Pourquoi Israël se dirige vers l’autodestruction, par Aluf Benn (Haaretz)

Proche-Orient. Pour le rédacteur en chef du quotidien Haaretz, au-delà de la politique menée par Benyamin Netanyahou, c’est tout le pays qui fait face à un avenir sombre en négligeant les causes du conflit avec les Palestiniens.​

N’ayant pas réussi à stopper l’attaque du Hamas, Tsahal a réagi avec une force écrasante, tuant des milliers de Palestiniens et rasant des quartiers entiers de Gaza.

Mais alors même que les pilotes larguent des bombes et que les commandos débusquent les tunnels du Hamas, le gouvernement israélien n’a pas réfléchi à la haine à l’origine de l’attaque, ni aux politiques susceptibles d’en empêcher une autre.

Ce silence est dû à la volonté du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, qui a refusé de définir une vision pour l’après-guerre. Netanyahou a promis de "détruire le Hamas", mais au-delà de la force militaire, il n’a pas de stratégie pour éliminer le groupe, ni de plan clair pour ce qui le remplacerait en tant que gouvernement de facto du Gaza d’après-guerre.

Son absence de stratégie n’a rien d’un hasard. Il ne s’agit pas non plus d’opportunisme politique destiné à préserver la cohésion de sa coalition de droite.

Pour vivre en paix, Israël devra enfin s’entendre avec les Palestiniens, ce à quoi Netanyahou s’est opposé tout au long de sa carrière.

Il a consacré son mandat de Premier ministre, le plus long de l’histoire d’Israël, à saper et à mettre à l’écart le mouvement national palestinien. Il a promis à son peuple qu’il pouvait prospérer sans paix.

Il a vendu au pays l’idée qu’il pouvait continuer à occuper les terres palestiniennes pour toujours, sans que cela ne lui coûte grand-chose, ni sur le plan national ni sur le plan international.

Et même aujourd’hui, au lendemain du 7 octobre, il n’a pas changé ce message. La seule chose que Netanyahou a dit au sujet de ce qu'Israël ferait après la guerre concerne le maintien d'un "périmètre de sécurité" autour de Gaza - un euphémisme à peine voilé pour une occupation à long terme, y compris un cordon le long de la frontière qui mangera une grande partie des rares terres palestiniennes.


Netanyahou ne veut pas résoudre le conflit palestinien​

Mais Israël ne peut plus être aussi aveugle. Les attentats du 7 octobre ont prouvé que la promesse de Netanyahou était creuse. Malgré l’enlisement du processus de paix et la perte d’intérêt des autres pays, les Palestiniens ont maintenu leur cause en vie. Sur les images prises par le Hamas le 7 octobre à l’aide de caméras corporelles, on entend les envahisseurs crier "C’est notre terre" alors qu’ils franchissent la frontière pour attaquer un kibboutz. Sinwar a ouvertement présenté l’opération comme un acte de résistance.

Il a personnellement été motivé, du moins en partie, par la Nakba. Le chef du Hamas a passé vingt-deux ans dans les prisons israéliennes et aurait continuellement répété à ses compagnons de cellule qu’Israël devait être vaincu pour que sa famille puisse retourner dans son village.

Le traumatisme du 7 octobre a forcé les Israéliens, une fois de plus, à réaliser que le conflit avec les Palestiniens est au cœur de leur identité nationale et constitue une menace pour leur bien-être.

Il ne peut être ni négligé ni éludé, et la poursuite de l’occupation, l’extension des colonies israéliennes en Cisjordanie, le siège de Gaza et le refus de tout compromis territorial (ou même de reconnaître les droits des Palestiniens) n’apporteront pas au pays une sécurité durable.

Pourtant, il sera extrêmement difficile de se remettre de cette guerre et de changer de cap, et pas seulement parce que Netanyahou ne veut pas résoudre le conflit palestinien. La guerre a frappé Israël au moment où il était peut-être le plus divisé de son histoire.

Au cours des années qui ont précédé l’attaque, le pays a été fracturé par les efforts déployés par Netanyahou pour saper ses institutions démocratiques et le transformer en une autocratie théocratique et et nationaliste.

Ses projets de loi et ses réformes ont provoqué des protestations et des dissensions généralisées qui ont menacé de déchirer le pays avant la guerre et qui le hanteront une fois le conflit terminé. En fait, la lutte pour la survie politique de Netanyahou deviendra encore plus intense qu’elle ne l’était avant le 7 octobre, ce qui rendra difficile la poursuite de la paix.


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