NPA, voile et militants: qui aliène qui?

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Mariama91

Belted Buckled and Booted
Une candidate de la liste NPA, le parti d'Olivier Besancenot, dans le Vaucluse porte le voile.

Voilà qui provoque crises de nerfs et crêpages de chignon dans le monde très sourcilleux de l'extrême gauche. Il n'est qu'à voir sur les sites Internet proches de la gauche de la gauche les débats enflammés, parfois à coups de propos d'excommunication, parfois avec des arguments et des interrogations sincères et intéressantes sur la façon d'intégrer à la vie militante, «aux luttes», disent-ils, toute une partie de la population qui y était plutôt rétive jusqu'ici. Cependant, beaucoup de militants d'extrême gauche sont, pour le moins, dans l'expectative!

Ilham Moussaid, candidate du Nouveau Parti anticapitaliste, porte donc le voile. C'est un peu comme si un candidat du Front national arborait la petite main vintage de SOS racisme «touche pas à mon pote». Ce fait politique est à observer à plusieurs niveaux.
Coup médiatique?

Il y a celui de la communication et du coup médiatique. Faire parler de soi quand on n'est pas fort dans les sondages... Cette analyse un peu réflexe n'est sans doute pas la bonne, puisque la liste du Vaucluse s'est constituée de façon autonome et que cette affaire crée aussi un vrai trouble dans la hiérarchie du NPA. A tel point que les instances de ce parti ont décidé d'étudier la question du voile lors de son prochain congrès.

Et c'est là que nous arrivons au deuxième niveau d'analyse. Le Nouveau Parti anticapitalisme ne s'était donc jamais posé la question des rapports entre la religion et la politique! Selon l'énoncé du parti, le Nouveau Parti anticapitaliste est donc anticapitaliste. Mais pro quoi? Etre anticapitaliste implique quoi sur le port du voile? La présence d'une jeune femme voilée chargée de délivrer le message du NPA aux électeurs prouve bien que ce parti n'est pas encore prêt. Ce n'est plus du trotskisme, mais on ne sait pas encore ce que c'est.
Aliénation

Ilham Moussaid est une militante anticapitaliste et elle affirme qu'elle est également en phase avec les idées laïques du NPA et même avec le féminisme militant qui sous-tend l'action d'Olivier Besancenot. Et nous voilà au cœur du troisième niveau d'analyse. Etre voilée et être féministe peut constituer exactement la définition de «l'aliénation» telle que la dénoncent habituellement les marxistes et plus généralement ceux qui militent contre toutes les formes de soumission. Milan Kundera définissait l'aliénation ainsi:

L'aliénation, c'est être l'allié de ses propres fossoyeurs.

Ça ne fait aucun doute, la société que promeut le NPA n'est pas une société dans laquelle une religion imposerait, directement ou indirectement, des signes distinctifs religieux et significatifs d'une soumission. Comme le voile! On imagine même que c'est le contraire. Donc il y a aliénation. Dans le Monde daté du 9 février, une militante du NPA dit ceci: «Le fait de porter un voile ne fait pas d'Ilham une opprimée.» Cette militante considère donc que le voile n'est pas un objet caractéristique du triomphe de l'inégalité des sexes! Si l'on relit cette affirmation et qu'on rapproche de la définition de Milan Kundera («l'aliénation c'est être l'allié de ses propres fossoyeurs»)... eh bien l'on s'aperçoit que l'aliénation est autant du côté d'Ilham Moussaid que de ceux qui, au sein du NPA, ne voient pas le problème à ce qu'une femme voilée représente leurs idées. Qui est le fossoyeur des idées de l'autre dans cette affaire? Et là, on ne peut pas s'empêcher de penser qu'effectivement, un bon congrès avec la question de la laïcité et du féminisme ne sera pas de trop dans l'agenda du beaucoup, beaucoup trop, «Nouveau» Parti anticapitaliste.

Thomas Legrand
http://www.slate.fr/story/17117/npa-voile-et-militants-qui-aliene-qui
 
Comment désormais croiser une femme portant le foulard, ou même dissimulant son visage sur quelque mode que ce soit, sans se demander : a-t-elle encore le droit d'avoir des idées politiques ? Si sa candidature à une élection pose problème, ne sera-t-elle pas, demain, privée du droit de vote ?

La nécessité de faire attention aux conséquences des propos que l'on tient n'est évidemment pas ce qui est le mieux partagé. Quelles sont les conséquences de ce rejet hors de la sphère politique des femmes portant le foulard ? Comment ne pas trembler en entendant les appels à "éradiquer" le voile (le mot est de Fadela Amara) qui ont suivi l'annonce qu'une candidate du NPA en portait un. De Nadine Morano à Jean-Luc Mélenchon, il semble bien y avoir unanimité dans l'excommunication : aurait-on enfin trouvé à cette occasion ce qui définit l'"identité nationale" ? Que ce soit une candidate du NPA est bien sûr ce qui permet de se déchaîner. N'y aurait-il pas là trahison à l'encontre des mouvements de libération et d'émancipation dont ce parti se doit d'être solidaire ?
 
Et si c'était précisément parce qu'il s'agit d'un parti pour qui la politique compte, pour qui la libération ou l'émancipation sont toujours des devenirs, solidaires de luttes, que le NPA ne se conformait pas aux mots d'ordre de la bien-pensance progressiste ? Et s'il avait raison de refuser le rassemblement autour de l'étendard de "nos valeurs". Comme si l'émancipation des femmes était inscrite dans le ciel des idées, ou était tombée de l'arbre de notre "civilisation" à la manière d'une pomme, quand elle est mûre. Il y a toujours chez les bien-pensants comme une amnésie des luttes au nom de ce qui a été "acquis", et c'est ce qui rend ces acquis, séparés de la mémoire active de leur création, vulnérables à une capture qui transforme leur signification. Là les droits conquis par les travailleurs sont impunément caractérisés comme des charges, à alléger bien sûr. Ici les droits à la non-discrimination des femmes, ou des homosexuels/les servent à stigmatiser quiconque tente de prendre une position qui n'exclue pas a priori ceux et celles à qui il s'agit de s'adresser, avec qui il s'agit de penser et de devenir. Non, il faut s'incliner devant eux comme devant de grands principes transcendants dont la fonction est précisément de nous éviter la nécessité (la difficulté) de penser collectivement : on ne transige pas, on juge et on condamne. Comment appeler cela autrement qu'une religion ?
 
Cela nous rappelle un autre débat, où les partis de gauche se sont montrés aussi stupides que ceux de droite : celui sur les drogues illégales. Sous prétexte d'une "guerre à la drogue", c'est en fait une "guerre aux drogués" qui a été et qui continue d'être menée. Les usagers de drogues illégales ont été interdits de soins pendant longtemps (sauf à accepter d'entrer dans un programme d'abstinence), mis en prison, toujours plus marginalisés socialement. Faut-il défendre l'usage de drogues ? C'est là une question truquée comme la droite adore en fabriquer pour nous empêcher de penser, pour que les problèmes ne puissent pas être explorés collectivement. Du point de vue d'un parti pour qui une question n'est pas séparable des mouvements qui contribuent à en inventer les solutions, le droit pour les usagers de drogues illicites d'être des "citoyens comme les autres", leur possibilité de se réunir, d'échanger autour de leur expérience des drogues, donc d'exister comme une force sociale, est primordial : c'est ce qui permet que l'on commence à passer d'une question de police à une question politique.

Ce sont justement les mouvements féministes qui nous ont appris une autre manière de faire de la politique, avec l'invention de ces groupes où il s'agissait de produire une situation rendant capable de penser, de dire, pour chacune et avec les autres, comment ce qui est personnel est politique. C'est là que s'est fait le premier apprentissage des manières, on dira même des techniques, qui produisent une capacité de penser et agir ensemble sur un mode qui est celui de l'intelligence collective. Loin de toute transcendance qui détache et abstrait, qui permet de juger au nom de quelque chose de général, il s'agit alors d'apprendre, d'expérimenter, de créer de la pensée et de l'action en commun même si cela ne va jamais de soi. Même si ce n'est jamais facile.

Si la création du NPA a pu avoir un sens, même pour ceux qui comme nous n'en sont pas membres mais qui refusent les impératifs capitalistes, c'est dans la promesse de ne pas faire de la politique comme en font les partis classiques, c'est-à-dire en supposant les problèmes résolus dans le ciel des idées avant même que ceux qui sont concernés aient trouvé les moyens de se les approprier et d'en formuler les termes dans une syntaxe qui leur convienne, d'inventer des modes d'exploration qui ne se bornent pas à accueillir mais acceptent, et ce n'est pas facile, de faire mouvement avec les pratiques, les expériences et les expérimentations de tous ceux, toutes celles, qui luttent contre le désordre capitaliste et les questions truquées de l'État.

Nous sommes certainement nombreux à penser : pourvu que le NPA ne cède pas à la tentation de la facilité, aux idées générales rassurantes, à la politique du bon sens qui lui est proposée de toutes parts ; pourvu qu'il prouve à cette occasion sa capacité à fabriquer les questions politiques avec celles qui sont concernées et en premier lieu, ici, les femmes qui ont choisi de porter le voile et celles qui ont fait le choix inverse, réunies, au-delà de leurs choix divergents par des ennemis communs : le capitalisme, mais aussi les servants de l'ordre établi, de la politique réduite à la police.

Bref ceux, et malheureusement celles qui n'ont pas très envie qu'elles apprennent à penser et agir ensemble. Mais cela implique de mettre son jugement en suspens, de refuser de séparer le monde entre, d'un côté, les laïcs et féministes éclairés et, de l'autre, les obscurantistes. Cela suppose de ne pas croire tout savoir sur les raisons pour lesquelles une femme porte le foulard et accepter d'entrer dans un processus de cohabitation et d'apprentissage. Cela revient à ne plus se comporter en juges mais en aventuriers de la démocratie.

Isabelle Stengers est philosophe, Philippe Pignarre est éditeur. Ils ont écrit ensemble La Sorcellerie capitaliste. Pratiques de désenvoûtement, La Découverte, 2007.
 
Nous pensions que le "grand débat" sur l'identité nationale allait s'achever après les déclarations du premier ministre, en clôture du séminaire gouvernemental, lundi 8 février. Cela ressemblait en effet à un enterrement.

Nous étions soulagées et espérions ne plus entendre ce flot de dérapages verbaux auquel nous avions assisté, qui n'était au fond que l'explicitation d'une logique xénophobe au sommet de l'Etat à l'approche des élections régionales.

Nous avons été bien naïves. En fait, ce débat a échappé aux apprentis sorciers gouvernementaux : il a ouvert la porte à la manifestation d'un inconscient colonial, qui mêle peurs de toutes sortes et racisme latent.

La France a changé, et le visage qu'elle dévoile déplaît et heurte, notamment ceux qui nous dirigent.

C'est ainsi que nous interprétons les attaques dont est victime Ilham Moussaid, jeune femme, étudiante et militante du groupe local d'Avignon du Nouveau Parti anticapitaliste [NPA], dont elle assure par ailleurs la trésorerie. De nombreux responsables politiques, de droite ou de gauche, y sont allés de leur condamnation, certains y voyant même un coup électoral, alors même que le débat sur l'identité nationale n'a eu de cesse de stigmatiser l'islam et sa pratique et de désigner les Français musulmans comme étrangers au corps national. Il y a mieux comme calcul électoraliste.
 
Contre Ilham Moussaid, l'argument est rodé, imparable et toujours le même : tout le monde sait mieux que celle qui le porte ce que dit le foulard. En l'occurrence, tout le monde fait dire au foulard ce qu'Ilham Moussaid ne dit pas. Ce que dit cette jeune femme ne semble guère intéresser d'ailleurs tous ceux qui la condamnent. En fait, ses mots n'ont pas le droit de cité. Elle est accusée de vouloir dire ce qu'elle récuse.

Nous ne nous voterons pas NPA aux prochaines élections régionales, mais nous tenons à affirmer notre soutien à Ilham Moussaid. Nous avons lu ses déclarations et ne mettons pas en doute son engagement féministe.
Devant la violence des attaques, nous estimons que le NPA a raison d'assumer d'avoir ouvert sa liste à cette militante.

Nos considérons que l'on peut être à la fois croyante et laïque et que l'on peut s'appeler Ilham Moussaid et être une militante anticapitaliste et féministe. Nous affirmons qu'elle a, comme nous, le droit de se présenter au suffrage des électeurs et n'avons pas de raison particulière d'exiger qu'elle montre patte blanche pour être candidate. Que les choses soient claires : nous nous réjouissons que cette jeune citoyenne ait choisi l'engagement politique dans un pays où nous y sommes toujours sous-représentées.

Karima Delli est deputée européenne (Europe Ecologie-Les Verts) ; Véronique Dubarry, est adjointe au maire de Paris (Les Verts) ; Anne Souyris est membre de la direction des Verts et conseillère régionale d'Ile-de-France ; Emmanuelle Cosse est journaliste et Caroline Mécary est avocate. Les trois dernières sont candidates Europe Ecologie en Ile-de-France.
 
Et maintenant celui qui hurle avec les loups

Quand le réel échappe aux politiques, ils commettent des imprudences ! C'est le cas du Nouveau Parti anticapitaliste. Oser présenter une candidate voilée sur une liste régionale n'est ni courageux, ni provocateur, ni populiste. Mais simplement une confirmation de l'alliance de cette secte politique avec le fondamentalisme islamique. Un cheminement logique. Se voiler, ce n'est qu'un "refus de la dictature du corps imposée par l'Occident aux femmes", disait Salma Yacoub, une voilée communautariste anglaise d'origine pakistanaise à Londres. Devinez qui était à côté d'elle sur la même tribune. L'anticapitaliste intentionnaliste Besancenot... Mais – faut-il le rappeler ? –, l'extrême gauche avait combattu la loi interdisant les signes religieux ostentatoires à l'école. Elle a toujours défendu le voile. Pis encore, les gauchistes ne se sont jamais opposés à l'islamisme, ni dans le discours ni sur le terrain. Ni ici ni ailleurs. En Algérie, ils ont soutenu le FIS, ils étaient même prêts à vivre dans un Etat islamique !
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Tout cela est connu, la presse en avait parlé longuement de ce rapprochement semi-clandestin. Mais là où la chose devient risible voire dangereuse, c'est dans l'explication de cet acte odieux. Car pour ne pas assumer leur connivence avec l'archaïsme religieux, les responsables de cette formation poussent le ridicule à son extrême en affirmant que le voile est compatible avec l'épanouissement de sa porteuse, sa libération, voire son militantisme féministe !

Le voile révolutionnaire ! Allons voir de près pour ne pas se faire avoir. L'étymologie nous renseigne mieux que les slogans creux du postier : la langue arabe de tous les jours nous dévoile parfaitement la réalité du voile : les femmes "hidjabisées" sont des femmes moultazimates, c'est-à-dire engagées ! Islamistes. Le titre d'une cassette du missionnaire et ami des trotskistes français Tariq Ramadan est révélateur : La Femme musulmane face à son devoir d'engagement. Les autres sont des moutabaridjates, des dépravées. En arabe parlée, dans les territoires perdus de la République, la non-voilée, c'est Arianna, ce qui veut dire "à poil", ******. Cela fait partie de l'action psychologique islamique qui consiste à faire pression sur la non-voilée pour qu'elle se voile, sur la voilée pour qu'elle se "niqabise", et ainsi de suite… Le voile n'est qu'une étape vers la burqa. Dans quelques années, si rien n'est fait, toutes les burqas en puissance, deviendront effectives.

Croire que l'islamisme est anticapitaliste est mal le connaître. Il est un antihumanisme viscéral, un fascisme même. N'oublions pas que le mouvement islamiste dans son ensemble était une riposte capitaliste contre la pensée socialiste arabe, contre la laïcisation du monde arabe! Le voile d'Ilham a dévoilé Besancenot aux électeurs. Tant mieux !

Aucun esprit non pollué ne peut admettre que les femmes choisissent librement leur aliénation.

Hamid Zanaz est l'auteur de L'Impasse islamique, la religion contre la vie, préface de Michel Onfray, Les Editions libertaires, 2009.
 
Et pour finir, mon sentiment personnel. La pétasse qui remplace Fadela A à la tête (mais y en a-t-il une ?) de NPNS a déclaré vouloir porter plainte contre le NPA pour antilaïcisme, antiféminisme et antirépublicanisme. Alors qu'elle commence par apprendre ce qu'est cette république et sa constitution. Celle-ci autorise toute opinion et son expression dans des limites qu'il appartient à la justice d'apprécier. Dans ce pays, il est autorisé d'être monarchiste et de le dire. Il est autorisé d'être pour une religion d'Etat et de le dire. Il est autorisé de ne pas être féministe et de le dire.
 
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