Goldman Sachs : la banque qui dirige le monde
Son nom n'a longtemps été prononcé que dans l'univers compassé de la haute finance, avec un mélange de crainte et d'admiration. Et puis la crise est arrivée, jetant une lumière crue sur les pratiques de Wall Street et de son plus beau fleuron, Goldman Sachs.
De New York à Athènes, de Londres à Strasbourg, le documentaire Goldman Sachs : la banque qui dirige le monde raconte comment l'établissement américain n'a cessé de flirter avec la ligne jaune - quitte à la franchir parfois - dans un seul but : gagner toujours plus d'argent. Au point de devenir le symbole d'une finance devenue folle.
A partir de témoignages d'ex-salariés, politiques, régulateurs ou économistes, les journalistes Jérôme Fritel et Marc Roche, correspondant du Monde à Londres et auteur d'un livre à succès sur Goldman Sachs, relatent les dérives de cette puissance de l'argent. En trompant ses propres clients d'abord, comme quand la banque pariait sur un effondrement des crédits immobiliers américains, les subprimes, tout en refilant des produits qu'elle savait toxiques à d'autres ; en continuant à spéculer sur les matières premières le 11 septembre 2001, "parce qu'il y a de l'argent à se faire, quoi qu'il arrive" ; en aidant la Grèce à cacher une partie de sa dette abyssale avant l'explosion du pays en 2009.
SENTIMENT D'IMPUNITÉ ET D'INFAILLIBILITÉ
Surtout, les témoignages et les images d'archives laissent poindre un insubmersible sentiment d'impunité et d'infaillibilité. Le patron de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, n'a-t-il pas expliqué un jour "faire le travail de Dieu" ? Une morgue qui doit beaucoup, selon les auteurs, au "réseau d'influence unique au monde" dont bénéficie la banque. Henry Paulson, secrétaire américain au Trésor sous George W. Bush, Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE)... : autant d'anciens de Goldman Sachs, parmi tant d'autres, passés de la banque américaine à des responsabilités publiques, ou inversement. De quoi créer potentiellement des conflits d'intérêts explosifs... sans que cela n'émeuve les principaux intéressés.
Lors d'une audition au Congrès américain, Henry Paulson ne semble ainsi pas comprendre les griefs qui lui sont adressés, lui qui a laissé sombrer Lehman Brothers, un des principaux concurrents de Goldman Sachs, mais qui a sauvé l'assureur AIG, dont la faillite aurait été destructrice pour la banque qu'il dirigeait, avant de rejoindre l'équipe Bush.
A la vision du documentaire, d'aucuns pourraient juger l'enquête trop à charge contre Goldman Sachs, presque un bouc émissaire idéal dans cette haute finance si souvent vérolée. Mais être les premiers vous expose beaucoup plus. Et la banque et ses responsables, en refusant de parler aux auteurs, n'ont rien fait pour contrecarrer ce biais.
Jérôme Fritel et Marc Roche
(France, 2012, 75 minutes).