Pierre Lellouche, latlantiste
5 juillet 2009 par Denis Sieffert de l'hebdo "POLITIS"
En nommant cet inconditionnel de Bush et de Nétanyahou secrétaire dÉtat aux Affaires européennes, Nicolas Sarkozy a délivré un message inquiétant.
Lincident a fait grand bruit. Cétait le 5 avril dernier, sur France 5, au cours de lémission « Ripostes », de Serge Moati. On y débattait du retour de la France dans le commandement intégré de lOtan. « Pour », Pierre Lellouche, le député UMP de Paris ; « contre », le sénateur de lEssonne, Jean-Luc Mélenchon. Le premier a déjà longuement exposé son point de vue. Sans surprise. Quand le second entreprend de développer ses arguments, Pierre Lellouche joue lobstruction. Une fois, deux fois, dix fois, il linterrompt, interdisant à son contradicteur de parler. « Vous êtes aligné sur la CIA », finit par lui lancer Mélenchon. « Je suis peut-être CIA, lui répond lautre, ivre de colère, mais vous, vous êtes un pauvre type, Mélenchon, minable, et si nous étions au XIXe siècle je vous provoquerais en duel et je vous flinguerais. »
Il y a quelques années encore, de tels mots et un tel comportement auraient réduit à néant les ambitions ministérielles de limpétueux. Mais un président de la République qui lance « Casse-toi, pauvre *** ! » à un importun, ou défie un pêcheur en grève de venir faire le coup-de-poing avec lui, ne peut plus soffusquer de rien. Pierre Lellouche, nommé la semaine dernière secrétaire dÉtat aux Affaires européennes, est au diapason de nos murs politiques. Au fond, lhomme ressemble aux idées quil défend. Psychologiquement belliqueux, politiquement belliciste. En mars 2003, il avait pris position pour la guerre américaine en Irak, contre la position française défendue par Jacques Chirac et Dominique de Villepin. Il est aujourdhui, comme les États-Unis, farouchement partisan de lentrée de la Turquie dans lUnion européenne. Même si ses nouvelles fonctions lont conduit ses derniers jours à atténuer lexpression de son désaccord sur ce point avec Nicolas Sarkozy.
Bref, comme dirait Mélenchon, celui-là est toujours en accord avec Washington, quitte à être en porte-à-faux avec son propre pays. On verra à lusage si lAmérique de Barack Obama suscite chez lui la même adhésion inconditionnelle que celle de George W. Bush. Car il y a un autre fil rouge dans la carrière politique de Pierre Lellouche. Cet ancien avocat daffaires, né à Tunis en 1951 dans une famille dartisans juifs, est aussi un fiévreux « avocat » dIsraël. Si les choses devaient se gâter entre Obama et Nétanyahou, il aurait sans doute à faire un choix douloureux. Dans tous les cas, lintérêt de la France ou de lUnion européenne nest probablement pas son déterminant principal. À moins de considérer quil doit y avoir aujourdhui un camp Atlantique homogène face au monde arabo-musulman, comme jadis contre le bloc soviétique. Son premier engagement, en 1974, au sein dun Groupe détudes et de recherches sur les problèmes internationaux, était surtout motivé par le développement dIsraël, où il séjourne alors à de nombreuses reprises, notamment en kibboutz. Mais sa véritable entrée en politique date de 1989, lorsque Jacques Chirac, encore maire de Paris, fait de lui un conseiller diplomatique. En 1993, il conquiert pour le RPR un siège de député du Val-dOise quil arrache de haute lutte à Dominique Strauss-Kahn. À partir de 1997, il quitte la circonscription de Sarcelles pour devenir député des VIIIe et IXe arrondissements de Paris. En 2004, il devient président de lAssemblée parlementaire de lOtan. Le recyclage de lorganisation militaire transatlantique, privée de raison dêtre depuis la chute du mur de Berlin, est sa grande affaire. Comme ladministration Bush, il na de cesse de la transformer en instrument de police internationale sous influence états-unienne.
Depuis mars dernier, ses fonctions de représentant spécial de la France pour la zone Pakistan-Afghanistan lui permettaient de plaider le renforcement de lengagement français dans la région sous le commandement de lOtan. Sa carrière, en France, nest pas exempte déchecs, ni de scandales. En 2008, il a connu lhumiliation darriver bon dernier dans la course à la candidature UMP à la mairie de Paris, derrière Françoise de Panafieu, Claude Goasguen, et même Jean Tiberi. En 1998, adversaire acharné du Pacs, il avait proposé de « stériliser » les homosexuels.
5 juillet 2009 par Denis Sieffert de l'hebdo "POLITIS"
En nommant cet inconditionnel de Bush et de Nétanyahou secrétaire dÉtat aux Affaires européennes, Nicolas Sarkozy a délivré un message inquiétant.
Lincident a fait grand bruit. Cétait le 5 avril dernier, sur France 5, au cours de lémission « Ripostes », de Serge Moati. On y débattait du retour de la France dans le commandement intégré de lOtan. « Pour », Pierre Lellouche, le député UMP de Paris ; « contre », le sénateur de lEssonne, Jean-Luc Mélenchon. Le premier a déjà longuement exposé son point de vue. Sans surprise. Quand le second entreprend de développer ses arguments, Pierre Lellouche joue lobstruction. Une fois, deux fois, dix fois, il linterrompt, interdisant à son contradicteur de parler. « Vous êtes aligné sur la CIA », finit par lui lancer Mélenchon. « Je suis peut-être CIA, lui répond lautre, ivre de colère, mais vous, vous êtes un pauvre type, Mélenchon, minable, et si nous étions au XIXe siècle je vous provoquerais en duel et je vous flinguerais. »
Il y a quelques années encore, de tels mots et un tel comportement auraient réduit à néant les ambitions ministérielles de limpétueux. Mais un président de la République qui lance « Casse-toi, pauvre *** ! » à un importun, ou défie un pêcheur en grève de venir faire le coup-de-poing avec lui, ne peut plus soffusquer de rien. Pierre Lellouche, nommé la semaine dernière secrétaire dÉtat aux Affaires européennes, est au diapason de nos murs politiques. Au fond, lhomme ressemble aux idées quil défend. Psychologiquement belliqueux, politiquement belliciste. En mars 2003, il avait pris position pour la guerre américaine en Irak, contre la position française défendue par Jacques Chirac et Dominique de Villepin. Il est aujourdhui, comme les États-Unis, farouchement partisan de lentrée de la Turquie dans lUnion européenne. Même si ses nouvelles fonctions lont conduit ses derniers jours à atténuer lexpression de son désaccord sur ce point avec Nicolas Sarkozy.
Bref, comme dirait Mélenchon, celui-là est toujours en accord avec Washington, quitte à être en porte-à-faux avec son propre pays. On verra à lusage si lAmérique de Barack Obama suscite chez lui la même adhésion inconditionnelle que celle de George W. Bush. Car il y a un autre fil rouge dans la carrière politique de Pierre Lellouche. Cet ancien avocat daffaires, né à Tunis en 1951 dans une famille dartisans juifs, est aussi un fiévreux « avocat » dIsraël. Si les choses devaient se gâter entre Obama et Nétanyahou, il aurait sans doute à faire un choix douloureux. Dans tous les cas, lintérêt de la France ou de lUnion européenne nest probablement pas son déterminant principal. À moins de considérer quil doit y avoir aujourdhui un camp Atlantique homogène face au monde arabo-musulman, comme jadis contre le bloc soviétique. Son premier engagement, en 1974, au sein dun Groupe détudes et de recherches sur les problèmes internationaux, était surtout motivé par le développement dIsraël, où il séjourne alors à de nombreuses reprises, notamment en kibboutz. Mais sa véritable entrée en politique date de 1989, lorsque Jacques Chirac, encore maire de Paris, fait de lui un conseiller diplomatique. En 1993, il conquiert pour le RPR un siège de député du Val-dOise quil arrache de haute lutte à Dominique Strauss-Kahn. À partir de 1997, il quitte la circonscription de Sarcelles pour devenir député des VIIIe et IXe arrondissements de Paris. En 2004, il devient président de lAssemblée parlementaire de lOtan. Le recyclage de lorganisation militaire transatlantique, privée de raison dêtre depuis la chute du mur de Berlin, est sa grande affaire. Comme ladministration Bush, il na de cesse de la transformer en instrument de police internationale sous influence états-unienne.
Depuis mars dernier, ses fonctions de représentant spécial de la France pour la zone Pakistan-Afghanistan lui permettaient de plaider le renforcement de lengagement français dans la région sous le commandement de lOtan. Sa carrière, en France, nest pas exempte déchecs, ni de scandales. En 2008, il a connu lhumiliation darriver bon dernier dans la course à la candidature UMP à la mairie de Paris, derrière Françoise de Panafieu, Claude Goasguen, et même Jean Tiberi. En 1998, adversaire acharné du Pacs, il avait proposé de « stériliser » les homosexuels.