Que va apprendre la guerre aux enfants de Gaza et d’Israël ?

petitbijou

Casablanca d'antan
VIB
jeudi 29 janvier 2009 - 06h:20

Yigal Bronner - Neve Gordon
Counterpunch

Comme si l’incursion sanglante ne suffisait pas, les forces de sécurité israéliennes ont paru passionnées à propager les flammes de la haine au sein de la population arabe en Israël.

Nourrir le cycle de la haine

Les matchs de football israéliens avaient été suspendus durant l’assaut contre Gaza. Quand le sport a repris la semaine dernière, les supporters sont arrivés avec un nouveau chant : « Pourquoi les écoles à Gaza ont-elles été fermées ? » chantait la foule. Et la réponse : « Parce que tous les enfants avaient été abattus ! »

Outre sa pure barbarie, ce chant reflète la conviction répandue chez les juifs israéliens qu’Israël a remporté une victoire impressionnante à Gaza, une victoire évaluée, pas moins, au nombre de morts.

Les pilotes et les commandants de chars israéliens ne pouvaient pas vraiment faire la distinction entre les adultes et les enfants qui se cachaient dans leurs maisons ou se pressaient dans les refuges de l’UNRWA. Par conséquent, il n’est pas du tout surprenant que cette attaque redoutable ait tué 1 314 Palestiniens, dont 412 - soit près d’un tiers de l’ensemble des victimes - étaient des enfants.

Cette dernière attaque souligne qu’Israël, à l’instar du Hamas, a facilement recours à la violence et ne fait aucune distinction entre civils et combattants (sauf que les armes qu’Israël a à sa disposition sont beaucoup plus meurtrières). Peu importe combien de fois le gouvernement israélien a essayé d’imputer au Hamas la responsabilité des civils palestiniens tués, simplement, il n’est pas en mesure de trouver une explication au décompte des morts, spécialement à celui des enfants. En plus des enfants morts, 1 855 enfants palestiniens ont été blessés, et des dizaines de milliers d’autres ont probablement été traumatisés, et beaucoup d’entre eux pour la vie.

Chaque enfant a une histoire. Un ami bédouin a appelé il y a peu pour nous parler des siens à Gaza. Un cousin avait permis à sa fille de 5 ans d’aller dans la maison d’en face pour voir si les voisins avaient encore quelque chose à manger. Sa fille pleurait parce qu’elle avait faim. Au moment où elle commençait à traverser la rue, un missile a explosé à proximité et les éclats qui volaient l’ont tuée. La mère est depuis clouée au lit, pleurant et gémissant. « J’ai laissé ma fille mourir de faim ».

Comme si l’incursion sanglante ne suffisait pas, les forces de sécurité israéliennes ont paru passionnées à propager les flammes de la haine au sein de la population arabe en Israël. Des centaines de citoyens palestiniens d’Israël ont été arrêtés pour avoir manifesté contre l’agression israélienne et plus de 200 d’entre eux sont toujours en garde à vue. Un cas suffit pour illustrer l’effet psychologique que ces arrestations sont susceptibles d’avoir sur des centaines d’autres enfants.

Quelques jours après le cessez-le-feu, plusieurs hommes portant des cagoules de ski noires ont investi la maison de Muhammad Abu Humus. Ils venaient l’arrêter parce qu’il avait manifesté contre les assassinats à Gaza. Il était 4 h du matin et toute la famille dormait quand les hommes se sont mis à cogner contre la porte. Après s’être introduits dans la maison, ils ont mis Wafa, l’épouse d’Abu Humus, et leur quatre enfants, Erfat (12 ans), Shahd (9 ans), Anas (6 ans) et Majd (3 ans) dans un coin pendant qu’ils fouillaient la maison, balançant tous les vêtements, les draps, les jouets, et les ustensiles de cuisines sur le parquet. Des larmes plein les yeux, les enfants ont vu les hommes armés emmener leur père et quitter la maison.

Le hasard veut qu’Abu Humus, militant de longue date pour la paix et membre du Fatah, soit l’un de nos amis personnels. En 2001, il a rejoint Ta’ayush, organisation de partenariat arabes/juifs, et depuis lors, il a organisé de façon désintéressée nombre de rassemblements pour la paix et autres activités collectives. Ces huit dernières années, nous avons passé de nombreuses heures les uns chez les autres et nos enfants ont grandi en se respectant et en s’aimant. Pas facile de croire qu’il y a à peine un mois, il assistait à la Bar Mitzvah du fils d’Ygal dans une synagogue de Jérusalem.

Muhammad et Wafa Abu Humus ont essayé au fil des années d’inculquer à leurs enfants l’amour et le désir de la paix, et bien qu’il soit possible que les forces de sécurité n’aient pas détruit cela, on ne peut pas sous-estimer la haine qu’elles ont pu générer en une nuit. En effet, peut-on se demander, que vont penser ses enfants de leurs voisins juifs ? Quels sentiments vont-ils nourrir ? Et que pouvons-nous attendre de ces enfants de Gaza qui ont été les témoins de l’assassinat de leurs parents, de leurs frères et sœurs, de leurs amis et de leurs voisins ?

Nous insistons à propos des enfants palestiniens car il y en a tant d’entre eux qui ont été tués et terrorisés le mois dernier. Pourtant, il est certain que les enfants israéliens ont souffert aussi, particulièrement ceux qui ont passé de longs moments dans les abris de peur d’être touchés par des roquettes.

L’unique message transmis aux enfants, des deux côtés de cette bataille, est que le monstre sanguinaire, c’est l’autre côté. En Israël, cela s’est traduit instantanément par des gains pour le parti Yisrael Beytenu, un parti qui incite à la haine, dirigé par le xénophobe Avigdor Lieberman aujourd’hui le favori dans les simulations de sondages qui se font dans de nombreux lycées juifs, avec le belliciste Binyamin Netanyah en seconde position.

La haine, autrement dit, sort grand vainqueur de cette guerre. Elle a contribué à mobiliser les cliques de racistes, et comme les chants au football le clament, elle ne laisse absolument aucune place à l’autre, sapant même l’empathie élémentaire pour des enfants innocents. Les maîtres de la guerre en Israël doivent être heureux : les graines des prochaines guerres ont assurément été semées.
 
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