mardi 18 août 2009 - 07h:55
Luk Vervaet
Jai rencontré Mohamed Binyam à Londres, le 30 juillet 2009, lors dune conférence de presse. Il y parlait pour la première fois en public depuis sa sortie de Guantanamo, le 23 février 2009.
Mohamed et quatre autres ex-détenus de Guantanamo(1) y ont lancé le « Guantanamo Justice Centre ». Ce centre disposera dun siège central à Genève et dune maison à Londres. Il a été mis sur pied « par des ex-détenus de Guantanamo, pour les (ex-)détenus, parce que nous avons compris que seules les personnes qui ont souffert de la même manière peuvent se comprendre et sentraider ».
Le « Guantanamo Justice Centre » poursuit trois objectifs. Dabord, venir en aide à ceux qui sont encore emprisonnés - il y a toujours 229 détenus à Guantanamo et un nombre inconnu dans des prisons secrètes -, où ils sont souvent victimes de torture et dabus, afin quils soient libérés ou aient droit à un procès équitable.
Ensuite, soutenir les 500 ex-détenus de Guantanamo à se « réintégrer dans la société dune manière positive et pacifique », avec une attention particulière pour ceux « qui se retrouvent dans des pays où il y a peu de moyens disponibles pour les aider et dont les gouvernements ne respectent pas les droits de lhomme ».
Et enfin, soutenir les familles de ceux qui sont toujours détenus.
« La plupart des ex-détenus de Guantanamo ne viennent pas des pays occidentaux », expliquait Moazzam Begg, un des quatre ex-détenus. « Dans leurs pays, ils ne reçoivent aucune aide, même quand ils ont été totalement innocentés. Nous voulons intervenir au niveau de léducation et de lemploi, les aider à réintégrer leur famille, devenir des membres normaux de la société ». A la conférence de presse, Moazzam et les autres parlent peu deux-mêmes, mais surtout des ex-détenus qui vivent au Yémen, en Jordanie, en Algérie, au Tchad... Beaucoup dentre eux sont malades, un a perdu la vue, un autre louïe à cause des bruits auxquels il a été exposé, dautres encore ont besoin dune intervention médicale et psychologique urgente mais nen ont pas les moyens. Un jeune Tchadien, arrêté à lâge de 14 ans et relâché en juin 2009, vit actuellement dans la rue, rejeté par sa famille. Seuls 25 des 500 ex-détenus ont retrouvé un travail.
Le stigmate de Guantanamo
Moazzam Begg : « Nous, les détenus de Guantanamo, avons été désignés comme « les pires des pires ». Cétait un mensonge, mais le stigmate reste. Nous étions des "suspects terroristes", alors aux yeux des autres, nous devons être coupables de quelque chose, nous vivons dans une démocratie, elle ne peut quand même pas se tromper à tel point.. Cest ça, le stigmate de Guantanamo. »
« Je ne recherche pas une compensation financière », précise Mohamed Binyam.
Cest un jeune homme de 31 ans, qui parle de manière calme, modeste, retenue, parfois émue : « Combien dargent devraient-ils me donner pour que je puisse oublier mes sept années de captivité ?
Les Américains mont dit : Tu es coupable jusquau moment où tu nous as prouvé le contraire. Serez-vous étonnés si je vous dis que je ne crois plus que jai des droits ? Les gens aiment entendre des histoires sur la torture : quelquun pendu ici, un autre battu là-bas, du sang partout.
Mais ça, ce nest que la torture physique. Ils ne se réalisent pas quune fois dehors, à chaque fois que vous voyez une corde, ça vous renvoie au temps où vous avez été pendu. Cela ne vous quitte jamais. Chaque fois que vous me posez une question, jai limpression de subir à nouveau un interrogatoire.
Quand jentre dans une chambre et que la lumière séteint pour une raison ou une autre, je me retrouve dans la « Prison Noire » (la prison secrète de la CIA près de Kaboul).
Cest très dur : nous continuons à vivre dans un monde de torture, dans le système Guantanamo. Je narrive pas à retrouver ma place dans la société. Je ne peux penser quen termes Guantanamo. Aucune institution daide ni aucune fondation médicale au monde ne peut changer ce que je ressens. Si cest comme cela pour moi, comment cela doit-il être pour un ex-détenu qui vit au Tchad ? De mon point de vue, un mal a été commis, quelquun devra le réparer.
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=7123
Luk Vervaet
Jai rencontré Mohamed Binyam à Londres, le 30 juillet 2009, lors dune conférence de presse. Il y parlait pour la première fois en public depuis sa sortie de Guantanamo, le 23 février 2009.
Mohamed et quatre autres ex-détenus de Guantanamo(1) y ont lancé le « Guantanamo Justice Centre ». Ce centre disposera dun siège central à Genève et dune maison à Londres. Il a été mis sur pied « par des ex-détenus de Guantanamo, pour les (ex-)détenus, parce que nous avons compris que seules les personnes qui ont souffert de la même manière peuvent se comprendre et sentraider ».
Le « Guantanamo Justice Centre » poursuit trois objectifs. Dabord, venir en aide à ceux qui sont encore emprisonnés - il y a toujours 229 détenus à Guantanamo et un nombre inconnu dans des prisons secrètes -, où ils sont souvent victimes de torture et dabus, afin quils soient libérés ou aient droit à un procès équitable.
Ensuite, soutenir les 500 ex-détenus de Guantanamo à se « réintégrer dans la société dune manière positive et pacifique », avec une attention particulière pour ceux « qui se retrouvent dans des pays où il y a peu de moyens disponibles pour les aider et dont les gouvernements ne respectent pas les droits de lhomme ».
Et enfin, soutenir les familles de ceux qui sont toujours détenus.
« La plupart des ex-détenus de Guantanamo ne viennent pas des pays occidentaux », expliquait Moazzam Begg, un des quatre ex-détenus. « Dans leurs pays, ils ne reçoivent aucune aide, même quand ils ont été totalement innocentés. Nous voulons intervenir au niveau de léducation et de lemploi, les aider à réintégrer leur famille, devenir des membres normaux de la société ». A la conférence de presse, Moazzam et les autres parlent peu deux-mêmes, mais surtout des ex-détenus qui vivent au Yémen, en Jordanie, en Algérie, au Tchad... Beaucoup dentre eux sont malades, un a perdu la vue, un autre louïe à cause des bruits auxquels il a été exposé, dautres encore ont besoin dune intervention médicale et psychologique urgente mais nen ont pas les moyens. Un jeune Tchadien, arrêté à lâge de 14 ans et relâché en juin 2009, vit actuellement dans la rue, rejeté par sa famille. Seuls 25 des 500 ex-détenus ont retrouvé un travail.
Le stigmate de Guantanamo
Moazzam Begg : « Nous, les détenus de Guantanamo, avons été désignés comme « les pires des pires ». Cétait un mensonge, mais le stigmate reste. Nous étions des "suspects terroristes", alors aux yeux des autres, nous devons être coupables de quelque chose, nous vivons dans une démocratie, elle ne peut quand même pas se tromper à tel point.. Cest ça, le stigmate de Guantanamo. »
« Je ne recherche pas une compensation financière », précise Mohamed Binyam.
Cest un jeune homme de 31 ans, qui parle de manière calme, modeste, retenue, parfois émue : « Combien dargent devraient-ils me donner pour que je puisse oublier mes sept années de captivité ?
Les Américains mont dit : Tu es coupable jusquau moment où tu nous as prouvé le contraire. Serez-vous étonnés si je vous dis que je ne crois plus que jai des droits ? Les gens aiment entendre des histoires sur la torture : quelquun pendu ici, un autre battu là-bas, du sang partout.
Mais ça, ce nest que la torture physique. Ils ne se réalisent pas quune fois dehors, à chaque fois que vous voyez une corde, ça vous renvoie au temps où vous avez été pendu. Cela ne vous quitte jamais. Chaque fois que vous me posez une question, jai limpression de subir à nouveau un interrogatoire.
Quand jentre dans une chambre et que la lumière séteint pour une raison ou une autre, je me retrouve dans la « Prison Noire » (la prison secrète de la CIA près de Kaboul).
Cest très dur : nous continuons à vivre dans un monde de torture, dans le système Guantanamo. Je narrive pas à retrouver ma place dans la société. Je ne peux penser quen termes Guantanamo. Aucune institution daide ni aucune fondation médicale au monde ne peut changer ce que je ressens. Si cest comme cela pour moi, comment cela doit-il être pour un ex-détenu qui vit au Tchad ? De mon point de vue, un mal a été commis, quelquun devra le réparer.
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=7123