ps : l'article date du mois de Mai.
Mariage et prostitution, amour et fausses notions, par Sanaa Elaji
Mercredi dernier, une radio privée a diffusé un débat consacré à la vie en commun en dehors des liens du mariage, ce que les Français appellent concubinage. La discussion a suscité en moi certaines interrogations.
La première chose qui attire l’attention est le titre même donné à cette émission : « le concubinage relève-t-il de la liberté individuelle ou de la prostitution ? ». Une question grave, mais avant de nous y atteler, accordons-nous d’abord sur les concepts. La prostitution, ou le métier du sexe si on veut éviter de tomber dans les préjugés et les jugements de valeur, est une activité commerciale dans laquelle un individu accomplit un acte sexuel moyennant rétribution. Dans la plupart des cas, il s’agit d’un homme qui paie une femme qui, en échange, accepte d’effectuer avec lui un acte sexuel. Aussi, en choisissant le terme prostitution, ne serions-nous pas en train d’accabler la seule femme alors que le concubinage est un choix fait par les deux partenaires, qui en assument en conséquence, conjointement, la responsabilité ? Et puis, quelles sont les similitudes entre une situation où deux personnes décident de vivre en commun sans lien de mariage, et une relation sexuelle de nature commerciale ? Cela signifie-t-il que l’on réduit une relation entre un homme et une femme au sexe, et uniquement au sexe ? Ou, pire encore, au sexe, contre bel argent… Les mots employés ne sont jamais vraiment innocents ni fortuits, car ils comportent des significations aussi graves qu’importantes, auxquelles nous devrions prendre garde.
Secundo, je ne comprends pas pour quelle raison et à chaque fois qu’il s’agit de libertés publiques ou sexuelles, la brutalité intellectuelle intervient et nous lions ces principes à la pornographie, à la prostitution et à la pédophilie. Il existe certes nombre de comportements qui sont absolument et définitivement inadmissibles, quelles que soient nos orientations idéologiques, comme l’exploitation sexuelle des individus, la pédophilie, le viol, la pornographie… A ce propos, voici quelques jours, j’ai été contactée par un journaliste qui travaillait à un article sur la laïcité et qui m’a demandé mon opinion sur la prostitution et sur les films X. Nous sommes donc face à une catégorie de personnes qui réduisent la laïcité et les libertés individuelles à la prostitution et à la pornographie, et à une autre catégorie qui lient toute relation humaine entre un homme et une femme au sexe et, pire encore, au sexe contre rémunération… Sommes-nous là confrontés à une obsession pour le sexe, à une mauvaise appréciation des choses ou à une mauvaise foi préméditée ?
Troisièmement, un certain nombre de participants au débat ont répété la fameuse antienne : « L’homme passera son temps avec elle, se divertira en profitant de son corps, puis s’en lassera et l’abandonnera »… comme si dans une relation, la femme était un objet, alors que dans sa relation avec son homme, la femme est un partenaire. Il est donc important qu’à ce propos, les femmes cessent de se poser en victimes, car elles ont leur mot à dire dans toute relation (et nous ne parlons bien évidemment pas ici des cas de viol) et elles se doivent d’assumer ce choix. De même qu’il appartient à la société entière, hommes et femmes confondus, d’admettre que le désir sexuel n’est pas le fait unique des hommes qui, ainsi, assouvissent leurs besoins avec (ou sur…) des femmes. Autrement dit, la relation n’est pas à sens unique, où un des deux partenaires se lasserait de l’autre, mais bel et bien une relation duale dans laquelle la femme a autant de besoins, de désires et de plaisir que l’homme. Quand un homme et une femme partagent leurs existences, jusques-y compris leur sexualité, cela implique qu’il existe une envie chez les deux. Il existe des personnes qui comprennent et admettent cela, pendant que d’autres persistent à employer ce langage tronqué consistant à affirmer que l’homme « se fichera de sa partenaire », qu’ « il s’amusera », qu’ « il passera un peu de temps »… Mesdames, Messieurs, pour votre information, la libido peut se conjuguer aussi, et se conjugue, au féminin (elle est d’ailleurs un mot féminin).
En quatrième lieu, nous reviendrons sur ce refus de principe de toute relation entre deux personnes de sexe opposé en l’absence d’un lien conjugal légal. Fort bien, mais alors, refuserons-nous également le mariage à la façon salafiste où l’on se contente de la récitation de la Fatiha pour permettre à deux personnes de vivre sous le même toit, tout à fait « halalement » mais illégalement ? Devrons-nous accuser de prostitution toutes ces dames qui, en milieu rural, se sont mariées sans acte légal et auxquelles le ministère de la Justice confère continuellement des délais supplémentaires pour mettre leur situation en conformité avec la loi ? Tous ces gens sont-ils des débauchés, et toutes les femmes ainsi mariées sont-elles des prostituées ? La plupart des gens ne considéreront pas la chose ainsi car ils pensent que ces deux types de mariage sont halal. Mais la loi, bien que dure, est la loi, et le débat radiophonique cité plus haut évoquait les mariages sans actes légaux ; or, nous voyons bien qu’il existe des cas de vie en commun sans ces actes… mais disons les choses comme elles sont : nous refusons la vie en commun sans document officiel de mariage quand cette vie est décidée dans le cadre de la liberté individuelle, mais nous n’y voyons plus aucun inconvénient dans le cas de la Fatiha pour les salafistes et dans celui où deux personnes dans le monde rural , sans argent ni logistique pour consacrer leur union, vivent ensemble sous le même toit et partagent leur couche. Et c’est bien là le cœur du problème.
Conclusion. La vie en commun sans acte de mariage, ou concubinage, est une décision volontaire et concertée de deux personnes mûres qui sont aptes à assumer leurs décisions, et qui les assument. Ce n’est pas la meilleure relation qui puisse exister sur terre, mais le mariage n’est pas non plus le modèle idéal. Que l’on se place dans le cadre d’un mariage légal, ou d’une relation de concubinage, il existe des avantages et des inconvénients, avec leurs lots de mensonge, de déloyauté et de contraintes… depuis quand un acte juridique suffit-il à lui seul à garantir la pureté d’une relation humaine et la sincérité des sentiments ?
panoraMaroc .
Mariage et prostitution, amour et fausses notions, par Sanaa Elaji
Mercredi dernier, une radio privée a diffusé un débat consacré à la vie en commun en dehors des liens du mariage, ce que les Français appellent concubinage. La discussion a suscité en moi certaines interrogations.
La première chose qui attire l’attention est le titre même donné à cette émission : « le concubinage relève-t-il de la liberté individuelle ou de la prostitution ? ». Une question grave, mais avant de nous y atteler, accordons-nous d’abord sur les concepts. La prostitution, ou le métier du sexe si on veut éviter de tomber dans les préjugés et les jugements de valeur, est une activité commerciale dans laquelle un individu accomplit un acte sexuel moyennant rétribution. Dans la plupart des cas, il s’agit d’un homme qui paie une femme qui, en échange, accepte d’effectuer avec lui un acte sexuel. Aussi, en choisissant le terme prostitution, ne serions-nous pas en train d’accabler la seule femme alors que le concubinage est un choix fait par les deux partenaires, qui en assument en conséquence, conjointement, la responsabilité ? Et puis, quelles sont les similitudes entre une situation où deux personnes décident de vivre en commun sans lien de mariage, et une relation sexuelle de nature commerciale ? Cela signifie-t-il que l’on réduit une relation entre un homme et une femme au sexe, et uniquement au sexe ? Ou, pire encore, au sexe, contre bel argent… Les mots employés ne sont jamais vraiment innocents ni fortuits, car ils comportent des significations aussi graves qu’importantes, auxquelles nous devrions prendre garde.
Secundo, je ne comprends pas pour quelle raison et à chaque fois qu’il s’agit de libertés publiques ou sexuelles, la brutalité intellectuelle intervient et nous lions ces principes à la pornographie, à la prostitution et à la pédophilie. Il existe certes nombre de comportements qui sont absolument et définitivement inadmissibles, quelles que soient nos orientations idéologiques, comme l’exploitation sexuelle des individus, la pédophilie, le viol, la pornographie… A ce propos, voici quelques jours, j’ai été contactée par un journaliste qui travaillait à un article sur la laïcité et qui m’a demandé mon opinion sur la prostitution et sur les films X. Nous sommes donc face à une catégorie de personnes qui réduisent la laïcité et les libertés individuelles à la prostitution et à la pornographie, et à une autre catégorie qui lient toute relation humaine entre un homme et une femme au sexe et, pire encore, au sexe contre rémunération… Sommes-nous là confrontés à une obsession pour le sexe, à une mauvaise appréciation des choses ou à une mauvaise foi préméditée ?
Troisièmement, un certain nombre de participants au débat ont répété la fameuse antienne : « L’homme passera son temps avec elle, se divertira en profitant de son corps, puis s’en lassera et l’abandonnera »… comme si dans une relation, la femme était un objet, alors que dans sa relation avec son homme, la femme est un partenaire. Il est donc important qu’à ce propos, les femmes cessent de se poser en victimes, car elles ont leur mot à dire dans toute relation (et nous ne parlons bien évidemment pas ici des cas de viol) et elles se doivent d’assumer ce choix. De même qu’il appartient à la société entière, hommes et femmes confondus, d’admettre que le désir sexuel n’est pas le fait unique des hommes qui, ainsi, assouvissent leurs besoins avec (ou sur…) des femmes. Autrement dit, la relation n’est pas à sens unique, où un des deux partenaires se lasserait de l’autre, mais bel et bien une relation duale dans laquelle la femme a autant de besoins, de désires et de plaisir que l’homme. Quand un homme et une femme partagent leurs existences, jusques-y compris leur sexualité, cela implique qu’il existe une envie chez les deux. Il existe des personnes qui comprennent et admettent cela, pendant que d’autres persistent à employer ce langage tronqué consistant à affirmer que l’homme « se fichera de sa partenaire », qu’ « il s’amusera », qu’ « il passera un peu de temps »… Mesdames, Messieurs, pour votre information, la libido peut se conjuguer aussi, et se conjugue, au féminin (elle est d’ailleurs un mot féminin).
En quatrième lieu, nous reviendrons sur ce refus de principe de toute relation entre deux personnes de sexe opposé en l’absence d’un lien conjugal légal. Fort bien, mais alors, refuserons-nous également le mariage à la façon salafiste où l’on se contente de la récitation de la Fatiha pour permettre à deux personnes de vivre sous le même toit, tout à fait « halalement » mais illégalement ? Devrons-nous accuser de prostitution toutes ces dames qui, en milieu rural, se sont mariées sans acte légal et auxquelles le ministère de la Justice confère continuellement des délais supplémentaires pour mettre leur situation en conformité avec la loi ? Tous ces gens sont-ils des débauchés, et toutes les femmes ainsi mariées sont-elles des prostituées ? La plupart des gens ne considéreront pas la chose ainsi car ils pensent que ces deux types de mariage sont halal. Mais la loi, bien que dure, est la loi, et le débat radiophonique cité plus haut évoquait les mariages sans actes légaux ; or, nous voyons bien qu’il existe des cas de vie en commun sans ces actes… mais disons les choses comme elles sont : nous refusons la vie en commun sans document officiel de mariage quand cette vie est décidée dans le cadre de la liberté individuelle, mais nous n’y voyons plus aucun inconvénient dans le cas de la Fatiha pour les salafistes et dans celui où deux personnes dans le monde rural , sans argent ni logistique pour consacrer leur union, vivent ensemble sous le même toit et partagent leur couche. Et c’est bien là le cœur du problème.
Conclusion. La vie en commun sans acte de mariage, ou concubinage, est une décision volontaire et concertée de deux personnes mûres qui sont aptes à assumer leurs décisions, et qui les assument. Ce n’est pas la meilleure relation qui puisse exister sur terre, mais le mariage n’est pas non plus le modèle idéal. Que l’on se place dans le cadre d’un mariage légal, ou d’une relation de concubinage, il existe des avantages et des inconvénients, avec leurs lots de mensonge, de déloyauté et de contraintes… depuis quand un acte juridique suffit-il à lui seul à garantir la pureté d’une relation humaine et la sincérité des sentiments ?
panoraMaroc .