Dans La conquête de la Palestine, de Balfour à Gaza, une guerre de cent ans, Rachad Antonius retrace l’histoire de la mainmise graduelle du mouvement sioniste sur les terres de 1917 à aujourd’hui. Pour comprendre l’horreur qui se déroule actuellement à Gaza et — peut-être — en éviter de pires encore.
Le titre est sans ambiguïté : c’est un récit circonstancié de la conquête de la Palestine par les tenants du foyer juif d’abord, puis à partir de 1948 par l’État d’Israël, que nous propose le sociologue québécois Rachad Antonius. S’il rappelle des faits et des dates connus de tous les familiers de ce dossier et se signale par un louable souci pédagogique, c’est sur un autre plan que se situe l’originalité de son ouvrage. L’auteur a en effet choisi de s’attarder sur des aspects mal connus ou négligés de l’entreprise séculaire de colonisation du territoire de la Palestine mandataire pour nous en faire saisir le « caractère structurant » selon son expression.On connaît la déclaration Balfour du 2 novembre 1917 qui se signale entre autres par l’absence totale de référence aux Palestiniens simplement qualifiés de « non juifs ». Allant plus loin, Antonius décortique les termes mêmes du mandat sur la Palestine accordé en 1922 par la Société des Nations (SDN) au Royaume-Uni et montre que tous les dispositifs de la conquête ultérieure y sont inclus, y compris un embryon d’armée, faisant de l’Organisation sioniste l’interlocuteur privilégié de la puissance mandataire. En 1947, lors du passage de témoin Londres à l’Organisation des Nations unies (ONU) qui se solde par le fameux plan de partage très défavorable aux Palestiniens, tout est donc prêt pour la phase militaire de la conquête qui commence dès avant l’établissement formel de l’État d’Israël. Selon Antonius, le deuxième moment « structurant » de la conquête est donc la période 1947-1949. Et si les États arabes ont déclaré la guerre à Israël dès la proclamation de l’État, c’est par réaction à un nettoyage ethnique qui avait en réalité commencé bien avant mai 1948.
Israël contre l’ONU, une si longue histoire
Le troisième moment structurant de cette longue guerre résiderait paradoxalement, selon l’analyse de l’auteur, dans la signature des accords d’Oslo en 1993. Deux éléments sont à retenir dans ce processus qui, pour beaucoup à l’époque, annonçait enfin une perspective de paix. Le premier, dès la convocation de la conférence de Madrid en 1991, réside dans l’exclusion de l’ONU des pourparlers à venir. Depuis 1947, l’organisation internationale avait été un acteur central de toutes les tentatives de solutions. Désormais, les États-Unis et Israël décident qu’un règlement du dossier ne saurait advenir qu’aux termes de négociations bilatérales, sous l’égide ou non de parrains multilatéraux. Les accords d’Oslo en sont la parfaite illustration. Mais, en réalité, sous couvert d’accords, Israël a mis alors en place un processus extraordinairement sophistiqué d’appropriation des terres palestiniennes et a pris le contrôle institutionnel du territoire palestinien. Depuis Oslo, et grâce à Oslo, affirme Antonius, le processus se poursuit inexorablement.Démonstration claire qui n’occulte pas les faiblesses du mouvement national palestinien, même si l’auteur se montre étonnamment indulgent à l’égard du Hamas, cet ouvrage aisé à lire pourra servir de viatique à ceux qui s’interrogent encore sur l’objectif initial de l’organisation sioniste jusqu’à sa victoire actuelle. Victoire définitive ? L’histoire à venir n’est pas écrite et il serait temps, nous dit l’auteur, de rechercher une solution qui éviterait aux Palestiniens comme aux Israéliens une catastrophe plus grande encore que celle qui se déroule sous nos yeux.
Palestine. Un siècle de guerre coloniale
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