Mais si, mais si, comparons nous!

  • Initiateur de la discussion Initiateur de la discussion Barlamane
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Délicieusement écrit,

Je ne regarde pas trop les informations, ces jours-ci, à cause du crève-cœur que c’est de voir partout des guerres et des massacres, la médiocrité élue ici et là, l’incessant saccage de la planète… (On aurait envie de continuer avec le monologue d’Hamlet: «… les flagellations et les dédains du monde, l’injure de l’oppresseur, l’humiliation de la pauvreté, les lenteurs de la loi…»)

Pour qui fut accro, des décennies durant, au journal de vingt heures, c’est quand même une sorte de métamorphose assez spectaculaire que de constater qu’une journée entière s’est écoulée sans que la télévision n’ait été allumée, sans qu’un journal n’ait été déployé- mais les rosiers du jardin sont en fleur -au mois de décembre!-, le chat ronronne dans son panier et on ne se lasse pas de relire Montaigne ou Proust ou Hemingway.

Et pourtant, dans cette douce retraite de Benguerir, dans ce temple du savoir scientifique (le seul qui vaille), dans cette thébaïde hors du monde, des nouvelles de ce dernier savent s’infiltrer comme autant d’anguilles se faufilant de dessous la roche pour venir dresser leurs têtes bessonnes comme celles de l’hydre de Lerne.


Tout cela -excusez l’excès de lyrisme, il est deux heures du matin et je rêve peut-être- pour dire que j’ai quand même appris que la ville d’Alep, en Syrie, venait d’être conquise par la rébellion sunnite, ou chiite, je ne sais plus, on s’y perd- et que l’aviation russe (que fait-elle là?) venait de bombarder lesdits rebelles. Le plateau du Golan est toujours occupé, Daech relève la tête du côté de Raqqa, les Kurdes ont fait sécession dans l’Est du pays, mais tout cela n’empêche pas le dictateur Al Assad de s’adonner à son passe-temps quotidien, les jeux vidéo, terré dans son bunker. Non, je n’aimerais pas être syrien ces jours-ci. La guerre civile fait rage depuis 2011 (!) dans ce pays meurtri, terre d’Histoire et de culture pourtant. Le tiers de la population a fui. À Amsterdam, la semaine dernière, j’ai croisé plus de Syriens que de Marocains: c’est dire.

Et voici où je voulais en venir (après tant de détours…): il fut un temps où, lorsque nous voulions parler de notre pays, on nous interdisait de nous comparer aux autres pays arabes. «On ne se compare pas!» Et nous obéissions, penauds, et nous n’avions plus d’argument. L’injonction faisait florès au temps du Printemps arabe, vous en souvient-il?

Et pourquoi ne pas nous comparer, au fond? Il faut bien un benchmark, comme disent les as du marketing et les consultants de tout poil.
 
Eh bien, quand on voit les horreurs de la guerre civile en Syrie, au Soudan et au Yémen, la désagrégation de la Libye, la division de l’Irak en tribus et sectes religieuses qui se détestent, la faillite du Liban, la dictature militaire chez nos voisins et en Égypte, l’accaparement de tous les pouvoirs par l’étrange raïss tunisien (est-ce un robot?), quand on voit tout ça et qu’on constate que malgré six ans de sécheresse, notre pays est plutôt paisible et continue de se développer, on ne peut que reprendre à son compte l’aphorisme de Talleyrand tant de fois cité: «Quand je m’examine, je m’inquiète; quand je me compare, je me rassure.»

Alors oui, continuons de nous comparer.

C’est bon pour le moral.

 
Ce message est rempli de mélancolie.. ca me fait chialer.. et d'une poésie puissante qui manque de nos jours, ca mélange superbement une "critique" et un espoir.. c'est subtile.. ces questionnements essentielles , sont profonds.

Dans un monde tellement troublé, observer que certains pays réussissent à maintenir une certaine stabilité est un baume pour notre mind, mais ca ne doit pas nous faire oublier les enjeux qui méritent notre attention. Montaigne <3 'Se comparer n'est pas s'absoudre." Cela peut être une étape vers l'introspection, un moyen de mieux comprendre ce que nous avons, ce que nous voulons préserver, et ce que nous souhaitons changer.

Talleyrand, Montaigne, Hamlet : ces figures offrent toujors des perspectives intemporelles sur des défis humains universels, ils sont incroyables.. on a besoin de ca dans notre présent désordonné et confus.
Ne jamais sombrer dans le désespoir, mais œuvrer à la mesure de ses moyens, que ce soit en cultivant son jardin comme Candide ou en participant au développement de notre monde.

Merci de ce partage, de plus j'ai appris un nouveau mot aujourd'hui.. thebaide...
 
Ce message est rempli de mélancolie.. ca me fait chialer.. et d'une poésie puissante qui manque de nos jours, ca mélange superbement une "critique" et un espoir.. c'est subtile.. ces questionnements essentielles , sont profonds.

Dans un monde tellement troublé, observer que certains pays réussissent à maintenir une certaine stabilité est un baume pour notre mind, mais ca ne doit pas nous faire oublier les enjeux qui méritent notre attention. Montaigne <3 'Se comparer n'est pas s'absoudre." Cela peut être une étape vers l'introspection, un moyen de mieux comprendre ce que nous avons, ce que nous voulons préserver, et ce que nous souhaitons changer.

Talleyrand, Montaigne, Hamlet : ces figures offrent toujors des perspectives intemporelles sur des défis humains universels, ils sont incroyables.. on a besoin de ca dans notre présent désordonné et confus.
Ne jamais sombrer dans le désespoir, mais œuvrer à la mesure de ses moyens, que ce soit en cultivant son jardin comme Candide ou en participant au développement de notre monde.

Merci de ce partage, de plus j'ai appris un nouveau mot aujourd'hui.. thebaide...

j'ai pensé à Thèbes, je me suis dit c'est un néologisme sans trop savoir ce que ça recouvrait mais tu as piqué ma curiosité et en fait, ce terme existe et ça vient de Thèbes.
 
Ce message est rempli de mélancolie.. ca me fait chialer.. et d'une poésie puissante qui manque de nos jours
On visualise presque ces populations ô combien modestes, qui ne demandent rien à personne et qui se contentent de peu. La souffrance silencieuse des "faibles" est injuste.

'Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent'
Jean-Paul Sartre
 
JuanTwo, Ta citation illustre bien notre réalité, les plus vulnérables paient le prix fort. Et ce silence résonne comme un cri d’alarme.

La souffrance est rendue invisible par le poids des élites, des politiques, qui dominent l'Histoire, et nos décisions...

Cela dit, Sartre nous pousse aussi à réfléchir : comment changer cet état de fait ? comment agir pour que la justice ne sot pas une utopie.
 
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