Yacef Saâdi, chef historique de la Zone autonome dAlger se confie à El Moudjajid
La Casbah, un vivier de jeunes baroudeurs
Pur produit des convulsions sociales, Rouibi Ahmed (alias Ahmed Chaïb) personnifiait dans la Casbah daprès-guerre, une synthèse éloquente de la jeunesse qui se débattait entre la tentation des milieux délétères et lhonnêteté du chômage à perpétuité. On le surnommait le Corbeau à cause de ses yeux noirs et perçants, pourvus dun magnétisme si puissant quil pouvait soutenir nimporte quel regard. Il navait pas dégal pour voir clair dans les endroits obscurs et les foules compactes.
Expulsé de lécole dès sa prime enfance, il sétait retrouvé traînant ses basques, dans les recoins de la vieille ville où, sans recourir à la mendicité, il avait appris à survivre. De la période du business, il avait gardé un goût prononcé pour les belles choses quil évoquait avec délectation, lorsquil ne pouvait les acquérir.
Avant novembre, il faisait partie du groupe de réserve. Disponible de jour comme de nuit, mon absence momentanée ne lavait pas empêché de prendre des initiatives heureuses pour maintenir intact le moral du groupe.
Vigilant, à lécoute de la moindre nouvelle, il avait organisé une équipe dinformateurs dans les arcanes du port dAlger pour sonder les ventres opulents des navires et la récupération de tout ce qui pouvait servir aux combattants des maquis.
Cest en flânant dans les profondeurs de la basse Casbah quil apprit lévasion de la prison de Damiette (localité à quelques kilomètres dAlger) dun solide garçon, dont le destin restera gravé en lettres indélébiles dans lhistoire de la guerre dAlgérie. Il sappelle Ammar Ali, quon surnommait Ali la Pointe par référence à un quartier de la corniche algéroise. Bouillonnant de vie, Ali avait vu le jour à Miliana, une petite ville située à 120 km à louest dAlger.
La crise économique des années 30, qui sétait traduite par des conséquences plus douloureuses pour les peuples colonisés, navait pas épargné sa famille. Il décida daller chercher plus de sécurité aux abords de la grande ville dAlger, où ladolescent allait découvrir la noire misère des quartiers insalubres. Il sessaya dabord comme maçon, mais les chantiers de construction condamnés par la récession lempêchèrent de persévérer dans cette voie.
Après la guerre européenne, il sinscrivit dans une salle de sport de Bab-El-Oued pour pratiquer la boxe. Assidu, il fréquenta cette salle pendant quelques mois. Mais la malchance voulut quil perde son premier combat. Honteux, il résolut de raccrocher.
La rue devint alors sa salle dentraînement privilégiée où son tempérament de bagarreur se développa rapidement. Ses amis de lépoque attestent quil ne concevait son existence quen justicier.
Le milieu le tentait. Il désirait se lancer, paraître, rayonner. Et il y réussit si bien quil se décida, un jour, de se mesurer avec un des caïds les plus en vue, Mustapha Hammiche, en tirant sur la protégée de ce dernier. Son acte lui vaudra deux années de réclusion. A sa libération, il revint tout bonnement à ses premières amours, le jeu de hasard et la bagarre tous azimuts.
Mobilisé en 1952, on lenvoya en caserne, tirbouchonné dans un uniforme de 2e classe, on lui rasa le crâne puis on entreprit de le dresser. Un jour pourtant, il ne put plus tenir et il écopa trois mois de prison pour avoir rossé un sous-officier. Après cette grave atteinte à la discipline des armées, son nom se répandit à travers la ville de Blida et sa célébrité alla se loger dans le quartier réservé de la ville des Roses.
Après 18 mois dencasernement supplémentaires, ses camarades de la salle de boxe le revirent enfin, tout à fait libre. Mais, après quelques entraînements, il fit ses adieux au ring, néprouvant plus quun seul désir, escalader les échelons de la hiérarchie de la pègre et tenter de disputer le sceptre de la notoriété aux caïds de la place. Aux plus grands dentre eux comme les Hammiche, les frères Houya, Hacène le Bônois, Bud-Abott et dautres encore...
A suivre...
La Casbah, un vivier de jeunes baroudeurs
Pur produit des convulsions sociales, Rouibi Ahmed (alias Ahmed Chaïb) personnifiait dans la Casbah daprès-guerre, une synthèse éloquente de la jeunesse qui se débattait entre la tentation des milieux délétères et lhonnêteté du chômage à perpétuité. On le surnommait le Corbeau à cause de ses yeux noirs et perçants, pourvus dun magnétisme si puissant quil pouvait soutenir nimporte quel regard. Il navait pas dégal pour voir clair dans les endroits obscurs et les foules compactes.
Expulsé de lécole dès sa prime enfance, il sétait retrouvé traînant ses basques, dans les recoins de la vieille ville où, sans recourir à la mendicité, il avait appris à survivre. De la période du business, il avait gardé un goût prononcé pour les belles choses quil évoquait avec délectation, lorsquil ne pouvait les acquérir.
Avant novembre, il faisait partie du groupe de réserve. Disponible de jour comme de nuit, mon absence momentanée ne lavait pas empêché de prendre des initiatives heureuses pour maintenir intact le moral du groupe.
Vigilant, à lécoute de la moindre nouvelle, il avait organisé une équipe dinformateurs dans les arcanes du port dAlger pour sonder les ventres opulents des navires et la récupération de tout ce qui pouvait servir aux combattants des maquis.
Cest en flânant dans les profondeurs de la basse Casbah quil apprit lévasion de la prison de Damiette (localité à quelques kilomètres dAlger) dun solide garçon, dont le destin restera gravé en lettres indélébiles dans lhistoire de la guerre dAlgérie. Il sappelle Ammar Ali, quon surnommait Ali la Pointe par référence à un quartier de la corniche algéroise. Bouillonnant de vie, Ali avait vu le jour à Miliana, une petite ville située à 120 km à louest dAlger.
La crise économique des années 30, qui sétait traduite par des conséquences plus douloureuses pour les peuples colonisés, navait pas épargné sa famille. Il décida daller chercher plus de sécurité aux abords de la grande ville dAlger, où ladolescent allait découvrir la noire misère des quartiers insalubres. Il sessaya dabord comme maçon, mais les chantiers de construction condamnés par la récession lempêchèrent de persévérer dans cette voie.
Après la guerre européenne, il sinscrivit dans une salle de sport de Bab-El-Oued pour pratiquer la boxe. Assidu, il fréquenta cette salle pendant quelques mois. Mais la malchance voulut quil perde son premier combat. Honteux, il résolut de raccrocher.
La rue devint alors sa salle dentraînement privilégiée où son tempérament de bagarreur se développa rapidement. Ses amis de lépoque attestent quil ne concevait son existence quen justicier.
Le milieu le tentait. Il désirait se lancer, paraître, rayonner. Et il y réussit si bien quil se décida, un jour, de se mesurer avec un des caïds les plus en vue, Mustapha Hammiche, en tirant sur la protégée de ce dernier. Son acte lui vaudra deux années de réclusion. A sa libération, il revint tout bonnement à ses premières amours, le jeu de hasard et la bagarre tous azimuts.
Mobilisé en 1952, on lenvoya en caserne, tirbouchonné dans un uniforme de 2e classe, on lui rasa le crâne puis on entreprit de le dresser. Un jour pourtant, il ne put plus tenir et il écopa trois mois de prison pour avoir rossé un sous-officier. Après cette grave atteinte à la discipline des armées, son nom se répandit à travers la ville de Blida et sa célébrité alla se loger dans le quartier réservé de la ville des Roses.
Après 18 mois dencasernement supplémentaires, ses camarades de la salle de boxe le revirent enfin, tout à fait libre. Mais, après quelques entraînements, il fit ses adieux au ring, néprouvant plus quun seul désir, escalader les échelons de la hiérarchie de la pègre et tenter de disputer le sceptre de la notoriété aux caïds de la place. Aux plus grands dentre eux comme les Hammiche, les frères Houya, Hacène le Bônois, Bud-Abott et dautres encore...
A suivre...