Quand la justice suisse séquestre 150 millions d'euros, 15 milliards passent sous les radars. L'ancien patron de la lutte contre le blanchiment tire la sonnette d'alarme.
Ces derniers mois, le palais de justice de Genève était plutôt à l'honneur. Il révélait que Juan Carlos, l'ancien roi d'Espagne, avait planqué 100 millions de dollars dans la cité de Calvin, et plus récemment qu'un homme d'affaires angolais s'était fait séquestrer près d'un milliard de dollars. C'est oublier que, dans le reste de la Confédération, à Berne, Lugano ou Zurich, la justice se montre nettement moins pugnace. Tout cela, c'est « peanuts », révèle Daniel Thelesklaf, l'ancien patron de la lutte contre le blanchiment, qui a démissionné avec fracas du Bureau suisse de communication en matière de blanchiment (MROS), moins d'un an après son entrée en fonction.
Dans une interview accordée lundi à La Tribune de Genève, intitulée « Notre défense contre l'argent sale est un échec », il révèle que si, en 2015, la Suisse a confisqué 190 millions de francs, « la même année, les banques ont déclaré 25 fois plus d'avoirs suspects, soit 4,8 milliards de francs suisses. Depuis 2016, elles déclarent jusqu'à 12 à 17 milliards de francs par an [11,2 à 15,8 milliards d'euros]. Les autorités suisses ne confisquent qu'une infime partie des fonds annoncés par les banques ». Daniel Thelesklaf est un expert international en matière de blanchiment d'argent, de financement du terrorisme et de corruption. Il a notamment été consultant pour le FMI, l'OCDE, le Conseil de l'Europe et l'ONU. Ses propos font l'effet d'une bombe. L'Agefi, le quotidien suisse de la finance, titre sobrement « La défense de la Suisse contre le blanchiment d'argent est inefficace ». Comme le reste de la presse, il fait mine de découvrir cette situation.
60 employés pour des milliers de dénonciations
Daniel Thelesklaf, qui deviendra le mois prochain conseiller auprès du service d'information et de contrôle sur les circuits financiers de… Monaco, ajoute que, fin 2019, « plus de 6 000 dénonciations émises par les banques n'étaient pas encore traitées ! cela correspond à des avoirs potentiellement illégaux de plusieurs milliards de francs ». « Les blanchisseurs font entrer des milliards dans le pays. Le problème, c'est qu'il s'agit de l'argent du crime. Et les victimes sont souvent les plus pauvres », dénonce-t-il.
Alors, à qui la faute ? Au MROS (pour Money Laundering Reporting Office Switzerland), qui ne compte qu'une soixantaine de salariés ? De plus, une partie des dénonciations n'arrive pas par voie électronique mais par La Poste… Les employés perdent ensuite un temps précieux non pas à analyser les déclarations des banques, mais à saisir les données (relevés de compte, fichiers, notes) à la main dans le système informatique.
Sans doute faut-il également se pencher sur les dizaines de milliers de signalements de soupçons envoyés par les banques. Est-ce par prudence pour éviter de tomber sous le coup de la loi sur le blanchiment d'argent ? Ou, d'une façon plus perverse, pour submerger le MROS et le rendre inefficace ? « On devrait privilégier la qualité des transmissions, et pas leur quantité comme c'est le cas actuellement », constate l'avocat Carlo Lombardini, professeur à la faculté de droit, de sciences criminelles et d'administration publique à Lausanne, dans le quotidien Le Temps. Il ajoute que, sous sa forme actuelle, « le combat contre le blanchiment est perdu d'avance ».
Ces derniers mois, le palais de justice de Genève était plutôt à l'honneur. Il révélait que Juan Carlos, l'ancien roi d'Espagne, avait planqué 100 millions de dollars dans la cité de Calvin, et plus récemment qu'un homme d'affaires angolais s'était fait séquestrer près d'un milliard de dollars. C'est oublier que, dans le reste de la Confédération, à Berne, Lugano ou Zurich, la justice se montre nettement moins pugnace. Tout cela, c'est « peanuts », révèle Daniel Thelesklaf, l'ancien patron de la lutte contre le blanchiment, qui a démissionné avec fracas du Bureau suisse de communication en matière de blanchiment (MROS), moins d'un an après son entrée en fonction.
Dans une interview accordée lundi à La Tribune de Genève, intitulée « Notre défense contre l'argent sale est un échec », il révèle que si, en 2015, la Suisse a confisqué 190 millions de francs, « la même année, les banques ont déclaré 25 fois plus d'avoirs suspects, soit 4,8 milliards de francs suisses. Depuis 2016, elles déclarent jusqu'à 12 à 17 milliards de francs par an [11,2 à 15,8 milliards d'euros]. Les autorités suisses ne confisquent qu'une infime partie des fonds annoncés par les banques ». Daniel Thelesklaf est un expert international en matière de blanchiment d'argent, de financement du terrorisme et de corruption. Il a notamment été consultant pour le FMI, l'OCDE, le Conseil de l'Europe et l'ONU. Ses propos font l'effet d'une bombe. L'Agefi, le quotidien suisse de la finance, titre sobrement « La défense de la Suisse contre le blanchiment d'argent est inefficace ». Comme le reste de la presse, il fait mine de découvrir cette situation.
60 employés pour des milliers de dénonciations
Daniel Thelesklaf, qui deviendra le mois prochain conseiller auprès du service d'information et de contrôle sur les circuits financiers de… Monaco, ajoute que, fin 2019, « plus de 6 000 dénonciations émises par les banques n'étaient pas encore traitées ! cela correspond à des avoirs potentiellement illégaux de plusieurs milliards de francs ». « Les blanchisseurs font entrer des milliards dans le pays. Le problème, c'est qu'il s'agit de l'argent du crime. Et les victimes sont souvent les plus pauvres », dénonce-t-il.
Alors, à qui la faute ? Au MROS (pour Money Laundering Reporting Office Switzerland), qui ne compte qu'une soixantaine de salariés ? De plus, une partie des dénonciations n'arrive pas par voie électronique mais par La Poste… Les employés perdent ensuite un temps précieux non pas à analyser les déclarations des banques, mais à saisir les données (relevés de compte, fichiers, notes) à la main dans le système informatique.
Sans doute faut-il également se pencher sur les dizaines de milliers de signalements de soupçons envoyés par les banques. Est-ce par prudence pour éviter de tomber sous le coup de la loi sur le blanchiment d'argent ? Ou, d'une façon plus perverse, pour submerger le MROS et le rendre inefficace ? « On devrait privilégier la qualité des transmissions, et pas leur quantité comme c'est le cas actuellement », constate l'avocat Carlo Lombardini, professeur à la faculté de droit, de sciences criminelles et d'administration publique à Lausanne, dans le quotidien Le Temps. Il ajoute que, sous sa forme actuelle, « le combat contre le blanchiment est perdu d'avance ».