"Refuser le statut de la vicitime" par Tariq Ramadan

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Refuser le statut de la victime par Tariq Ramadan


Comme chaque année, Tariq Ramadan intervient lors du rassemblement organisé par l’UOIF. Son intervention porte cette année sur un fait dont on le sait farouchement opposé: l’adoption par certain musulmans du « statut de victime » , statut qu’il faut selon lui refuser en tout point.

Tariq Ramadan entame le vif du sujet en tentant d’analyser la démarche psychologique et intellectuelle de ceux qui adoptent une position de victime. La peur de la communauté musulmane, suscitée par le climat de tension permanent à son égard, aussi bien dans les discours que dans les actions politiques, provoque chez certains, soit l’abandon total de son droit à la visibilité en se faisant les plus discrets possible, comportement déplorable pourtant promu par une part croissante des Imams de France, soit par l’affirmation tout aussi radicale d’une agressivité qui serait la preuve de notre force, mais qui tente en réalité de masquer toute l’étendue de notre peur. Dans les deux cas, c’est un abandon de nos responsabilités, tant civiles que religieuses, et la marque du glissement vers le statut de victime.

Pourtant, le Coran et la tradition prophétique sont plein d’exemples du bon comportement à adopter en pareil cas. Face à l’adversité, il faut répondre par la sérénité, et la sérénité ne vient que lorsque l’on a parfaitement acquis le contrôle de soi. Le premier travail à faire est donc sur nous même, et l’Islam offre pour cela bon nombre de moyens d’accroitre notre pouvoir sur soi par la rigueur dans la pratique qu’il exige. Ainsi, la prière, le jeûne, l’aumône sont autant d’instruments de mesure de notre capacité à prendre le dessus sur notre « nafs« , dont il faut puiser un enseignement, un principe de vie, qui nous maintiendra debout tout au long de notre lutte.

Vient ensuite le travail sur le terrain. Le musulman doit être comme l’arbre fruitier, pour reprendre une parabole coranique: fort et debout par son tronc qui ne se laisse pas déstabiliser par son environnement , ayant des racines de connaissances étendues et sûres, des fruits beaux à montrer et à offrir aux autres, et l’humilité de se savoir protégé par un Dieu tout puissant.

Tariq ramadan distingue sept chantiers majeurs sur lesquels nous devons reconstruire notre pensée: un premier travail doit être fait sur la connaissance et l‘éducation. La maitrise de la langue, des sciences, des lois etc. et de rigueur si nous voulons gagner en crédibilité et en discernement. Un autre chantier est à faire sur la communication, que l’on se doit de soigner. Il faut rendre nos paroles agréables pour en laisser transparaitre la bienveillance, car elles sont le reflet de notre pensée. Vient ensuite la nécessité d’adopter un esprit critique face à ce qui nous entoure, puis le développement des Arts par la créativité, dont les formes, qu’elles soient écrites, architecturales, picturales ou autre, sont autant de témoins de notre capacité à pouvoir changer en Beau ce qui nous a d’abord blessé. La contestation doit aussi être travaillée. Soyons les contestataires de toutes formes d’injustice et ne nous effaçons pas derrière une position neutre qui, loin d’être une stratégie diplomatique effective, est un renoncement à nos responsabilités et à nos droits les plus strictes. Le travail le plus important, et qui amènera très certainement la plus nette progression, est celui de l’autocritique. Nous devons prendre conscience de tous les maux dont souffre notre communauté, et arrêter de se piquer de perfection et d’exemplarité. La communauté à de gros problèmes avec le racisme, avec les femmes, avec la discrimination et la violence. Elle doit résoudre ces problèmes, il en va de sa cohérence et de sa sincérité devant Dieu. Enfin, un dernier travail de compassion doit être pris en compte, pour comprendre les sentiments de l’autre en face qui se sent agresser par notre présence, et savoir pardonner; car en définitive, face à l’adversité, nous avons tous, musulmans ou non, la même réaction.

Tariq Ramadan insiste sur l’urgence de la réforme à mettre en place. « N’ayez pas peur! » répète-il avec force. « La peur est la plus mauvaise conseillère ». Il rajoute « Dieu est avec nous », … Un message rassurant et apaisant avec force de conviction…
 
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