FPP75
VIB
ROTTERDAM (PAYS-BAS) ENVOYÉ SPÉCIAL
Le contrat du professeur d'islamologie Tariq Ramadan, chargé, depuis 2007 de conseiller la municipalité de Rotterdam, de "stimuler" le débat sur l'immigration et de "jeter des ponts" vers la communauté musulmane de la deuxième ville néerlandaise, semble en péril. Son mandat à l'université Erasme de Rotterdam a, en revanche, été récemment prolongé, et est au coeur d'une vive polémique qui a entraîné une scission au sein de la coalition qui gouverne la ville.
Ce sont des propos que M. Ramadan aurait tenus au sujet des homosexuels et des femmes qui ont relancé les questions sur son rôle et, plus généralement, sur ses conceptions quant à la place de l'islam dans les sociétés européennes.
Le magazine Gay Krant, qui défend les droits des homosexuels aux Pays-Bas, a reproduit, le 21 mars, des propos qu'aurait tenu l'intellectuel suisse d'origine égyptienne. Selon cet enregistrement, M. Ramadan aurait déclaré que l'islam prohibait l'homosexualité, laquelle serait "un dérangement, un dysfonctionnement, un déséquilibre". "Dieu a fixé une norme qui veut qu'un homme soit destiné à une femme et une femme à un homme", aurait aussi indiqué le philosophe. A propos de femmes, il aurait évoqué l'impératif, pour elles, de ne pas se soucier de "leur apparence", de "leurs gestes" ou de leur "parfum". Prônant la "sobriété", il aurait affirmé qu'elle consistait, pour une femme marchant dans la rue, à "garder toujours les yeux fixés sur le bitume".
MÉFIANCE
L'un des défenseurs de M. Ramadan, Rik Grashoff, adjoint écologiste au maire de Rotterdam et détenteur du portefeuille de l'intégration, a mené une contre-enquête. Il affirme, comme le principal intéressé, que l'article était "incorrect et tendancieux", que les propos tenus ont été "extraits de leur contexte". Même s'il est opposé à l'homosexualité, M. Ramadan estime que "le respect de la personne prime".
Le parti de M. Grashoff promettait de quitter la majorité si le contrat de M. Ramadan avec la ville était cassé. C'est finalement un autre parti qui a rompu l'accord politique. Les deux adjoints au maire du Parti libéral pour la liberté et la démocratie (VVD) ont démissionné, réduisant à une seule voix la majorité (23 sièges sur 45) de la coalition de trois partis qui dirige la ville. Ahmed Aboutaleb, maire social-démocrate de Rotterdam, premier mandataire d'origine étrangère à la tête d'une grande municipalité, entendait éviter une crise. "Nous explorons le débat sur l'intégration", a-t-il indiqué, expliquant que la nomination de M. Ramadan était un élément de cette recherche, mais sans doute pas "la meilleure construction possible".
Vendredi 24 avril, M. Aboutaleb a expliqué au Monde qu'il "n'était pas là" lorsque la nomination de M. Ramadan a été décidée, en janvier 2007. Et que le dossier allait être "repensé", avec, "peut-être, une nouvelle approche dans quelques semaines".
La méfiance qu'ont entraînée, dans plusieurs pays, dont la France, les prises de position de M. Ramadan gagne donc aussi les Pays-Bas. Comme en Grande-Bretagne, il avait été sollicité, y compris par les courants les plus durs de la droite néerlandaise, pour animer la discussion publique et contribuer au développement d'une sorte de "pilier" musulman dans la société néerlandaise. "Une structuration communautaire de la population d'origine musulmane, qui maintienne ordre public et paix sociale, sous le double braquet de la charia et du droit positif", analyse Gilles Kepel (Terreur et martyre, Flammarion, 2008).
Si certains évoquent les piètres résultats de son action pour la ville (deux rapports et quelques dizaines de débats, en échange de 27 500 euros par an et deux jours par mois à Rotterdam), l'université Erasme estime, en revanche, que la chaire Citoyenneté et identité qu'il anime quatre jours par mois est un succès. Les enseignements du petit-fils du fondateur des Frères musulmans égyptiens seraient "très appréciés" par les étudiants. Le contrat de M. Ramadan a été prolongé jusqu'en février 2011.
Jean-Pierre Stroobants
Le contrat du professeur d'islamologie Tariq Ramadan, chargé, depuis 2007 de conseiller la municipalité de Rotterdam, de "stimuler" le débat sur l'immigration et de "jeter des ponts" vers la communauté musulmane de la deuxième ville néerlandaise, semble en péril. Son mandat à l'université Erasme de Rotterdam a, en revanche, été récemment prolongé, et est au coeur d'une vive polémique qui a entraîné une scission au sein de la coalition qui gouverne la ville.
Ce sont des propos que M. Ramadan aurait tenus au sujet des homosexuels et des femmes qui ont relancé les questions sur son rôle et, plus généralement, sur ses conceptions quant à la place de l'islam dans les sociétés européennes.
Le magazine Gay Krant, qui défend les droits des homosexuels aux Pays-Bas, a reproduit, le 21 mars, des propos qu'aurait tenu l'intellectuel suisse d'origine égyptienne. Selon cet enregistrement, M. Ramadan aurait déclaré que l'islam prohibait l'homosexualité, laquelle serait "un dérangement, un dysfonctionnement, un déséquilibre". "Dieu a fixé une norme qui veut qu'un homme soit destiné à une femme et une femme à un homme", aurait aussi indiqué le philosophe. A propos de femmes, il aurait évoqué l'impératif, pour elles, de ne pas se soucier de "leur apparence", de "leurs gestes" ou de leur "parfum". Prônant la "sobriété", il aurait affirmé qu'elle consistait, pour une femme marchant dans la rue, à "garder toujours les yeux fixés sur le bitume".
MÉFIANCE
L'un des défenseurs de M. Ramadan, Rik Grashoff, adjoint écologiste au maire de Rotterdam et détenteur du portefeuille de l'intégration, a mené une contre-enquête. Il affirme, comme le principal intéressé, que l'article était "incorrect et tendancieux", que les propos tenus ont été "extraits de leur contexte". Même s'il est opposé à l'homosexualité, M. Ramadan estime que "le respect de la personne prime".
Le parti de M. Grashoff promettait de quitter la majorité si le contrat de M. Ramadan avec la ville était cassé. C'est finalement un autre parti qui a rompu l'accord politique. Les deux adjoints au maire du Parti libéral pour la liberté et la démocratie (VVD) ont démissionné, réduisant à une seule voix la majorité (23 sièges sur 45) de la coalition de trois partis qui dirige la ville. Ahmed Aboutaleb, maire social-démocrate de Rotterdam, premier mandataire d'origine étrangère à la tête d'une grande municipalité, entendait éviter une crise. "Nous explorons le débat sur l'intégration", a-t-il indiqué, expliquant que la nomination de M. Ramadan était un élément de cette recherche, mais sans doute pas "la meilleure construction possible".
Vendredi 24 avril, M. Aboutaleb a expliqué au Monde qu'il "n'était pas là" lorsque la nomination de M. Ramadan a été décidée, en janvier 2007. Et que le dossier allait être "repensé", avec, "peut-être, une nouvelle approche dans quelques semaines".
La méfiance qu'ont entraînée, dans plusieurs pays, dont la France, les prises de position de M. Ramadan gagne donc aussi les Pays-Bas. Comme en Grande-Bretagne, il avait été sollicité, y compris par les courants les plus durs de la droite néerlandaise, pour animer la discussion publique et contribuer au développement d'une sorte de "pilier" musulman dans la société néerlandaise. "Une structuration communautaire de la population d'origine musulmane, qui maintienne ordre public et paix sociale, sous le double braquet de la charia et du droit positif", analyse Gilles Kepel (Terreur et martyre, Flammarion, 2008).
Si certains évoquent les piètres résultats de son action pour la ville (deux rapports et quelques dizaines de débats, en échange de 27 500 euros par an et deux jours par mois à Rotterdam), l'université Erasme estime, en revanche, que la chaire Citoyenneté et identité qu'il anime quatre jours par mois est un succès. Les enseignements du petit-fils du fondateur des Frères musulmans égyptiens seraient "très appréciés" par les étudiants. Le contrat de M. Ramadan a été prolongé jusqu'en février 2011.
Jean-Pierre Stroobants