Dormeur
zzz...zzz...zzz...
Mis en ligne le 17/08/2009
Afin de mieux saisir la réalité, il est indispensable souvent de la modéliser.
Depuis que l'homme s'interroge, il tente de comprendre son environnement en le modélisant de différentes manières. Dans le domaine de la finance, les théories poursuivent généralement deux buts principaux : déterminer le prix d'un actif (dans le jargon, on parle de "pricing") ou estimer ses caractéristiques de risque ou de performance (ou "risk and performance management").
Pour ce faire, les acteurs financiers mobilisent les théories des sciences humaines et les outils mathématiques les plus pointus pour capter les facteurs explicatifs de la formation des prix ou de leurs fluctuations. Donc, en d'autres mots, pour tenter d'apprivoiser l'incertain. Sans modèle, il est quasiment impossible d'évaluer le prix de certains actifs.
Par exemple, le prix d'une option d'achat de base (appelée "call option") dépend d'un instrument financier, nommé le sous-jacent, de sa maturité et de son prix d'exercice. Le modèle traditionnel pour estimer la valeur de ce type d'actif est le modèle de Black et Scholes (B&S), publié en 1973, pour lequel le professeur Scholes reçut le prix Nobel d'économie en 1997 (le professeur Black étant décédé deux ans plus tôt).
Ce modèle s'appuie sur plusieurs hypothèses simplificatrices : absence de coût de transaction, constance du taux sans risque, constance de la volatilité du sous-jacent... et aussi normalité des rendements du sous-jacent. Autrement dit, ce modèle suppose que les rendements de l'actif sous-jacent suivent une distribution particulièrement simple à traiter, mais généralement très loin de la réalité.
En effet, nous savons que les marchés financiers ne respectent pas cette dernière, car ils présentent des distributions de rendement avec des événements extrêmes (par exemple la crise actuelle) et des asymétries particulières. Cependant, le modèle de B&S est le modèle de référence utilisé par la majorité des intervenants financiers pour évaluer ce type d'actif.
Ainsi, même si ses fondements sont erronés, le modèle de B&S définit le prix des options et s'impose donc aux marchés financiers. En outre, en salle de marchés, les gestionnaires utilisent généralement des paramètres implicites (la volatilité implicite, par exemple) qui représentent le calibrage nécessaire du modèle afin que celui-ci génère comme résultat les prix observés sur le marché.
En d'autres termes, comment doit-on ajuster le modèle afin qu'il fournisse les prix réels ? Non seulement les marchés utilisent un modèle trop simplificateur pour évaluer les prix, mais ils l'utilisent aussi pour évaluer les paramètres de calibrage afin d'obtenir les prix du marché. La machine est lancée !
Nous sommes face à un modèle autoréalisateur qui s'utilise comme étalon de référence, ce qui conduit les valeurs de marché à tendre vers les valeurs fixées par ce même modèle. En cherchant à décrire les causes de leurs observations, plusieurs grands personnages du monde financier ont induit une nouvelle réalité, fréquemment erronée, que tout le monde respecte.
N'imaginez pas que le monde de la finance se distingue tristement une fois de plus. Comment feriez-vous pour évaluer des instruments financiers complexes sans le soutien de quelques modèles ?
© La Libre Belgique 2009
Afin de mieux saisir la réalité, il est indispensable souvent de la modéliser.
Depuis que l'homme s'interroge, il tente de comprendre son environnement en le modélisant de différentes manières. Dans le domaine de la finance, les théories poursuivent généralement deux buts principaux : déterminer le prix d'un actif (dans le jargon, on parle de "pricing") ou estimer ses caractéristiques de risque ou de performance (ou "risk and performance management").
Pour ce faire, les acteurs financiers mobilisent les théories des sciences humaines et les outils mathématiques les plus pointus pour capter les facteurs explicatifs de la formation des prix ou de leurs fluctuations. Donc, en d'autres mots, pour tenter d'apprivoiser l'incertain. Sans modèle, il est quasiment impossible d'évaluer le prix de certains actifs.
Par exemple, le prix d'une option d'achat de base (appelée "call option") dépend d'un instrument financier, nommé le sous-jacent, de sa maturité et de son prix d'exercice. Le modèle traditionnel pour estimer la valeur de ce type d'actif est le modèle de Black et Scholes (B&S), publié en 1973, pour lequel le professeur Scholes reçut le prix Nobel d'économie en 1997 (le professeur Black étant décédé deux ans plus tôt).
Ce modèle s'appuie sur plusieurs hypothèses simplificatrices : absence de coût de transaction, constance du taux sans risque, constance de la volatilité du sous-jacent... et aussi normalité des rendements du sous-jacent. Autrement dit, ce modèle suppose que les rendements de l'actif sous-jacent suivent une distribution particulièrement simple à traiter, mais généralement très loin de la réalité.
En effet, nous savons que les marchés financiers ne respectent pas cette dernière, car ils présentent des distributions de rendement avec des événements extrêmes (par exemple la crise actuelle) et des asymétries particulières. Cependant, le modèle de B&S est le modèle de référence utilisé par la majorité des intervenants financiers pour évaluer ce type d'actif.
Ainsi, même si ses fondements sont erronés, le modèle de B&S définit le prix des options et s'impose donc aux marchés financiers. En outre, en salle de marchés, les gestionnaires utilisent généralement des paramètres implicites (la volatilité implicite, par exemple) qui représentent le calibrage nécessaire du modèle afin que celui-ci génère comme résultat les prix observés sur le marché.
En d'autres termes, comment doit-on ajuster le modèle afin qu'il fournisse les prix réels ? Non seulement les marchés utilisent un modèle trop simplificateur pour évaluer les prix, mais ils l'utilisent aussi pour évaluer les paramètres de calibrage afin d'obtenir les prix du marché. La machine est lancée !
Nous sommes face à un modèle autoréalisateur qui s'utilise comme étalon de référence, ce qui conduit les valeurs de marché à tendre vers les valeurs fixées par ce même modèle. En cherchant à décrire les causes de leurs observations, plusieurs grands personnages du monde financier ont induit une nouvelle réalité, fréquemment erronée, que tout le monde respecte.
N'imaginez pas que le monde de la finance se distingue tristement une fois de plus. Comment feriez-vous pour évaluer des instruments financiers complexes sans le soutien de quelques modèles ?
© La Libre Belgique 2009