La mission du lieutenant-colonel brémond au hedjaz, 1916-1917

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
Contributeur
Les décennies de transition entre les XIXe et XXe siècles constituent la véritable phase d’envergure coloniale pour la France.

Les autorités gouvernementales, face à la concurrence britannique, aspirent à disposer d’une solide assise au Proche-Orient, plus précisément au niveau des Lieux saints de l’Islam. Concrètement, cette perspective répond à plusieurs objectifs : contrecarrer la politique anglaise dans la région, anticiper d’éventuelles actions ottomanes – l’Empire ottoman étant allié à l’Allemagne honnie – et, enfin, contribuer à fortifier l’image d’une France amie de l’Islam ; une image précieuse à partir de la Première Guerre mondiale, pour conforter le pouvoir français dans ses propres possessions coloniales, à forte population musulmane.


Une analyse approfondie de ces aspects convergents de la politique étrangère de la France pourrait nous amener à nous étendre excessivement. Aussi avons-nous pris le parti de nous intéresser à un cas précis qui, en dépit de son aspect réducteur, témoigne clairement de cette logique d’expansionnisme français. Il s’agit en effet de la mission, politico-religieuse et militaire à la fois, envoyée au Hedjaz en 1916 ; entreprise probante de cette conjoncture où l’anticipation est de mise pour contrebalancer – du moins le croit-on alors – les actions géopolitiques adverses ou concurrentes. Le rôle particulier du colonel Brémond, qui fut à la tête de la mission au Hedjaz, offre aussi l’occasion de montrer combien les Lieux saints constituent un lieu stratégique pour la France qui, année après année, favorise les pèlerinages de musulmans depuis ses possessions territoriales, afin de se montrer « l’amie de l’Islam », selon l’expression employée à l’époque.

Le Hedjaz constitue un espace clé à l’heure des tensions entre Britanniques et Français, quant à leur capacité respective à s’implanter durablement en terre arabe, mais surtout à mener la guerre contre l’Empire ottoman. Le Hedjaz, de surcroît, abrite les villes saintes de l’islam, Médine et La Mecque, lieu de convergence annuelle de centaines de milliers de pèlerins. D’où l’importance d’être présent d’une manière ou d’une autre dans les Lieux saints pour endiguer toute propagande panislamique susceptible d’influencer les pèlerins issus des territoires français.

L’année 1916 est déterminante puisqu’elle marque le début de la révolte arabe contre la mainmise ottomane sur le Hedjaz et l’instauration d’un royaume indépendant qui perdure jusqu’en 1926, sous la conduite du chérif Hussein Ibn Ali (1856-1931) devenu chérif de La Mecque en 1908. C’est au début de la Première Guerre mondiale qu’Hussein, dissimulant de moins en moins ses aspirations à une lutte nationaliste contre les Turcs, entre en contact avec les Anglais, en particulier avec Sir Henry McMahon, haut-commissaire britannique en Égypte. En juin 1916, Hussein lance la révolte arabe contre les troupes ottomanes. Bien qu’il se proclame roi des Arabes, les Anglais ne lui reconnaissent que la souveraineté sur le Hedjaz [1][1] Le Hedjaz sera finalement intégré à l’Arabie Saoudite.... Dans ce contexte donc, le gouvernement français souhaite agir de manière décisive. En fait, le Hedjaz devient bientôt une zone d’intérêt pour le gouvernement français – sans être pour autant une priorité – suite aux appels de plus en plus prononcés du chérif Hussein, à partir d’août 1916, pour recevoir l’appui et le soutien de la France. Certes, Hussein obtient finances et équipements des Britanniques pour lutter contre les Ottomans. Mais c’est sans doute cette incapacité ou ce refus de Londres d’aller au-delà qui incite Hussein à solliciter le renfort des Français qui, en toute logique, souhaitent profiter de cette opportunité pour réamorcer une représentation nationale significative dans cette région, « aux portes » de la Palestine et de la Syrie ; territoires que Paris souhaite contrôler à terme...............

https://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2006-1-page-17.htm
 
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