L’INTERDICTION DE LA DISCRIMINATION FONDEE SUR LA RELIGION
Les textes internationaux proclament la liberté religieuse et l’égalité de tous devant la loi sans évoquer précisément la discrimination fondée sur la religion (articles 7 et 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme). La plupart des textes internationaux sont faiblement contraignants et/ou ne peuvent fonder une action en justice (comme le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques ou la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction de 1981 des Nations Unies).
Les textes européens et communautaires sont plus contraignants pour les Etats. La victime d’une discrimination religieuse peut utilement alléguer la violation de l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ou de l’article 13 du traité CE qui étend les compétences de l’Union en matière de discrimination fondée sur les croyances religieuses.
Si la discrimination a eu lieu dans le domaine du travail, il est également possible de se référer à la directive 2000/78/CE portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Si la lutte contre la discrimination raciale a fait l’objet de nombreuses initiatives communautaires, la lutte contre la discrimination religieuse est limitée au seul domaine du droit du travail, car le consensus est plus difficile à obtenir sur cette question et parce qu’il semble parfois difficile de distinguer dans la pratique la discrimination fondée sur l’origine et celle sur la religion.
Les dispositions nationales affirment le principe d’égal traitement des citoyens ou de liberté de culte (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, loi de Séparation des Eglises et de l’Etat du 9 décembre 1905…).
Les articles L225-1 et suiv. du code pénal sanctionnent la discrimination notamment fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une religion. L’article L122-45 du code du travail interdit la discrimination à l’embauche, réprime les sanctions prises sur le fondement des convictions religieuses du salarié et plus généralement, interdit tout comportement discriminatoire. Enfin, l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant statut des fonctionnaires leur garantit le droit de ne pas être discriminé pour leurs convictions religieuses.
I. LA DEFINITION DE LA DISCRIMINATION RELIGIEUSE
Les victimes de discriminations agissent la plus part du temps sur le fondement du droit pénal ou droit du travail.
1. Par le droit pénal
La discrimination religieuse est une distinction opérée entre les personnes à raison de leur appartenance ou leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée. Cette discrimination peut être directe (c’est-à-dire fondée sur un critère interdit comme les opinions religieuses) ou indirecte (c’est-à-dire se présentant comme basée sur un critère neutre qui entraîne des effets défavorables à l’égard d’une certaine catégorie de personnes).
Si la discrimination religieuse est retenue pour les distinctions fondées sur l’appartenance vraie ou supposée à une religion, l’article L225-1 du code pénal ne s’applique pas aux différences de traitement fondées sur l’appartenance à des mouvements spirituels qui ne constituent pas de véritables religions (CA Paris, 25 mars 1996, pour "l’église" de Scientologie).
Pour que le délit de discrimination soit constitué, il faut démontrer des agissements interdits et l’intention discriminatoire de leur auteur.
En ce qui concerne la matérialité des faits, le droit pénal ne réprime que la discrimination intervenue dans 5 situations spécifiques :
- refus de fourniture d’un bien ou de service
- entrave à l’exercice normal d’une activité économique
- refus d’embauche, sanction, licenciement
- la subordination de la fourniture d’un bien ou d’un service à un critère discriminatoire
- offre d’emploi, de stage, de formation en entreprise discriminatoire
En ce qui concerne l’élément intentionnel, l’auteur des faits doit avoir agi dans une intention discriminatoire, en ayant conscience de se livrer à des agissements réprimés par la loi. Peu importe qu’il ait de l’animosité personnelle ou non à l’encontre de personnes d’une religion déterminée.
2. Par le code du travail
L’article L122-45 interdit les pratiques discriminatoires dans les relations de travail. L’article L122-35 dispose en outre que le règlement intérieur ne peut comporter de dispositions lésant les salariés dans leur emploi et leur travail en raison de leurs opinions ou confessions. Toute disposition contraire ou toute acte contraire seraient nuls.
L’article L120-2 rappelle que "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".
La liberté religieuse conférée au salarié ne peut donc nuire au fonctionnement normal de l’entreprise. Ainsi, sauf autorisation spéciale, le salarié ne peut prétendre justifier des absences ou des refus de travail par des exigences religieuses (voir ci-dessus).
II. LA PRISE EN COMPTE DE L’APPARTENANCE RELIGIEUSE
1. La conciliation avec le principe de laïcité ou de neutralité
La liberté religieuse doit se concilier avec un autre principe à valeur constitutionnelle, le principe de laïcité de l’Etat.
Les agents publics et les fonctionnaires sont soumis au principe de laïcité et à l’obligation de neutralité, en vertu desquelles ils ne peuvent manifester leur appartenance religieuse pendant les heures de service. Le port par un agent public de tout signe d’appartenance à une religion s’analyse comme un manquement à ses obligations, susceptible de donner lieu à une sanction disciplinaire voire à la radiation (CAA de Lyon, 27 novembre 2003, Mlle Nadjet Ben Abdallah). En revanche, le Conseil d’Etat considère que les croyances religieuses ne sont pas en soi contraires au devoir de neutralité (CE, 28 avril 1938 Dlle Weiss) mais leur manifestation peut l’être (CE, 3 mai 1950, Dame Jamet).
Si les usagers ont en principe le droit d’exprimer leurs convictions religieuses, y compris dans les locaux d’un service public, la jurisprudence a estimé que le principal d’un établissement scolaire qui exclut deux élèves ayant adopté une attitude de propagande religieuse contraire aux principes constitutionnels de laïcité et de neutralité de l’enseignement public ne commettait pas le délit de discrimination religieuse (CA Douai, 3 avril 1991). Aujourd’hui, une telle exclusion serait d’autant plus justifiée que la loi du 15 mars 2004 prohibe le port de signes religieux ostentatoires dans les établissements publics.
2. Les différences de traitement en entreprise
L’employeur ne peut apporter aux libertés individuelles de ses salariés que des restrictions nécessaires et proportionnées à la tâche à accomplir. La liberté religieuse des salariés est donc garantie. Cependant, lorsque cette liberté se heurte à des dispositions législatives ou réglementaires impératives, il ne doit pas en être tenu compte. Ainsi, en raison du caractère impératif des dispositions en matière de médecine du travail, le refus d’un salarié de passer la visite médicale du fait de ses convictions religieuses constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cassation, sociale, 29 mai 1986).
De même, ne commet aucune faute l’employeur qui demande au salarié d’exécuter la tâche pour laquelle il a été embauché dès l’instant que celle-ci n’est pas contraire à une disposition d’ordre public. En l’espèce, un salarié affecté au rayon boucherie d’un magasin d’alimentation a refusé, après deux ans d’activité, de poursuivre son travail qui impliquait d’entrer contact avec de la viande de porc (Cassation, Chambre sociale, 24 mars 1998).
L’appartenance d’un employé à une religion ne doit pas nuire à la bonne marche de l’entreprise, mais également à la liberté de conscience de ses collègues. Ces derniers peuvent exiger d’être protégés des pressions religieuses. L’employeur est tout à fait justifié à licencier un salarié profitant de ses fonctions de formateur pour faire du prosélytisme (CA Paris, 28 septembre 1993).
3. Les emplois dans les organisations impliquant une communion de foi
Dans les entreprises dites "de tendance", on conçoit bien que les salariés puissent subir des restrictions plus grandes à leurs libertés individuelles. Si l’employeur ne peut exiger de son salarié qu’il adhère en son for intérieur à l’objet social de l’institution (aux thèses défendues), une obligation de réserve, même dans la vie personnelle, semble justifiée. Le contrat de travail peut en outre prévoir des clauses imposant un comportement extérieur conforme aux thèses défendues par l’institution.
Ainsi, la Cour de Cassation a affirmé que l’article L. 122-45 du Code du travail n’est pas applicable lorsque le salarié, engagé pour accomplir une tâche impliquant qu’il soit en communion de pensée et de foi avec son employeur, méconnaît les obligations résultant de son engagement (Cass. soc., 20 novembre 1986).
Toutefois, les discriminations à l’embauche doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et être proportionnelles au but poursuivi. C’est pourquoi, la jurisprudence considère que la nécessité d’une communion de pensée religieuse ou politique ne saurait autoriser les élus à ne recruter que des affidés (Tribunal correctionnel de Toulon, 5 mai 1998).
Les textes internationaux proclament la liberté religieuse et l’égalité de tous devant la loi sans évoquer précisément la discrimination fondée sur la religion (articles 7 et 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme). La plupart des textes internationaux sont faiblement contraignants et/ou ne peuvent fonder une action en justice (comme le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques ou la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction de 1981 des Nations Unies).
Les textes européens et communautaires sont plus contraignants pour les Etats. La victime d’une discrimination religieuse peut utilement alléguer la violation de l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ou de l’article 13 du traité CE qui étend les compétences de l’Union en matière de discrimination fondée sur les croyances religieuses.
Si la discrimination a eu lieu dans le domaine du travail, il est également possible de se référer à la directive 2000/78/CE portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Si la lutte contre la discrimination raciale a fait l’objet de nombreuses initiatives communautaires, la lutte contre la discrimination religieuse est limitée au seul domaine du droit du travail, car le consensus est plus difficile à obtenir sur cette question et parce qu’il semble parfois difficile de distinguer dans la pratique la discrimination fondée sur l’origine et celle sur la religion.
Les dispositions nationales affirment le principe d’égal traitement des citoyens ou de liberté de culte (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, loi de Séparation des Eglises et de l’Etat du 9 décembre 1905…).
Les articles L225-1 et suiv. du code pénal sanctionnent la discrimination notamment fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une religion. L’article L122-45 du code du travail interdit la discrimination à l’embauche, réprime les sanctions prises sur le fondement des convictions religieuses du salarié et plus généralement, interdit tout comportement discriminatoire. Enfin, l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant statut des fonctionnaires leur garantit le droit de ne pas être discriminé pour leurs convictions religieuses.
I. LA DEFINITION DE LA DISCRIMINATION RELIGIEUSE
Les victimes de discriminations agissent la plus part du temps sur le fondement du droit pénal ou droit du travail.
1. Par le droit pénal
La discrimination religieuse est une distinction opérée entre les personnes à raison de leur appartenance ou leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée. Cette discrimination peut être directe (c’est-à-dire fondée sur un critère interdit comme les opinions religieuses) ou indirecte (c’est-à-dire se présentant comme basée sur un critère neutre qui entraîne des effets défavorables à l’égard d’une certaine catégorie de personnes).
Si la discrimination religieuse est retenue pour les distinctions fondées sur l’appartenance vraie ou supposée à une religion, l’article L225-1 du code pénal ne s’applique pas aux différences de traitement fondées sur l’appartenance à des mouvements spirituels qui ne constituent pas de véritables religions (CA Paris, 25 mars 1996, pour "l’église" de Scientologie).
Pour que le délit de discrimination soit constitué, il faut démontrer des agissements interdits et l’intention discriminatoire de leur auteur.
En ce qui concerne la matérialité des faits, le droit pénal ne réprime que la discrimination intervenue dans 5 situations spécifiques :
- refus de fourniture d’un bien ou de service
- entrave à l’exercice normal d’une activité économique
- refus d’embauche, sanction, licenciement
- la subordination de la fourniture d’un bien ou d’un service à un critère discriminatoire
- offre d’emploi, de stage, de formation en entreprise discriminatoire
En ce qui concerne l’élément intentionnel, l’auteur des faits doit avoir agi dans une intention discriminatoire, en ayant conscience de se livrer à des agissements réprimés par la loi. Peu importe qu’il ait de l’animosité personnelle ou non à l’encontre de personnes d’une religion déterminée.
2. Par le code du travail
L’article L122-45 interdit les pratiques discriminatoires dans les relations de travail. L’article L122-35 dispose en outre que le règlement intérieur ne peut comporter de dispositions lésant les salariés dans leur emploi et leur travail en raison de leurs opinions ou confessions. Toute disposition contraire ou toute acte contraire seraient nuls.
L’article L120-2 rappelle que "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".
La liberté religieuse conférée au salarié ne peut donc nuire au fonctionnement normal de l’entreprise. Ainsi, sauf autorisation spéciale, le salarié ne peut prétendre justifier des absences ou des refus de travail par des exigences religieuses (voir ci-dessus).
II. LA PRISE EN COMPTE DE L’APPARTENANCE RELIGIEUSE
1. La conciliation avec le principe de laïcité ou de neutralité
La liberté religieuse doit se concilier avec un autre principe à valeur constitutionnelle, le principe de laïcité de l’Etat.
Les agents publics et les fonctionnaires sont soumis au principe de laïcité et à l’obligation de neutralité, en vertu desquelles ils ne peuvent manifester leur appartenance religieuse pendant les heures de service. Le port par un agent public de tout signe d’appartenance à une religion s’analyse comme un manquement à ses obligations, susceptible de donner lieu à une sanction disciplinaire voire à la radiation (CAA de Lyon, 27 novembre 2003, Mlle Nadjet Ben Abdallah). En revanche, le Conseil d’Etat considère que les croyances religieuses ne sont pas en soi contraires au devoir de neutralité (CE, 28 avril 1938 Dlle Weiss) mais leur manifestation peut l’être (CE, 3 mai 1950, Dame Jamet).
Si les usagers ont en principe le droit d’exprimer leurs convictions religieuses, y compris dans les locaux d’un service public, la jurisprudence a estimé que le principal d’un établissement scolaire qui exclut deux élèves ayant adopté une attitude de propagande religieuse contraire aux principes constitutionnels de laïcité et de neutralité de l’enseignement public ne commettait pas le délit de discrimination religieuse (CA Douai, 3 avril 1991). Aujourd’hui, une telle exclusion serait d’autant plus justifiée que la loi du 15 mars 2004 prohibe le port de signes religieux ostentatoires dans les établissements publics.
2. Les différences de traitement en entreprise
L’employeur ne peut apporter aux libertés individuelles de ses salariés que des restrictions nécessaires et proportionnées à la tâche à accomplir. La liberté religieuse des salariés est donc garantie. Cependant, lorsque cette liberté se heurte à des dispositions législatives ou réglementaires impératives, il ne doit pas en être tenu compte. Ainsi, en raison du caractère impératif des dispositions en matière de médecine du travail, le refus d’un salarié de passer la visite médicale du fait de ses convictions religieuses constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cassation, sociale, 29 mai 1986).
De même, ne commet aucune faute l’employeur qui demande au salarié d’exécuter la tâche pour laquelle il a été embauché dès l’instant que celle-ci n’est pas contraire à une disposition d’ordre public. En l’espèce, un salarié affecté au rayon boucherie d’un magasin d’alimentation a refusé, après deux ans d’activité, de poursuivre son travail qui impliquait d’entrer contact avec de la viande de porc (Cassation, Chambre sociale, 24 mars 1998).
L’appartenance d’un employé à une religion ne doit pas nuire à la bonne marche de l’entreprise, mais également à la liberté de conscience de ses collègues. Ces derniers peuvent exiger d’être protégés des pressions religieuses. L’employeur est tout à fait justifié à licencier un salarié profitant de ses fonctions de formateur pour faire du prosélytisme (CA Paris, 28 septembre 1993).
3. Les emplois dans les organisations impliquant une communion de foi
Dans les entreprises dites "de tendance", on conçoit bien que les salariés puissent subir des restrictions plus grandes à leurs libertés individuelles. Si l’employeur ne peut exiger de son salarié qu’il adhère en son for intérieur à l’objet social de l’institution (aux thèses défendues), une obligation de réserve, même dans la vie personnelle, semble justifiée. Le contrat de travail peut en outre prévoir des clauses imposant un comportement extérieur conforme aux thèses défendues par l’institution.
Ainsi, la Cour de Cassation a affirmé que l’article L. 122-45 du Code du travail n’est pas applicable lorsque le salarié, engagé pour accomplir une tâche impliquant qu’il soit en communion de pensée et de foi avec son employeur, méconnaît les obligations résultant de son engagement (Cass. soc., 20 novembre 1986).
Toutefois, les discriminations à l’embauche doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et être proportionnelles au but poursuivi. C’est pourquoi, la jurisprudence considère que la nécessité d’une communion de pensée religieuse ou politique ne saurait autoriser les élus à ne recruter que des affidés (Tribunal correctionnel de Toulon, 5 mai 1998).