Des marchés passés sans consultation
L’ancienne ministre a puisé dans les fonds du Ramed
Des médicaments dont le Maroc n’avait pas besoin, selon l’OMS
Yasmina Baddou, ancienne ministre de la Santé de 2007 à 2012, est directement concernée par les observations de la Cour des comptes sur les dysfonctionnements relevés pendant son mandat
La polémique sur les marchés des vaccins n’était pas une fumée sans feu. La Cour des comptes qui a épluché la gestion des produits pharmaceutiques par le ministère de la Santé a relevé un nombre important de dysfonctionnements. Absence de politique pharmaceutique, couac sur les modalités d’autorisation de mise sur le marché ou encore des investissements de plusieurs millions jamais utilisés. Toutefois, le chapitre le plus attendu porte sur l’introduction de nouveaux vaccins anti-pneumococcique et anti-rotavirus. La décision a été prise en 2010 alors que l’istiqlalienne Yasmina Baddou était à la tête du département de la Santé. Pour les magistrats, «il y a une insuffisance de données épidémiologiques justifiant l’introduction des deux vaccins».
Selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le vaccin anti-pneumococcique doit être introduit dans les pays dans lesquels la mortalité chez les enfants de moins de 5 ans est supérieure à 50 décès pour 1.000 naissances. Au Maroc, ce ratio ne dépasse pas 28/1.000. Pour le vaccin anti-rotavirus, il est destiné aux pays où les décès par diarrhée représentent au moins 10% de la mortalité chez les enfants de moins de 5 ans. Or, le Maroc ne compte pas plus d’un millier de cas détectés. Logiquement, le Royaume n’aurait jamais dû introduire ces vaccins. Dans sa réponse, le ministre de la Santé (aucune spécification pour savoir si les réponses proviennent de Baddou ou d’El Houssaine Louardi, actuel ministre) justifie ce choix par la volonté de renforcer l’immunité chez les enfants pour atteindre les objectifs du plan d’action stratégique 2008-2012. La décision d’introduction est loin d’être le seule point noir. Le ministère n’a pas eu recours à la procédure en vigueur en termes d’acquisition des vaccins. Le Maroc a toujours acheté les vaccins entrant dans le cadre du programme national d’immunisation à travers l’Unicef. En pratiquant des achats groupés, cet organisme arrive à obtenir des prix abordables. Pourtant, les équipes de Baddou se sont permis le luxe de passer outre cette procédure! Le comité national technique et scientifique de vaccination n’a même pas été consulté dans cette décision. Même la Direction de la population qui dispose des données épidémiologiques n’a pas été mise au parfum. D'autres soupçons pèsent sur la procédure de passation des dux marchés. Un rapport qui circule sur internet avec l’en-tête de la Cour des comptes (nous n’avons pas encore pu vérifier son authenticité) présente les laboratoires Maphar et Glaxo Smith Kline comme les titulaires des deux marchés avec des montants reçus de 431 millions de DH et 117 millions de DH respectivement. A la lecture des deux rapports, celui disponible sur le site de la Cour des comptes se prête à une synthèse très concise de l’autre. Le rapport officiel ne donne pas le nom des laboratoires ni le montant précis de la transaction. Il se contente de présenter un intervalle de prix. Autre bémol, «le financement de l’acquisition des vaccins a été fait aux dépens des crédits dédiés aux établissements de santé. Le montant annuel des deux marchés représente près de 86% du budget de l’ensemble des programmes de santé publique. Pour financer la transaction, le ministère a puisé en 2010 dans une enveloppe extrabudgétaire de 640 millions de DH réservée au soutien du Ramed. L’année suivante, le gouvernement n’octroie pas de crédits pour la rubrique achat de vaccins. Pour résoudre le problème d’absence de crédits pour le réengagement des marchés cadre; le ministère a procédé au virement de la somme de 352 millions de DH de la rubrique «achat de produits pharmaceutiques et de consommables médicaux» vers la rubrique «achats de vaccins et produits biologiques»! Ainsi, le ministère a passé deux marchés sans avoir les fonds nécessaires!
Avec les deux laboratoires, le cahier des prescriptions spécifiques (CPS) comprenait une combinaison entre la livraison de vaccins et la réalisation d’une assistance technique sans spécifier le montant de cette dernière ni ses caractéristiques. Les paiements ont été effectués en l’absence de documents attestant la réalisation de l’assistance technique et n’étaient justifiés que par la quantité de vaccins livrés. Les magistrats ont découvert que pour le marché du vaccin anti-pneumococcique la réalisation de l’assistance ne dépasse pas les 50% alors qu’elle n’a pas du tout été réalisée pour le vaccin anti-rotavirus!
Le rapport Louardi
Dans ses réponses formulées au sujet du marché des vaccins, le ministère de la Santé précise avoir confié le dossier à son inspection générale suite aux différentes demandes d’éclaircissement. Un rapport a conclu que le choix du type de marché n’était pas adapté surtout pour des vaccins aussi coûteux. De ce fait, la tutelle a décidé de surseoir à l’exécution des marchés et de soumettre le rapport de son Inspection générale à la Cour des comptes. A priori, ces décisions sont intervenues avec le changement de gouvernement.
Ilham BOUMNADE
L’ancienne ministre a puisé dans les fonds du Ramed
Des médicaments dont le Maroc n’avait pas besoin, selon l’OMS
Yasmina Baddou, ancienne ministre de la Santé de 2007 à 2012, est directement concernée par les observations de la Cour des comptes sur les dysfonctionnements relevés pendant son mandat
La polémique sur les marchés des vaccins n’était pas une fumée sans feu. La Cour des comptes qui a épluché la gestion des produits pharmaceutiques par le ministère de la Santé a relevé un nombre important de dysfonctionnements. Absence de politique pharmaceutique, couac sur les modalités d’autorisation de mise sur le marché ou encore des investissements de plusieurs millions jamais utilisés. Toutefois, le chapitre le plus attendu porte sur l’introduction de nouveaux vaccins anti-pneumococcique et anti-rotavirus. La décision a été prise en 2010 alors que l’istiqlalienne Yasmina Baddou était à la tête du département de la Santé. Pour les magistrats, «il y a une insuffisance de données épidémiologiques justifiant l’introduction des deux vaccins».
Selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le vaccin anti-pneumococcique doit être introduit dans les pays dans lesquels la mortalité chez les enfants de moins de 5 ans est supérieure à 50 décès pour 1.000 naissances. Au Maroc, ce ratio ne dépasse pas 28/1.000. Pour le vaccin anti-rotavirus, il est destiné aux pays où les décès par diarrhée représentent au moins 10% de la mortalité chez les enfants de moins de 5 ans. Or, le Maroc ne compte pas plus d’un millier de cas détectés. Logiquement, le Royaume n’aurait jamais dû introduire ces vaccins. Dans sa réponse, le ministre de la Santé (aucune spécification pour savoir si les réponses proviennent de Baddou ou d’El Houssaine Louardi, actuel ministre) justifie ce choix par la volonté de renforcer l’immunité chez les enfants pour atteindre les objectifs du plan d’action stratégique 2008-2012. La décision d’introduction est loin d’être le seule point noir. Le ministère n’a pas eu recours à la procédure en vigueur en termes d’acquisition des vaccins. Le Maroc a toujours acheté les vaccins entrant dans le cadre du programme national d’immunisation à travers l’Unicef. En pratiquant des achats groupés, cet organisme arrive à obtenir des prix abordables. Pourtant, les équipes de Baddou se sont permis le luxe de passer outre cette procédure! Le comité national technique et scientifique de vaccination n’a même pas été consulté dans cette décision. Même la Direction de la population qui dispose des données épidémiologiques n’a pas été mise au parfum. D'autres soupçons pèsent sur la procédure de passation des dux marchés. Un rapport qui circule sur internet avec l’en-tête de la Cour des comptes (nous n’avons pas encore pu vérifier son authenticité) présente les laboratoires Maphar et Glaxo Smith Kline comme les titulaires des deux marchés avec des montants reçus de 431 millions de DH et 117 millions de DH respectivement. A la lecture des deux rapports, celui disponible sur le site de la Cour des comptes se prête à une synthèse très concise de l’autre. Le rapport officiel ne donne pas le nom des laboratoires ni le montant précis de la transaction. Il se contente de présenter un intervalle de prix. Autre bémol, «le financement de l’acquisition des vaccins a été fait aux dépens des crédits dédiés aux établissements de santé. Le montant annuel des deux marchés représente près de 86% du budget de l’ensemble des programmes de santé publique. Pour financer la transaction, le ministère a puisé en 2010 dans une enveloppe extrabudgétaire de 640 millions de DH réservée au soutien du Ramed. L’année suivante, le gouvernement n’octroie pas de crédits pour la rubrique achat de vaccins. Pour résoudre le problème d’absence de crédits pour le réengagement des marchés cadre; le ministère a procédé au virement de la somme de 352 millions de DH de la rubrique «achat de produits pharmaceutiques et de consommables médicaux» vers la rubrique «achats de vaccins et produits biologiques»! Ainsi, le ministère a passé deux marchés sans avoir les fonds nécessaires!
Avec les deux laboratoires, le cahier des prescriptions spécifiques (CPS) comprenait une combinaison entre la livraison de vaccins et la réalisation d’une assistance technique sans spécifier le montant de cette dernière ni ses caractéristiques. Les paiements ont été effectués en l’absence de documents attestant la réalisation de l’assistance technique et n’étaient justifiés que par la quantité de vaccins livrés. Les magistrats ont découvert que pour le marché du vaccin anti-pneumococcique la réalisation de l’assistance ne dépasse pas les 50% alors qu’elle n’a pas du tout été réalisée pour le vaccin anti-rotavirus!
Le rapport Louardi
Dans ses réponses formulées au sujet du marché des vaccins, le ministère de la Santé précise avoir confié le dossier à son inspection générale suite aux différentes demandes d’éclaircissement. Un rapport a conclu que le choix du type de marché n’était pas adapté surtout pour des vaccins aussi coûteux. De ce fait, la tutelle a décidé de surseoir à l’exécution des marchés et de soumettre le rapport de son Inspection générale à la Cour des comptes. A priori, ces décisions sont intervenues avec le changement de gouvernement.
Ilham BOUMNADE