lundi 22 décembre par Lotfi Bel Hadj, Président de lObservatoire Economique des Banlieues
""Laissons un instant de côté notre colère. Car la colère engendre le ressentiment. Et le ressentiment empoisonne le dialogue. Or le dialogue, cest peut-être ce dont nous manquons le plus cruellement aujourdhui, à un moment où nous avons besoin de mettre en commun nos interrogations. Car je veux croire que pour trouver ensemble des réponses justes, il faut dabord poser les questions justes. Qui sont les victimes dans la condamnation de lavocat Karim Achoui, frappé dune peine de sept ans de prison ferme dans le procès dAntonio Ferrara ?
Evidemment le plus touché cest dabord Karim Achoui. Lui lavocat dont le dossier ne contenait aucun élément à charge crédible juridiquement. Lui à qui on reproche surtout ses beaux costumes et son allure décomplexée de jeune « avocat star ». Lui dont la condamnation a été rhétorique avant dêtre juridique. Pendant des mois, des années, on a voulu faire de lui un véritable personnage de polar, sombre, mystérieux donc forcément louche et douteux. Victime dune tentative dassassinat par balles en juin 2007, il a été quasiment abandonné par ses pairs. Ni la Garde des Sceaux, ni lOrdre des avocats, nont alors daigné le soutenir, et aucune protection policière ne lui a été accordée. La guillotine médiatique a fait son uvre. Elle est tombée hélas bien plus vite que le verdict. Mais comme je lai dit, mettons de côté notre colère .
Lautre victime de cette histoire, cest une certaine idée de la République. Ce nest pas seulement le sort de Karim Achoui que je pleure, cest le sort de cette République qui nhonore plus ses principes. Cette République qui repose sur un système de duperie et dillusions ne devrait plus tromper qui que ce soit. Car Karim Achoui na pas été condamné pour ce quil a fait. On sait quil na rien fait. Il a été condamné pour ce quil est, ou plutôt pour ce quon a voulu quil soit : un avocat « dorigine douteuse » dont on ne supportait ni la réussite ni le talent. Or la France daujourdhui ne semble pouvoir et vouloir accepter que ceux quelle a elle-même choisi, ceux quelle a elle-même intronisé sous ses ors, ceux quelle a elle-même mis en avant, ceux quelle a elle-même mis au pas. Ne soyons pas dupes de cette république de « casting » qui ne veut pas de ces symboles qui se font tous seuls, et qui sétonne, seffraie de tout ce(ux) quelle na pas elle-même fabriqué. Elle vaut tellement mieux et tellement plus.
Alors je le redis, ne soyons pas dupes. Ce nest pas Karim Achoui seul qui est condamné, ce sont tous les Karim Achoui que compte et que comptera de plus en plus notre pays. Combien de temps durera la cécité de cette République qui refuse de les voir ? Lhistoire a déjà montré que lorsque lon sen prenait à un bouc émissaire pour diviser le corps de la nation, pour épancher ses peurs et exclure des citoyens, il y avait toujours des sursauts civiques pour rappeler à la République ses principes dégalité et de justice, mais surtout dégalité devant la justice. Soyons de ceux qui accompagnent ses sursauts salvateurs. Cest notre responsabilité et notre tâche communes daujourdhui. Parce que cette affaire est symptomatique de dysfonctionnements que nous avons le devoir de révéler et de dé-construire, faisons de cette affaire le symbole de notre engagement à restaurer une idée plus digne de la République. Osons en faire, symboliquement, notre « affaire Dreyfus » ! Et comme un symbole ne vit quau travers des usages que nous en faisons, sachons investir cet héritage de lhistoire pour le renouveler, le relire autrement pour aujourdhui et surtout pour demain. Laffaire Achoui ne fait que commencer car nous sommes tous des Karim Achoui.""
""Laissons un instant de côté notre colère. Car la colère engendre le ressentiment. Et le ressentiment empoisonne le dialogue. Or le dialogue, cest peut-être ce dont nous manquons le plus cruellement aujourdhui, à un moment où nous avons besoin de mettre en commun nos interrogations. Car je veux croire que pour trouver ensemble des réponses justes, il faut dabord poser les questions justes. Qui sont les victimes dans la condamnation de lavocat Karim Achoui, frappé dune peine de sept ans de prison ferme dans le procès dAntonio Ferrara ?
Evidemment le plus touché cest dabord Karim Achoui. Lui lavocat dont le dossier ne contenait aucun élément à charge crédible juridiquement. Lui à qui on reproche surtout ses beaux costumes et son allure décomplexée de jeune « avocat star ». Lui dont la condamnation a été rhétorique avant dêtre juridique. Pendant des mois, des années, on a voulu faire de lui un véritable personnage de polar, sombre, mystérieux donc forcément louche et douteux. Victime dune tentative dassassinat par balles en juin 2007, il a été quasiment abandonné par ses pairs. Ni la Garde des Sceaux, ni lOrdre des avocats, nont alors daigné le soutenir, et aucune protection policière ne lui a été accordée. La guillotine médiatique a fait son uvre. Elle est tombée hélas bien plus vite que le verdict. Mais comme je lai dit, mettons de côté notre colère .
Lautre victime de cette histoire, cest une certaine idée de la République. Ce nest pas seulement le sort de Karim Achoui que je pleure, cest le sort de cette République qui nhonore plus ses principes. Cette République qui repose sur un système de duperie et dillusions ne devrait plus tromper qui que ce soit. Car Karim Achoui na pas été condamné pour ce quil a fait. On sait quil na rien fait. Il a été condamné pour ce quil est, ou plutôt pour ce quon a voulu quil soit : un avocat « dorigine douteuse » dont on ne supportait ni la réussite ni le talent. Or la France daujourdhui ne semble pouvoir et vouloir accepter que ceux quelle a elle-même choisi, ceux quelle a elle-même intronisé sous ses ors, ceux quelle a elle-même mis en avant, ceux quelle a elle-même mis au pas. Ne soyons pas dupes de cette république de « casting » qui ne veut pas de ces symboles qui se font tous seuls, et qui sétonne, seffraie de tout ce(ux) quelle na pas elle-même fabriqué. Elle vaut tellement mieux et tellement plus.
Alors je le redis, ne soyons pas dupes. Ce nest pas Karim Achoui seul qui est condamné, ce sont tous les Karim Achoui que compte et que comptera de plus en plus notre pays. Combien de temps durera la cécité de cette République qui refuse de les voir ? Lhistoire a déjà montré que lorsque lon sen prenait à un bouc émissaire pour diviser le corps de la nation, pour épancher ses peurs et exclure des citoyens, il y avait toujours des sursauts civiques pour rappeler à la République ses principes dégalité et de justice, mais surtout dégalité devant la justice. Soyons de ceux qui accompagnent ses sursauts salvateurs. Cest notre responsabilité et notre tâche communes daujourdhui. Parce que cette affaire est symptomatique de dysfonctionnements que nous avons le devoir de révéler et de dé-construire, faisons de cette affaire le symbole de notre engagement à restaurer une idée plus digne de la République. Osons en faire, symboliquement, notre « affaire Dreyfus » ! Et comme un symbole ne vit quau travers des usages que nous en faisons, sachons investir cet héritage de lhistoire pour le renouveler, le relire autrement pour aujourdhui et surtout pour demain. Laffaire Achoui ne fait que commencer car nous sommes tous des Karim Achoui.""