Le Maroc, un eldorado pour les Espagnols
Cependant, le 18 juillet n’est pas réellement la date qui marque le début des flux migratoires entrepris par les Espagnols vers le Maroc. Il est possible de remonter jusqu’en 1492, lorsqu’un grand nombre d'arabo-andalous et de judéo-andalous, chassés d'Espagne et du Portugal, transitent par Tanger et décident de s’y installer.
Pourtant, cette voie n’atteindra son pic qu’après la fin de la bataille de Tétouan en 1860. Selon l’historien
Juan Bautista Vilar, «après la signature du Traité hispano-marocaine de 1861, de nombreux paysans et artisans cherchaient refuge et travail dans les villes côtières au Maroc».
A cette époque, l’immigration espagnole au Maroc prend plus d’ampleur, grâce aux campagnes de propagande. C’est ainsi que durant la fin du XIXè siècle, ce flux migratoire a sensiblement augmenté. Durant les années 1891-1892, on avait recensé au Maroc près de 6 000 Espagnols repartis entre Tanger, Casablanca, Larache, Mogador ou encore Rabat.
Grâce à ce traité privilégié signé à Tétouan, l’Espagne poursuivra son expansion et affirmera son leadership au royaume. Les Espagnols considèreront le Maroc tel un eldorado, où du travail et des avantages sociaux les attendent sur place.
Ainsi, cette immigration ne fera que poursuivre sa croissance durant le
XXè siècle. Entre 1900 et 1904, le mouvement dans les deux directions a fluctué au moment où les chiffres officiels parlaient de 1 000 à 1 500 migrants annuels. Commerçants,
businessmen ou encore artistes continueront de fuir l’Espagne à la recherche de meilleures conditions de vie au Maroc.
Une vie simple est un business prospère
Alors qu’en Algérie, il y avait une certaine prédominance pour le secteur primaire, les Espagnols qui se sont installés au Maroc étaient des commerçants, des enseignants ou encore des hommes d’affaires qui dirigeaient leurs propres entreprises ou représentaient des entreprises métropolitaines.
Mais leurs modes de vie n’avaient rien de luxueux, bien au contraire. Alors que les Français s’installaient dans les quartiers bourgeois de Casablanca et Rabat, les Espagnols, eux, étaient souvent décrits comme étant des gens simples qui préféraient les ruelles étroites des veilles médinas.
Avec la proclamation du Protectorat espagnol en 1912, l’immigration au Maroc devient même un phénomène de mode. Quelques années après, la population espagnole au Maroc qui ne dépassait guère 8 000 personnes en 1916, avait atteint 16 000 en 1923, selon les statistiques françaises de l’époque.
Mais la Guerre Civile en Espagne obligera de nombreux ressortissants espagnols à quitter le pays. Si la guerre avait appauvri d’avantage la population, la période d’après-guerre sera encore plus rude. Au Maroc, la situation économique est plus radieuse. Tanger et Casablanca en pleine essor, attireront ainsi de nombreux migrants espagnols fuyant le régime dictatorial de Franco.
A l’époque, il y avait plus de 150 000 Espagnols, 80 000 dans les régions sous protectorat espagnol et 50 000 dans la zone du protectorat français. La ville internationale de Tanger abritait, à elle seule, 20 000 Espagnols.
Quand le Maroc réussira à déloger les occupants espagnol et français, clamant enfin son indépendance, il comptait pas moins de 11,6 millions d'habitants, dont 1,3% d'origine espagnole. Soit une proportion équivalente à celle au début des années 2000... pour les Marocains résidant en Espagne.