pape a raison : s'il y a rien de plus profond ou de plus solide que les « consensus actuels » pour déterminer les normes morales, alors la morale devient le jouet des puissants et des rusés, qui ont les moyens d'influencer l'opinion publique et de marginaliser la dissidence.
 

Ebion

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VIB
C'est un peu problématique... on aimerait que les grandes valeurs morales et humaines soient « absolument vraies » et « indiscutables », mais philosophiquement, c'est assez difficile à soutenir avec toute la rigueur qu'on souhaiterait. À un moment ou à un autre, il faut prendre des jugements pour argent comptant ou bien reconnaître franchement notre impuissance.

Et comme je dis, la solution ne consiste pas à demander à tous de se réfugier dans une révélation divine, car certaines personnes ont des raisons scientifiques, historiques, philosophiques, de contester l'origine divine de tels messages. :desole:
 

Ebion

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VIB
Je ne déteste pas le pape François.

Il est pas parfait, il a des choses à se reprocher, mais il parle souvent sagement.

Remarque, ses bonnes idées sont pas toutes de lui : évidemment, il prolonge l'héritage des papes antérieurs, de Vatican II, et plus généralement de la tradition chrétienne et de la Bible.

Il faut manifestement une grande intelligence et un bon jugement pour être pape, mais on s'attend pas que chaque nouveau pape réinvente la roue. ;)
 

Dysmas

Finis gloriæ mundi
Mais le pape a raison : s'il y a rien de plus profond ou de plus solide que les « consensus actuels » pour déterminer les normes morales, alors la morale devient le jouet des puissants et des rusés, qui ont les moyens d'influencer l'opinion publique et de marginaliser la dissidence.
Je pense que sans un Dieu créateur de toutes choses, et sans une révélation divine pour en attester, aucune morale humaine ne peut prétendre à une quelconque objectivité. Tout devient relatif et le fruit d'un contexte, d'une époque. L'historicisme génère le relativisme, lequel, pour moi, finit inévitablement par basculer vers le nihilisme. Si rien ne transcende les époques, les cultures, les individualités, alors tout perd ses fondations parce les époques, les cultures et les individualités sont évolutives. Ne reste alors qu'un consensus fragile pour choisir la morale et les valeurs d'une époque, morale et valeurs aussitôt contestées parce que si elles ne trouvent pas leur fondement en dehors de tout contexte historique, elles s'annihilent elles-mêmes dans le relativisme. Pourquoi défendre ici et maintenant une morale et des valeurs si elles ne valent que pour ici et maintenant ?
 

Ebion

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VIB
Je pense que sans un Dieu créateur de toutes choses, et sans une révélation divine pour en attester, aucune morale humaine ne peut prétendre à une quelconque objectivité. Tout devient relatif et le fruit d'un contexte, d'une époque. L'historicisme génère le relativisme, lequel, pour moi, finit inévitablement par basculer vers le nihilisme. Si rien ne transcende les époques, les cultures, les individualités, alors tout perd ses fondations parce les époques, les cultures et les individualités sont évolutives. Ne reste alors qu'un consensus fragile pour choisir la morale et les valeurs d'une époque, morale et valeurs aussitôt contestées parce que si elles ne trouvent pas leur fondement en dehors de tout contexte historique, elles s'annihilent elles-mêmes dans le relativisme. Pourquoi défendre ici et maintenant une morale et des valeurs si elles ne valent que pour ici et maintenant ?

Dans un sens, les wokes sont relativistes, puisqu'ils fondent une bonne partie de leurs « règles morales » sur leur ressenti (« être offensé » ou « s'identifier » à tel sexe ou telle identité) davantage que sur des critères objectifs.

Dans un autre sens, les wokes sont pas du tout relativistes, puisqu'ils sont convaincus de connaître le bien et le mal « absolus » (du genre, racisme, sexisme, homophobie, transphobie...) et persécutent et diabolisent avec acharnement ceux qu'ils jugent coupables, et tolèrent pas les remises en question ni les nuances. Mais si on essayait d'approfondir cette « pensée », je crois pas qu'on trouverait vraiment à sa base une théorie métaphysique ou anthropologique bien développée. Excepté une vague croyance naïve en un prétendu progrès moral continu et indéfini de l'humanité, de même qu'une séparation de l'humanité en « bourreaux » et en « victimes »...
 

Ebion

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VIB
Je pense que sans un Dieu créateur de toutes choses, et sans une révélation divine pour en attester, aucune morale humaine ne peut prétendre à une quelconque objectivité. Tout devient relatif et le fruit d'un contexte, d'une époque. L'historicisme génère le relativisme, lequel, pour moi, finit inévitablement par basculer vers le nihilisme. Si rien ne transcende les époques, les cultures, les individualités, alors tout perd ses fondations parce les époques, les cultures et les individualités sont évolutives. Ne reste alors qu'un consensus fragile pour choisir la morale et les valeurs d'une époque, morale et valeurs aussitôt contestées parce que si elles ne trouvent pas leur fondement en dehors de tout contexte historique, elles s'annihilent elles-mêmes dans le relativisme. Pourquoi défendre ici et maintenant une morale et des valeurs si elles ne valent que pour ici et maintenant ?

La métaphysique religieuse fournit un cadre facile pour la fondation de la morale, et ça va au-delà de simples « volontés » autoritaires de Dieu énoncées dans un texte sacré. Dire que quelque chose est bien « parce que Dieu le veut », c'est vrai dans un sens, mais il faut aller au-delà. Pourquoi ce que Dieu veut a-t-il un caractère obligatoire? Je veux dire, abstraction faite des menaces de souffrances éternelles, dont certains religieux ont abusé.

On essaie d'arriver à Dieu, perfection ontologique absolue, comme fondement objectif et transcendant des normes du bien et du mal, dont la « volonté » ne saurait s'écarter de son essence, ne saurait trahir qui il est. Mais un fondement « secondaire » des normes morales, c'est la nature humaine et ses exigences, malgré la blessure héréditaire du péché. Et c'est plutôt sur ce terrain que l'Église peut essayer de dialoguer avec les philosophies ou religions athées!!
 
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