Maroc : le challenge de l'émergence, le risque de la double vitesse

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Depuis dix ans, le Maroc ne ménage pas ses efforts pour bâtir de nouveaux pans économiques. Sur le terrain, force est de constater que des réformes structurelles s'imposent pour mettre les élites et les populations dans le même tempo.

En visite au Maroc du 7 au 9 mai, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a tenu à saluer les progrès économiques réalisés par le royaume ces trois dernières années. Un Maroc qui recueille "les fruits de ses efforts de diversification et de promotion des exportations et de l'investissement public", notamment dans les filières automobile, aéronautique et électronique. Certes, la vitrine Maroc est alléchante. En attirant Renault, grâce aux infrastructures du port de Tanger Med et à toute une batterie d'incitations fiscales, les autorités marocaines ont ouvert la voie à une nouvelle ère automobile dans le pays. Deux ans après l'inauguration du site de Melloussa, le constructeur français emploie près de 5 000 personnes et prévoit de sortir 340 000 véhicules de ses chaînes de montage d'ici la fin 2014, dépassant ainsi la production de l'usine de Pitesti en Roumanie. Dans le sillage de Renault, de grands équipementiers se sont installés. Dans l'aéronautique, la stratégie déployée il y a à peine dix ans commence elle aussi à donner ses fruits. Le secteur compte désormais une centaine d'entreprises, dont des géants mondiaux comme Safran, Airbus, Aircelle, Aerospace, Bombardier. Un secteur qui emploie près de 10 000 salariés qualifiés. Dans l'offshoring, la destination Maroc est largement plébiscitée par les entreprises européennes, francophones et hispanophones. Au niveau régional, le Maroc est salué pour sa stabilité politique et offre une plus grande visibilité économique que ses voisins. Le FMI table sur une croissance de 3,9 % en 2014, sur fond d'inflation maîtrisée.

Des succès incontestables avoisinent d'importantes insuffisances

Un succès en trompe-l'oeil ? En tout cas, la directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde n'a pas hésité à mettre en garde le royaume contre l'appauvrissement de la classe moyenne, la hausse des inégalités et le chômage élevé, surtout parmi les jeunes. Le dynamisme est réel, pour autant, c'est un Maroc à deux vitesses qui se dessine. L'élite est brillante, mondialisée, formée dans les meilleures écoles européennes et américaines, mais semble totalement déconnectée de la base, cultivant l'entre-soi et les privilèges. Le royaume compte de belles réussites, mais continue d'être mal classé au niveau des indicateurs de développement humain, à la 130e place sur 186 pays, en raison notamment de ses mauvaises performances en matière d'éducation et de santé. Si le Maroc est parvenu à généraliser la scolarisation des enfants au primaire, la déperdition à l'entrée au collège reste massive. La piètre qualité de l'enseignement public, qui s'adresse essentiellement aux couches les plus populaires, ne prépare pas les jeunes Marocains à s'insérer sur le marché du travail. 60 % de la population active n'a pas de diplôme et seuls 13 % des 18-24 ans accèdent à l'enseignement supérieur. Le chômage touche 20 % des jeunes.

Des réformes structurelles s'imposent pour anticiper une éventuelle explosion sociale

"On ne peut pas considérer que l'économie marocaine se transforme fondamentalement", analyse Lahcen Achy, économiste et chercheur. "L'agriculture représente encore 18 % du PIB et continue d'employer près de 40 % de la population active". La croissance reste très liée à la pluviométrie. Le PIB par habitant avoisine les 3 000 dollars seulement. Et quand le gouvernement du PJD (Parti de la justice et du développement), dirigé par Abdelilah Benkirane, décide d'augmenter le salaire minimum (smig) de 10 %, le patronat grince des dents. Pour Alexandre Kateb, économiste et directeur du cabinet Compétence Finance, le Maroc est aujourd'hui dans une situation duale : "On trouve à la fois un secteur primaire, très important, sujet aux aléas naturels et aux variations des prix des matières premières. Et aussi une économie qui s'est fortement tertiarisée ces dernières années avec l'urbanisation, le développement des télécoms, du commerce, de la bancarisation. On a donc d'un côté un Maroc urbain, moderne avec une forte prépondérance des services, quelques industries de pointe tournées vers l'export, et de l'autre un Maroc très rural, qui accuse du retard."
Si des réformes structurelles ne sont pas engagées dans les prochaines années, à défaut d'accéder au rang si convoité d'économie émergente, le Maroc pourrait même connaître une véritable explosion sociale. "Il faut une stratégie multidimensionnelle qui adresse l'ensemble des problèmes, aussi bien l'industrie que la formation. Il est nécessaire de lutter contre l'évasion fiscale, l'informel, l'économie de rente. Au niveau financier, les marges sont étroites. Le Maroc n'a pas un matelas de ressources financières comme l'Algérie. Mais ce qui est positif c'est qu'il y a aujourd'hui une vraie conscience de ces problèmes, une volonté réelle de transformation", estime Alexandre Kateb.

http://www.lepoint.fr/afrique/econo...la-double-vitesse-12-05-2014-1821464_2033.php
 
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