Nous navions pas le choix. Il nous fallait une femme de ménage. Un océan de travail me submergeait à nouveau et ma femme, lassistante sociale, avait décrété la grève. Au début, jarrivais encore à triompher de montagnes de linge, à prendre le dessus sur la vaisselle, conduire les enfants à lécole et à leurs activités, commander des pizzas ou acheter sur le chemin du retour de quoi fourrer une pita [1] histoire que les enfants ne se croient pas dans le besoin. De temps à autre je leur faisais prendre une douche, de temps à autre je passais laspirateur mais, ces dernières semaines, même le peu de ménage accompli se muait en un lourd fardeau. « Il vous faut une femme de ménage », disait chacun des amis ou presque qui, au péril de leur vie, se risquaient à accepter notre hospitalité.
Il nétait guère facile de trouver une femme de ménage qui fût à la fois déclarée et disponible. Un ami juif friqué pleurant sans cesse misère nous recommanda la sienne :
« Tiqvah est tout simplement extraordinaire, dit-il, et je lai convaincue de faire un effort pour sauver un de mes bons amis en détresse.
Merci beaucoup, lui ai-je répondu. Tu ne sais pas à quel point il est difficile de trouver quelquun avec des références.
Oui, me dit-il, je sais. Et moi non plus il ne mest pas facile de la partager, mais il faudra que tu la prennes chez elle et que tu la ramènes ensuite.
Pas de problème, ai-je répondu, quasi prêt à nimporte quelle condition.
Elle est aussi un peu chère, ajouta-t-il.
Largent nest pas la question, fut ma réponse.
Elle ignore que vous êtes arabes, dit-il.
Quoi ?
Écoute, Sayed, dit mon ami en me posant la main sur lépaule droite, je te le dis, je connais Tiqvah depuis plus de dix ans déjà, oublie ça, il ny a pas la moindre chance quelle accepte de travailler chez des Arabes.
Je ne comprends pas, je bredouillais un peu, alors comment au juste...
Pas la peine de la mettre au courant, répondit mon ami sur lair du serpent, écoute ce que je te dis, travailler chez des Arabes, pour elle, cest offenser Dieu.
Parce quen plus, elle croit en Dieu ?
Disons les choses ainsi, soupira-t-il, toute sa paye passe en voyages à Foix [2]. »
« Je ne veux plus rien entendre à ce sujet, fut la première réaction de mon épouse, tu es devenu fou ?
Tu sais quoi ? ai-je crié à bout de patience, tu nas quà nettoyer toi-même. Ça ne me concerne plus. Je nai pas le temps, on va finir par me licencier à cause de tout ce ménage. Ce nest pas mon problème. Tu ne veux pas de Tiqvah ? Débrouille-toi toute seule et, tu sais quoi, commence aussi à cuisiner, il est grand temps.
Cest bon, cest bon, fit-elle après un instant de réflexion. De toute façon, à cette heure-là, les enfants sont à lécole ». Et je compris quelle était daccord pour tricher.
« Bonjour Tiqvah, dis-je au téléphone après avoir pris une grande inspiration, bonjour, je suis lami de Shaï
Bonjour, rétorqua-t-elle gaiement, oui, vous êtes Israël ? »
Israël ? Cétait le nom quil lui avait donné, ce malade. « Oui, ai-je répondu, je voulais savoir où passer vous prendre demain, et »
Voilà. Tout arrive. Pour la journée internationale de la femme, nous allions avoir notre première femme de ménage. La première femme de ménage juive, la première employée juive. Quelle émotion. Au bout du compte, quelques Arabes allaient peut-être réussir à payer un Juif pour travailler ?
.....
Il nétait guère facile de trouver une femme de ménage qui fût à la fois déclarée et disponible. Un ami juif friqué pleurant sans cesse misère nous recommanda la sienne :
« Tiqvah est tout simplement extraordinaire, dit-il, et je lai convaincue de faire un effort pour sauver un de mes bons amis en détresse.
Merci beaucoup, lui ai-je répondu. Tu ne sais pas à quel point il est difficile de trouver quelquun avec des références.
Oui, me dit-il, je sais. Et moi non plus il ne mest pas facile de la partager, mais il faudra que tu la prennes chez elle et que tu la ramènes ensuite.
Pas de problème, ai-je répondu, quasi prêt à nimporte quelle condition.
Elle est aussi un peu chère, ajouta-t-il.
Largent nest pas la question, fut ma réponse.
Elle ignore que vous êtes arabes, dit-il.
Quoi ?
Écoute, Sayed, dit mon ami en me posant la main sur lépaule droite, je te le dis, je connais Tiqvah depuis plus de dix ans déjà, oublie ça, il ny a pas la moindre chance quelle accepte de travailler chez des Arabes.
Je ne comprends pas, je bredouillais un peu, alors comment au juste...
Pas la peine de la mettre au courant, répondit mon ami sur lair du serpent, écoute ce que je te dis, travailler chez des Arabes, pour elle, cest offenser Dieu.
Parce quen plus, elle croit en Dieu ?
Disons les choses ainsi, soupira-t-il, toute sa paye passe en voyages à Foix [2]. »
« Je ne veux plus rien entendre à ce sujet, fut la première réaction de mon épouse, tu es devenu fou ?
Tu sais quoi ? ai-je crié à bout de patience, tu nas quà nettoyer toi-même. Ça ne me concerne plus. Je nai pas le temps, on va finir par me licencier à cause de tout ce ménage. Ce nest pas mon problème. Tu ne veux pas de Tiqvah ? Débrouille-toi toute seule et, tu sais quoi, commence aussi à cuisiner, il est grand temps.
Cest bon, cest bon, fit-elle après un instant de réflexion. De toute façon, à cette heure-là, les enfants sont à lécole ». Et je compris quelle était daccord pour tricher.
« Bonjour Tiqvah, dis-je au téléphone après avoir pris une grande inspiration, bonjour, je suis lami de Shaï
Bonjour, rétorqua-t-elle gaiement, oui, vous êtes Israël ? »
Israël ? Cétait le nom quil lui avait donné, ce malade. « Oui, ai-je répondu, je voulais savoir où passer vous prendre demain, et »
Voilà. Tout arrive. Pour la journée internationale de la femme, nous allions avoir notre première femme de ménage. La première femme de ménage juive, la première employée juive. Quelle émotion. Au bout du compte, quelques Arabes allaient peut-être réussir à payer un Juif pour travailler ?
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