Rabat inquiete de l’islam belge

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Rabat inquiet de l’islam belge
Christophe Lamfalussy

Mis en ligne le 28/06/2010

Le Maroc, qui cherche à se préserver des courants extrémistes de l’islam, a envoyé la semaine dernière en Belgique une délégation de femmes prédicatrices pour convaincre les autorités belges que l’islam marocain a fait une véritable révolution ces dernières années et est une alternative à l’islam extrémiste qui s’est développé ces dernières années à Bruxelles.

Depuis 2005, les femmes marocaines peuvent, en effet, suivre une formation d’un an qui en fait des prédicatrices, "des mourchidates " qui, à l’exception de la conduite des prières à la mosquée, ont les mêmes fonctions que les imams masculins. L’initiative fut prise par le roi du Maroc Mohamed VI après les attentats islamistes de Casablanca, qui firent 45 morts en 2003.

" Notre action vise non pas à combattre le radicalisme mais à préserver l’identité de l’islam marocain ", nous a dit l’une de ces mourchidates, venues de la région de Rabat, Khadija Aktami.

Les prédicatrices sont une cinquantaine à sortir de promotion chaque année, ce qui représente un quart des novices. Chaque conseil d’ouléma comprend désormais une femme.

Ces mourchidates entrent dans un monde masculin - 50 000 mosquées, 82 000 cadres religieux - mais Rabat espère que le mouvement de féminisation est irréversible.

" La femme fait la moitié de la société , poursuit la mourchidate, quand on l’interroge sur l’islam féminin. Sa nature est de donner la miséricorde, la clémence. Elle est la mère, l’épouse. Elle est plus patiente ." L’islam marocain est réputé pour sa modération, mais aussi fortement encadré. Il s’appuie sur quatre principes : le rite malékite (qui donne la préférence à la proximité), l’interdiction de l’excommunication, la spiritualité soufie et le rôle du Roi qui est considéré comme "le Commandeur des croyants ".


Rabat suit avec beaucoup d’attention l’évolution de l’islam en Belgique, où vivent au moins 400 000 Belgo-Marocains. Car ceux-ci gardent la nationalité marocaine même s’ils sont devenus Belges et reviennent au pays durant les vacances. Certains importent un islam wahhabite ou chiite qui n’a rien à voir avec l’islam marocain.

" Nous estimons que 23 000 Marocains ont été convertis au chiisme en Belgique , affirme un diplomate qui demande à ne pas être identifié. Nous sommes effarés de ce que nous voyons à Bruxelles." Rabat voit dans le chiisme une menace directe à l’autorité du Roi et a rompu l’an dernier ses relations diplomatiques avec l’Iran dans l’espoir de contenir l’essor du chiisme.

" Nous ne sommes pas dans une politique de prosélytisme ", assure diplomatiquement Hakim El Ghissassi, du ministère des Habous et des Affaires islamiques, lequel accompagnait la délégation des mourchidates qui a fait le tour des partis francophones.

Il n’empêche, le message passe en douceur auprès des politiques belges : le Maroc aimerait bien que l’islam soit mieux contrôlé en Belgique. Et le royaume chérifien regarde avec intérêt la Turquie dont le Diyanet, un département dépendant directement du Premier ministre à Ankara, gère de nombreuses mosquées en Belgique.


Dans les années 90, la Belgique fut l’un des premiers pays européens à instaurer "un Exécutif des Musulmans" pour bannir ce qu’on appelait l’islam des ambassades. Le problème est que cet Exécutif a été miné par les querelles internes et a même subi une descente de police. Plusieurs ministres ont essayé de donner une nouvelle impulsion, sans succès jusqu’ici. Le président actuel de l’Exécutif est un imam turc de Quaregnon, Semsettin Ugurlu.

" L’Exécutif des Musulmans de Belgique est censé avoir fait la césure avec l’islam des ambassades , dit le député MR Denis Ducarme, auteur de la loi antiburqa. Pour moi, cela a été un échec. Il n’a pas permis d’autogestion. On est encore loin du compte dans la reconnaissance des mosquées. Sur une centaine de mosquées turques, plus de la moitié appartiennent au Diyanet ."

Denis Ducarme prône de nouvelles élections à l’Exécutif et un recensement des imams. " Quinze pour cent des imams , dit-il, on ne sait pas d’où ils viennent ." Ce sont ces imams ambulants, passant d’un pays européen à un autre, qui avaient inquiété la Sûreté de l’Etat après les attentats de 2001. Le problème est toujours bien présent.
 
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