Pierre bouteiller : une grande voix radiophonique s’est éteinte

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la rose et le réséda
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Il est des voix qui ont marqué notre jeunesse, c’est-à-dire quand la télévision, à ses balbutiements, ne connaissait pas les dérives d’aujourd’hui et que la radio, à l’offre diversifiée, était un média fort prisé.

Nous avons tous en tête (ou presque) les voix de José Artur dans son Pop-Club, de Ménie Grégoire (« Allo Ménie »), Max Meynier (« Les routiers sont sympa »), Lucien Jeunesse (« Jeu des 1.000 francs »), André Torrent (« Hit-Parade ») mais aussi celle de Claude Villers (« Tribunal des flagrants délires »), de Philippe Bouvard (« Les Grosses Têtes »), de Jacques Chancel (« Radioscopie ») et bien d’autres.

Avec la disparition de Pierre Bouteiller, à l’âge de 82 ans, une grande voix mais également une partie de la mémoire radiophonique viennent de s’en aller. Pendant plus de trente ans, à France Inter et à France Musique, il avait animé des émissions mythiques comme « Embouteillage », « Le magazine de Pierre Bouteiller », « Au bénéfice du doute », « Comme de bien entendu », « Le masque et la plume », etc.

Fils d’un cadre de la Banque de France qui change régulièrement d’affectation, Pierre Bouteiller sillonne la France d’Angers (où il est né en décembre 1934) à Marseille, en passant notamment par Rennes, Sedan, Le Havre, Limoges. Après de vagues études de philosophie auxquelles il préfère la musique, notamment le jazz dont il est passionné, il se présente, en 1958, à la Coupe des reporters, un concours organisé par Europe 1 d’où il sort vainqueur ex æquo avec Philippe Labro.

Il y anime des émissions quotidiennes jusqu’à ce qu’il soit congédié en 1969 pour avoir diffusé un gag dans lequel Henri Tisot imite le général de Gaulle. Même sur une chaîne radiophonique privée, il ne fait pas bon, à cette époque, de se moquer du chef de l’État.

Pierre Bouteiller rebondit à France Inter où l’embauche Roland Dhordain.
Il est aussi réputé pour être un esprit à la fois libre, audacieux, exigeant et indépendant, doté d’un ton persifleur très affûté. Ainsi, il n’hésite pas à supprimer des programmes de TF1 en 1981, où il a été nommé directeur des variétés, le concours de l’Eurovision qu’il aurait qualifié « d’émission de ***** », à la solde de « tout un lobby de producteurs, attachés de presse, chanteurs et éditeurs ». C’est également lui qui met en place la très controversée émission « Droit de réponse » de Michel Polac.

Candidat malheureux à la présidence de Radio France, il s’en prend plus tard à Michel Boyon, qui lui a soufflé la place pour d’obscures raisons politiques : « Il eut toujours du mal à distinguer un micro d’un grille-pain. » Nommé directeur de France Musique par Jean-Marie Cavada, il est, cinq plus tard, jugé trop vieux par Jean-Paul Cluzel, qui l’évince de la Maison ronde. C’est sur TSF Jazz qu’il trouve, à 70 ans, un point de chute à sa mesure. Il y anime, avec une passion intacte, jusqu’en juin 2015, son émission quotidienne puis hebdomadaire « Si bémol et fadaises ».

Avec Pierre Bouteiller s’éteint l’une des dernières grandes voix de la radio française. Qui, aujourd’hui, peut prétendre à reprendre le flambeau ?
Ils se comptent sur les doigts d’une main, et encore !

Henri Saint-Amand







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