Ce qui ne l’est pas, en revanche, c’est que certains exploitent cette émotion à des fins politiciennes. C’est le cas du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) : depuis qu’il est monopolisé par la droite et l’extrême droite sionistes, il agit comme une ambassade
bis d’Israël et comme un groupe de pression sur l’État. Certains gouvernements arabes tentent d’en faire autant. Sans parler des djihadistes, qui misent sur les humiliations, les discriminations et les provocations islamophobes pour recruter.
Face à toutes ces manipulations, il importe d’être clair :
– d’abord, en combattant l’idée que le conflit israélo-palestinien serait une guerre de religions. À mon sens, il faut bien sûr appeler à la solidarité avec le peuple palestinien, mais sur une base politique et non confessionnelle, à partir du droit international. La décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) de considérer le boycott comme un droit citoyen permet à ceux qui le souhaitent de développer plus librement la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions ;
– ensuite, en luttant contre toutes les formes de racisme, afin de faire converger les mémoires comme les mobilisations. Quiconque hiérarchise les racismes les alimente. Tout antiraciste sincère doit refuser l’islamophobie, au même titre que l’antisémitisme, le racisme anti-Noirs, anti-Arabes ou anti-Roms. Et l’homophobie !
À l’instar du regretté Stéphane Hessel qui, au soir de sa vie, poussait un vibrant cri du cœur « Indignez-vous ! », appelez-vous votre corporation à s’indigner contre l’alarmante dérive fasciste d’Israël et la totale impunité que lui confère le mutisme général qui l’entoure ?
Nul ne demande aux journalistes d’être des militants. Leur travail, sur le Proche-Orient comme sur tous les autres dossiers, consiste à rechercher et à diffuser des informations fiables sur ce qui se passe en Israël comme en Palestine et plus largement dans la région. La complexité des situations implique de vérifier et de croiser minutieusement les nouvelles, mais aussi d’approfondir les grandes tendances, de les resituer dans l’histoire, etc.. Peu importe ce que pense tel ou tel journaliste à titre personnel, s’il s’efforce de faire ce travail-là. À condition de ne pas mélanger faits et commmentaires…
Prenons un exemple : pour la première fois, une ONG israélienne (Betselem) et une grande ONG internationale (Human Rights Watch) ont caractérisé la situation comme une forme d’apartheid. C’est un véritablement tournant. Quelle chaîne de télé, quelle radio, quel journal ont rendu compte de ces deux rapports et analysé leur contenu, quitte à en critiquer les conclusions ?
Que pensez-vous de l’ouverture par la Cour pénale internationale (CPI), le 3 mars dernier, d’une enquête sur les crimes commis dans les Territoires palestiniens occupés ? Une décision qui a fait l’effet d’un coup de tonnerre en Israël.
C’est là aussi un tournant majeur, qui constitue un échec majeur pour la
hasbara, cette entreprise de propagande de l’État d’Israël et de son ministère des Affaires stratégiques visant à justifier l’injustifiable – avec des moyens accrus depuis une dizaine d’années. La gravité des crimes perpétrés par l’armée israélienne, notamment à Gaza, mais aussi l’impunité scandaleuse dont ils ont bénéficié jusqu’ici ont convaincu la CPI de se lancer dans cette enquête.
Le Premier ministre Benyamin Netanyahou et le président Reuven Rivlin, pour une fois sur la même longueur d’ondes, ont tenté de convaincre les alliés d’Israël que la démarche de la Cour était
« antisémite ». La ficelle était trop usée. Même la nouvelle administration américaine, pourtant hostile au principe de cette décision, a levé les sanctions visant la procureure. Ce n’est d’ailleurs pas, loin de là, le seul geste positif de l’équipe de Joe Biden.
Il faudra suivre de près l’enquête en cours. Mais d’ores et déjà, la décision de la mener reflète, au-delà de la CPI, le désamour entre Israël et l’opinion internationale, y compris occidentale. On n’a pas assez mesuré, en France, les résultats de l’enquête réalisée lors du 70ème anniversaire d’Israël : 57 % de nos concitoyens y disaient avoir une
« mauvaise image » d’Israël et 69 % du sionisme, 71 % attribuant à Tel-Aviv la principale responsabilité dans l’échec des négociations avec les Palestiniens.
Depuis l’adoption de la loi État-nation du peuple juif, qui officialise l’apartheid, l’accélération de la colonisation et la menace d’annexion de la Cisjordanie, le flirt du Premier ministre avec les dirigeants populistes, souvent négationnistes, d’Europe centrale et orientale n’ont pas dû redorer le blason de Netanyahou. Sans parler des images de Jérusalem la semaine dernière…
Propos recueillis par la rédaction Oumma
Entretien sur Oumma avec Dominique Vidal Journaliste et historien, Dominique Vidal travaille depuis plus de cinquante ans sur le conflit israélo-palestinien. Selon lui, les récentes « ratonnades » de Jérusalem n’ont pas de précédent. C’est ce qui rend scandaleux, à ses yeux, le silence de la...
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