Aujourdhui, « lesclavage na jamais été aboli officiellement. Le protectorat français, au début du 20e siècle, en a simplement interdit la pratique. Mais linitiative nest jamais venue de la société marocaine elle-même », rapporte lhistorien qui nous renvoie à louvrage de Mohammed Ennaji, Soldats, esclaves et concubines qui, selon lui, illustre parfaitement cette période.
Pour Nadia, une Marocaine âgée de cinquante ans, il ne sagit pas simplement dun problème racial. « Cest plus profond que ça. Cest un sentiment qui sest perpétué de génération en génération. Il est extrêmement rare, par exemple, quune Marocaine épouse un Noir, même musulman. Cela ne se fait pas. Le seul cas qui soit, à la rigueur, toléré, est lorsque lhomme na pas les traits trop négroïdes. On craint le fameux quen dira-t-on de la famille et/ou de lentourage. La femme en question entendra souvent sa mère ou une proche lui dire quil y a suffisamment de bons Marocains pour ne pas aller chercher un Noir ».
Selon les dires de Nadia, ce sentiment serait monnaie courante au Maroc, et partout ailleurs au Maghreb. « Même pour un homme, qui en générale est plus libre puisque cest lui qui transmet son nom et sa religion à ses enfants, épouser une femme de couleur,nest pas accepté par son entourage. Et cest encore plus difficile quand il ne sagit pas dun ou dune non musulman. Les mariages mixtes sont déjà très rares dans notre culture, alors avec des Noirs non marocains, non musulmans, ça nest jamais accepté. Que ce soit pour ma génération, la génération de mon père ou celle de mes enfants. »
« Le racisme le plus violent sexprime à légard des étudiants noirs. A la cité Internationale Universitaire de Rabat, cest assez visible. Les étudiants qui viennent de part et dautre du continent africain pour suivre leurs études, sont regroupés entre eux, voir isolés. Ils ne partagent pas les mêmes locaux que les étudiants blancs marocains. Cest très communautaire », rapporte Hervé Baldagai, Secrétaire Général de la CESAM (Confédération des élèves, étudiants et stagiaires africains étrangers au Maroc).
« Les conditions pour les Noirs sont très difficiles, les insultes sont régulières. On nous traite en arabe de sales nègres, on nous ordonne de quitter le pays, on nous traite de porteurs du Sida, on nous lance des pierres. Cest invivable. Nous rencontrons des difficultés dans les administrations, comme pour lobtention de la carte étudiante ou encore pour la Bourse.
« Au Maroc, nous ne pouvons pas trop en parler. Récemment, la chaîne 2M a organisé un débat sur le sujet. Le problème, cest quà la diffusion, certains passages avaient été censurés, notamment les passages où il y a eu des plaintes. Nous parlons entre nous des agressions dans les rues mais cest tout. De toute manière, que voulez-vous quil se passe ? En général, à la fin de leurs études, les étudiants noirs retournent dans leur pays dorigine. Sauf ceux qui viennent de pays en guerre comme la Sierra Leone, le Togo, la Côte dIvoire, qui sont contraints de rester au Maroc.
« En général, nous ne nous expliquons pas lattitude de certains Marocains. Je trouve pour ma part que certains facteurs doivent être pris en considération. Le premier est religieux. Les Noirs musulmans sont moins persécutés que les Noirs chrétiens ou animistes. Le deuxième facteur est dû à une méconnaissance culturelle. Les média marocains montrent toujours des aspects négatifs de lAfrique subsaharienne (le Sida, les guerres...), et les Marocains finissent par avoir peur de nous et donc nous rejettent. Troisième mise en cause : léducation. Il est courant aussi dentendre des enfants ou des adultes traiter ces personnes de « hartani » (homme de second rang) ou de aazi (nègre). Les jeunes enfants nous insultent devant leurs parents sans que ces derniers ne les corrigent ou ne les grondent. Enfin, il existe, à mon avis, une dernière raison. Elle est politique. Depuis 1984, le Maroc ne fait plus parti de lUnion africaine. Ce retrait sexplique du fait que certains pays africains, comme le Cameroun ou lAfrique du Sud, ont remis en cause la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidentale », souligne le Secrétaire Général de la CESAM.
Etudiant Congolais à lESM de Rabat (Ecole Supérieur de Management), Parfait MBenzé Mouanou suit actuellement un Master en management logistique et ingénierie des transports. Cela fait déjà un an et demi quil étudie au Maroc. Aujourdhui, il témoigne. « Les Congolais nont pas besoin de visa pour aller au Maroc. Seul le passeport nous est demandé. Par contre, nous devons donner près de 500 euros de dessous de table à laéroport sous peine de se faire expulser du territoire. A part ça, mon intégration se passe bien. Mais je dois avouer que jai voulu repartir dès mon premier jour ici. Cela ne se passait pas vraiment comme je lespérais. Au Maroc, on accepte mal la différence culturelle et religieuse. Un Noir non musulman est regardé différemment dun Noir musulman par exemple. Pareil pour un Noir marocain et un Noir étranger. Jai vécu en France 15 ans, je suis également allé en Côte dIvoire, au Togo et dans beaucoup dautres pays. Et je peux dire que lintégration nest pas la même ici (...) Nous ne sommes pas si nombreux que ça au Maroc, mais les Marocains nous en veulent, car il y a déjà pas mal de chômage dans le pays et ils nacceptent pas que nous puissions prendre leurs emplois. A la fin de mes études, je retournerai au Congo. Je ne me vois pas faire carrière ici. Vous savez, il fut un temps où les étudiants dAfrique noire allaient suivre leurs études en Côte dIvoire ou au Togo. Ce sont des pays plus proches de nous culturellement. Mais avec les troubles dans ces deux pays, nous venons désormais au Maroc et cest bien différent. Je tiens toutefois à souligner quil ne faut pas généraliser. Le Maroc reste un beau pays, très ouvert sur certains points. Des personnes nous ont très bien reçus, très bien accueillis. Cest vraiment ces personnes-là qui font la fierté du pays », souligne le jeune étudiant. A coté de lui, un jeune Béninois, qui a souhaité garder lanonymat, nous confie, quant à lui, que les insultes font partie de son lot quotidien.
Aujourdhui les langues se délient. Le sujet reste cependant très tabou au Maroc, pays qui fait de lhospitalité un atout culturel. Depuis la parution de larticle de Maria Daif, dans le journal marocain Telquel, il y a une légère prise de conscience. Amel Abou El Aazm, est une des fondatrices de la jeune association Lawnouna (« Nos couleurs »), créée en 2004 et située à Rabat. Le but de cette association est de faire le pont entre les Marocains et les Noirs ou les personnes venant dhorizons diverses. Selon elle, « la discrimination dont sont victimes les Subsahariens et les Noirs est un fait. Cest assez dur pour eux. Personne ne peut nier quil existe du racisme au Maroc, ceux qui le nient font preuve de mauvaise fois. Mais il faut tout de même admettre quil existe dans notre pays des Subsahariens qui vivent très bien. Ils ont compris quil fallait avoir une certaine attitude à adopter pour sintégrer, notamment se mêler à la population. Il y a un premier pas à faire, pour sadapter et découvrir la culture de lautre et la société dans laquelle on vit. Il sagit peut être dun petit nombre, mais ça prouve quil y a un moyen pour que cela se développe. Et cest le but de notre association. Elle peut aider les personnes noires à franchir les barrières quelles peuvent rencontrer. Sil faut, par exemple, 4 à 5 ans à un étudiant pour sintégrer au Maroc, Lawnouna, veut, au travers diverses activités, accélérer cette intégration ».
« Le racisme est plus visible dans la rue. Je ne pense pas quil y ait un seul Noirs au Maroc, qui puissent sortir sans quon lui rappelle justement quil est Noir. Les clichés et les préjugés ont été nombreux sur le peuple noir. Il fut un temps où certains les prenaient pour des cannibales, des mangeurs dhommes. Il y a aussi le fait quil soit des descendants desclaves. Mais vous savez, jai moi-même passé quelque temps au Congo, jai aussi déjà séjourné au Mali. Jai dû là-bas dépasser les clichés et les préjugés qui métaient attribués. En tant que Franco-marocaine, au Mali comme au Congo, je passais inévitablement par lexpérience du blanc en Afrique. Ce sont des sentiments ancrés dans les moeurs, comme au Maroc, ajoute la jeune femme.
Pour Nadia, une Marocaine âgée de cinquante ans, il ne sagit pas simplement dun problème racial. « Cest plus profond que ça. Cest un sentiment qui sest perpétué de génération en génération. Il est extrêmement rare, par exemple, quune Marocaine épouse un Noir, même musulman. Cela ne se fait pas. Le seul cas qui soit, à la rigueur, toléré, est lorsque lhomme na pas les traits trop négroïdes. On craint le fameux quen dira-t-on de la famille et/ou de lentourage. La femme en question entendra souvent sa mère ou une proche lui dire quil y a suffisamment de bons Marocains pour ne pas aller chercher un Noir ».
Selon les dires de Nadia, ce sentiment serait monnaie courante au Maroc, et partout ailleurs au Maghreb. « Même pour un homme, qui en générale est plus libre puisque cest lui qui transmet son nom et sa religion à ses enfants, épouser une femme de couleur,nest pas accepté par son entourage. Et cest encore plus difficile quand il ne sagit pas dun ou dune non musulman. Les mariages mixtes sont déjà très rares dans notre culture, alors avec des Noirs non marocains, non musulmans, ça nest jamais accepté. Que ce soit pour ma génération, la génération de mon père ou celle de mes enfants. »
« Le racisme le plus violent sexprime à légard des étudiants noirs. A la cité Internationale Universitaire de Rabat, cest assez visible. Les étudiants qui viennent de part et dautre du continent africain pour suivre leurs études, sont regroupés entre eux, voir isolés. Ils ne partagent pas les mêmes locaux que les étudiants blancs marocains. Cest très communautaire », rapporte Hervé Baldagai, Secrétaire Général de la CESAM (Confédération des élèves, étudiants et stagiaires africains étrangers au Maroc).
« Les conditions pour les Noirs sont très difficiles, les insultes sont régulières. On nous traite en arabe de sales nègres, on nous ordonne de quitter le pays, on nous traite de porteurs du Sida, on nous lance des pierres. Cest invivable. Nous rencontrons des difficultés dans les administrations, comme pour lobtention de la carte étudiante ou encore pour la Bourse.
« Au Maroc, nous ne pouvons pas trop en parler. Récemment, la chaîne 2M a organisé un débat sur le sujet. Le problème, cest quà la diffusion, certains passages avaient été censurés, notamment les passages où il y a eu des plaintes. Nous parlons entre nous des agressions dans les rues mais cest tout. De toute manière, que voulez-vous quil se passe ? En général, à la fin de leurs études, les étudiants noirs retournent dans leur pays dorigine. Sauf ceux qui viennent de pays en guerre comme la Sierra Leone, le Togo, la Côte dIvoire, qui sont contraints de rester au Maroc.
« En général, nous ne nous expliquons pas lattitude de certains Marocains. Je trouve pour ma part que certains facteurs doivent être pris en considération. Le premier est religieux. Les Noirs musulmans sont moins persécutés que les Noirs chrétiens ou animistes. Le deuxième facteur est dû à une méconnaissance culturelle. Les média marocains montrent toujours des aspects négatifs de lAfrique subsaharienne (le Sida, les guerres...), et les Marocains finissent par avoir peur de nous et donc nous rejettent. Troisième mise en cause : léducation. Il est courant aussi dentendre des enfants ou des adultes traiter ces personnes de « hartani » (homme de second rang) ou de aazi (nègre). Les jeunes enfants nous insultent devant leurs parents sans que ces derniers ne les corrigent ou ne les grondent. Enfin, il existe, à mon avis, une dernière raison. Elle est politique. Depuis 1984, le Maroc ne fait plus parti de lUnion africaine. Ce retrait sexplique du fait que certains pays africains, comme le Cameroun ou lAfrique du Sud, ont remis en cause la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidentale », souligne le Secrétaire Général de la CESAM.
Etudiant Congolais à lESM de Rabat (Ecole Supérieur de Management), Parfait MBenzé Mouanou suit actuellement un Master en management logistique et ingénierie des transports. Cela fait déjà un an et demi quil étudie au Maroc. Aujourdhui, il témoigne. « Les Congolais nont pas besoin de visa pour aller au Maroc. Seul le passeport nous est demandé. Par contre, nous devons donner près de 500 euros de dessous de table à laéroport sous peine de se faire expulser du territoire. A part ça, mon intégration se passe bien. Mais je dois avouer que jai voulu repartir dès mon premier jour ici. Cela ne se passait pas vraiment comme je lespérais. Au Maroc, on accepte mal la différence culturelle et religieuse. Un Noir non musulman est regardé différemment dun Noir musulman par exemple. Pareil pour un Noir marocain et un Noir étranger. Jai vécu en France 15 ans, je suis également allé en Côte dIvoire, au Togo et dans beaucoup dautres pays. Et je peux dire que lintégration nest pas la même ici (...) Nous ne sommes pas si nombreux que ça au Maroc, mais les Marocains nous en veulent, car il y a déjà pas mal de chômage dans le pays et ils nacceptent pas que nous puissions prendre leurs emplois. A la fin de mes études, je retournerai au Congo. Je ne me vois pas faire carrière ici. Vous savez, il fut un temps où les étudiants dAfrique noire allaient suivre leurs études en Côte dIvoire ou au Togo. Ce sont des pays plus proches de nous culturellement. Mais avec les troubles dans ces deux pays, nous venons désormais au Maroc et cest bien différent. Je tiens toutefois à souligner quil ne faut pas généraliser. Le Maroc reste un beau pays, très ouvert sur certains points. Des personnes nous ont très bien reçus, très bien accueillis. Cest vraiment ces personnes-là qui font la fierté du pays », souligne le jeune étudiant. A coté de lui, un jeune Béninois, qui a souhaité garder lanonymat, nous confie, quant à lui, que les insultes font partie de son lot quotidien.
Aujourdhui les langues se délient. Le sujet reste cependant très tabou au Maroc, pays qui fait de lhospitalité un atout culturel. Depuis la parution de larticle de Maria Daif, dans le journal marocain Telquel, il y a une légère prise de conscience. Amel Abou El Aazm, est une des fondatrices de la jeune association Lawnouna (« Nos couleurs »), créée en 2004 et située à Rabat. Le but de cette association est de faire le pont entre les Marocains et les Noirs ou les personnes venant dhorizons diverses. Selon elle, « la discrimination dont sont victimes les Subsahariens et les Noirs est un fait. Cest assez dur pour eux. Personne ne peut nier quil existe du racisme au Maroc, ceux qui le nient font preuve de mauvaise fois. Mais il faut tout de même admettre quil existe dans notre pays des Subsahariens qui vivent très bien. Ils ont compris quil fallait avoir une certaine attitude à adopter pour sintégrer, notamment se mêler à la population. Il y a un premier pas à faire, pour sadapter et découvrir la culture de lautre et la société dans laquelle on vit. Il sagit peut être dun petit nombre, mais ça prouve quil y a un moyen pour que cela se développe. Et cest le but de notre association. Elle peut aider les personnes noires à franchir les barrières quelles peuvent rencontrer. Sil faut, par exemple, 4 à 5 ans à un étudiant pour sintégrer au Maroc, Lawnouna, veut, au travers diverses activités, accélérer cette intégration ».
« Le racisme est plus visible dans la rue. Je ne pense pas quil y ait un seul Noirs au Maroc, qui puissent sortir sans quon lui rappelle justement quil est Noir. Les clichés et les préjugés ont été nombreux sur le peuple noir. Il fut un temps où certains les prenaient pour des cannibales, des mangeurs dhommes. Il y a aussi le fait quil soit des descendants desclaves. Mais vous savez, jai moi-même passé quelque temps au Congo, jai aussi déjà séjourné au Mali. Jai dû là-bas dépasser les clichés et les préjugés qui métaient attribués. En tant que Franco-marocaine, au Mali comme au Congo, je passais inévitablement par lexpérience du blanc en Afrique. Ce sont des sentiments ancrés dans les moeurs, comme au Maroc, ajoute la jeune femme.