Oups! Il n'était pas éteint, le micro ?

Barack Obama et Nicolas Sarkozy critiquent Benyamin Nétanyahou

Pendant un sommet du G-20 à Cannes, en novembre 2011, des journalistes qui avaient branché leurs écouteurs sur leur boîtier de traduction avant d'en avoir le droit ont entendu le président Nicolas Sarkozy traiter le Premier ministre israélien de «menteur» qu'il ne pouvait plus «supporter», lors d'une discussion avec Obama au sujet du vote de la France en faveur de l’adhésion de la Palestine à l'UNESCO. «Tu en as peut-être marre de lui, mais moi je dois me le coltiner tous les jours», aurait répondu le président américain.

Des commentaires qui causèrent un vif émoi aux États-Unis (Michele Bachmann, alors candidate à l'investiture républicaine, exhorta Obama à présenter ses excuses à Nétanyahou) et en France (Sarkozy reçut à l’Élysée les dirigeants de la communauté juive pour s'expliquer), mais ils furent aussi à l'origine de nombreux débats en Israël.

«J'ai été gêné de lire ce que Sarkozy pensait de notre premier ministre, et j'ai été encore plus gêné d'apprendre que le président américain abondait dans son sens, déclara le député travailliste Daniel Ben-Simon au Jerusalem Post. Si [Nétanyahou] ment si facilement à des dirigeants importants, imaginez tous les mensonges qu'il doit nous dire». De l'autre côté de l'échiquier politique, Danny Danon, un parlementaire appartenant au Likoud de Nétanyahou estima que «le véritable visage d'Obama avait été dévoilé, à l'instar de ses politiques glaciales et irrespectueuses envers Israël et le premier ministre Nétanyahou».

Des divisions qui se firent aussi sentir dans la presse israélienne. En quelques jours, on pouvait y lire des chroniques intitulées «Ne faites pas confiance aux Français», «Ne faites pas confiance à Barack Obama», «Obama, le silence est d'or», «Notre ami à Paris», «Qui peut croire Nétanyahou?» et «Nétanyahou ment moins que ses prédécesseurs».

En mars, Nétanyahou fut «obligé» d'annuler une visite à Paris, mais rencontra quand même Obama à la Maison Blanche. Cette fois-ci, Obama parla d' «amitié» et de liens «indéfectibles» – du moins lorsque les micros étaient ouverts.
 
Barack Obama sur le Qatar

En avril 2011, lors d'une collecte de fonds démocrate à Chicago, Obama, ne réalisant par que Mark Knoller de CBS News l'enregistrait toujours après une session de questions/réponses avec des journalistes, dit à des donateurs que l'émir du Qatar, le cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, était «un grand champion, un grand promoteur de la démocratie à travers tout le Moyen-Orient. La réforme, la réforme, la réforme – on ne voit que ça sur Al Jazeera». Mais, à brûle-pourpoint, il ajouta que l'émir «lui-même ne fai[sai]t pas tellement de réformes significatives. Il n'y a pas de grandes avancées démocratiques au Qatar».

Ce qui rend ce commentaire particulièrement embarrassant c'est que, plus tôt dans la journée, Obama avait rencontré Thani à Washington et porté aux nues le leadership du Qatar en Libye, ainsi que son influence «sur la question de la démocratie au Moyen-Orient» (pour le remercier, l'émir promit d'envoyer à Obama des billets pour la Coupe du monde de football 2022, organisée par son pays).

Le quotidien qatari The Peninsula publia sans attendre une contrepartie acerbe:

«Nous croyons fermement que le changement et la démocratie doivent venir de l'intérieur et ne jamais être importés, ou ce qui s'est passé en Irak se répétera. Au Qatar, notre rythme est peut-être lent, mais nous sommes sans aucun doute dans la bonne direction. Nous sommes certains de voir les objectifs de notre Vision 2030 réalisés huit ans en avance, quand vous viendrez pour la Coupe du monde 2022. Nous pensons que le Qatar est dans une courbe d'apprentissage, et nous faisons déjà des progrès dans notre pratique de la démocratie – des médias au débat public, en passant par l’éducation...

M. le Président, nous avons souvent écrit sur les deux poids deux mesures de la politique étrangère américaine et sur son aveuglement quant aux processus réformateurs au Moyen-Orient. Nous ne voulons pas que les États-Unis exportent la démocratie, parce que nous ne voulons pas revivre l'expérience irakienne. Mais soyez-en assuré, nous sommes capables de construire notre propre processus démocratique.»
 
Vladimir Poutine sur Moshe Katsav

En octobre 2006 à Moscou, à la fin d'une conférence de presse commune entre Vladimir Poutine et le premier ministre israélien Ehud Olmert, un journaliste enregistra le président russe blaguer sur les accusations de viol qui pesaient sur son homologue israélien, Moshe Katsav (le président israélien fut plus tard reconnu coupable). «Mais quel homme puissant!», aurait déclaré Poutine, goguenard. «Il a violé 10 femmes – jamais je n'aurais pu imaginer ça de lui. Il nous a tous surpris – nous l'envions tous!»

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, admit ensuite que Poutine avait effectivement fait cette vanne, tout en affirmant qu'il était «impossible que le président Poutine se félicite d'un viol». Pour faire bonne mesure, il ajouta que «le russe est une langue très compliquée, parfois très sensible au niveau de la formulation». (Pour sa part, Poutine prétendit que les journalistes avaient probablement «entendu quelque-chose et s'étaient fait des idées».

Le meilleur résumé de cette controverse revient à l'hebdomadaire russe, Kommersant, pour qui «c'était le genre de moment où vous n'en croyez tout simplement pas vos oreilles», disait l'article, sidéré.
 
George W. Bush sur le Hezbollah

En juillet 2006, durant un déjeuner du G-8 en Russie, un microphone qui traînait capta le président Bush haranguer le Premier ministre Tony Blair au sujet de l'attitude des Nations Unies dans le conflit entre Israël et le Hezbollah au Liban. «Ce qui est marrant, c'est qu'ils doivent dire à la Syrie et au Hezbollah d'arrêter de foutre la *****, point barre», faisait remarquer Bush en référence au prétendu soutien de la Syrie au groupe islamiste.

Bush ne fit pas grand cas de l'incident («il a levé les yeux au ciel et a rigolé» en lisant la retranscription, selon Tony Snow, secrétaire de presse de la Maison Blanche, s'adressant à des journalistes), mais le président célèbre pour son langage fleuri dût tout de même faire face à quelques volées de bois vert dans la presse. Tony Blair fut l'objet de critiques tout aussi acerbes. Voici comment le journal irlandais Sunday Tribune décrivait l'échange, mentionnant aussi un «Yo Blair!» qu'aurait lancé Bush (d'autres sources font état d'un «Yeah, Blair»).

«Yo Blair», s'esclaffe le Leader du Monde Libre à l'adresse de son homme à tout faire, pour saper ensuite le moindre de ses efforts d'intervention dans les bombardements israéliens sur le Liban. Tony se carapate, la queue entre les jambes, tandis que sa subordination passe à la postérité dans le micro de Bush.

Lors d'une visite au parlement, quelques jours après le sommet, Blair aurait été chahuté aux sons de «yo!» émanant des rangs de l'opposition.
 
Jacques Chirac sur la cuisine britannique

Techniquement, ce n'est pas vraiment une gaffe microphonique, mais elle est trop bonne pour être passée sous silence. En juillet 2005, des journalistes français entendirent le président Jacques Chirac se moquer de la nourriture britannique en compagnie du chancelier allemand Gerhard Schröder et de Vladimir Poutine. «La seule chose que [les Britanniques] ont apporté à l'agriculture, c'est la vache folle», aurait ironisé Chirac. «Vous ne pouvez pas faire confiance à un peuple qui cuisine aussi mal. Après la Finlande, c'est le pays où la nourriture est la plus mauvaise».

Cela va sans dire, les angliches n'ont pas sauté de joie. Sous un titre plein d'esprit «Les blagues réchauffées de Chirac font bouillir Tony Blair», le Guardian faisait la part belle à des chefs anglais pour qui «un homme aussi amer ne peut se prononcer sur le goût de la nourriture» ou qui souhaitaient «lui servir des langoustines suivies d'un bon steak d'Angus d'Aberdeen, et finir par lui donner une crise cardiaque grâce à un pudding au caramel qui colle bien aux dents».

Mais quand Londres, quelques jours plus tard, dama le pion à Paris pour l'organisation des JO 2012, ce fut au tour du Royaume-Uni de pavoiser. Comme on pouvait le lire dans une tribune du Sunday Mercury.

Si Jacques Chirac n'avait pas mis ses grands pieds dans le plat en raillant la Grande-Bretagne et sa cuisine peu ragoûtante, Paris aurait peut-être gagné. Au final, c'est la soif de vaincre de Londres qui eut raison des JO et ce n'est pas la morgue de Paris, certaine d'avoir gagné d'avance, qui triompha.
 
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