Lybie: la guerre italo-turque par Pierre Loti (1911).

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pocoloco

Bladinaute averti
(...)
Les journaux de France pour la plupart sont
tacitement favorables à l'Italie. Ils enre-
gistrent avec calme des victoires où, grâce
à une artillerie écrasante, les Italiens ne
laissent que trois ou quatre morts, tandis
que les Turcs gisent à terre par centaines.
Ils racontent sans broncher la pendaison à
grand spectacle d'une rangée de prisonniers
arabes, iniquement qualifiés de rebelles. On
saccage, on brûle, on tue : ils appellent cela
déblayer, et c'est à croire qu'il s'agit d'une
chasse à la bête fauve. Le correspondant
d'un grand journal parisien célébrait récem-
ment la beauté (sic) d'un tir d'artillerie à
longue distance, d'une précision telle que
les Arabes en face, avec leurs pauvres fusils,
étaient fauchés comme l'herbe d'un champ;
il parlait même d'une maudite (sic) mosquée
qui retardait la marche en conquête, parce
que les Turcs s'y étaient retranchés pour
s'y défendre comme des lions... Un autre
contait que, dans les ruines des villages de
l'oasis, éventrés par les canons de toutes
parts, on ne rencontrait plus, parmi les
cadavres, parmi les troupeaux et les chiens
de garde affolés, que quelques derniers fana-
tiques (le mot est une trouvaille : fanatique,
on le serait à moins ) qui essayaient encore
de tirer contre les envahisseurs; mais on les
capturait et les emmenait sans peine (vers
le gibet probablement). Tout cela est stupé-
fiant d'inconscience. C'est que les reporters
de nos journaux vivent dans les camps ita-
liens, et là, ils se laissent influencer par la
bonne grâce de l'accueil.
(...)
 
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