Je poste un ancien article qui répondra aux arguments de certaines personnes...
Lessor démographique consécutif à la colonisation provoqua larrivée massive de montagnards berbérophones dans les plaines mises en culture et dans les villes. Ce mouvement aurait pu entraîner une sorte de reconquête linguistique et culturelle aux dépens de larabe, or il nen fut rien. Le Berbère, quil fût Kabyle, Rifain, Chleuh ou Chaouïa, arrivé en pays arabe, abandonnait sa langue et souvent ses coutumes, tout en les retrouvant aisément lorsquil retournait chez lui. Comme les montagnes berbérophones continuent dêtre le grand réservoir démographique de lAlgérie et du Maroc, on assiste à ce phénomène apparemment paradoxal que ces pays voient la part de sang arabe, déjà infime, se réduire à mesure quils sarabisent culturellement et linguistiquement.
Cétait donc avec un réel pessimisme quhistoriens, sociologues, politologues et anthropologues pouvaient sinterroger sur le devenir de lentité berbère. Nul nest en mesure de dresser dans les États maghrébins une carte précise de la "berbérité" ; dailleurs les recensements nationaux ne tiennent plus compte des diversités linguistiques, mais il est sûr que le recul du berbère, signalé en Algérie à la fin du XIXe siècle, sest accentué, aussi bien dans ce pays quen Tunisie où les parlers berbères ne subsistent plus que dans quelques villages des Matmata et de Djerba. Au Maroc, les "bastions berbères" sont autrement plus étendus et comptent plusieurs millions de locuteurs, mais ici, comme en Algérie sous un régime politique fort différent, la volonté de lÉtat fut longtemps darabiser la totalité de la population.
Aujourdhui, sous la pression des opinions publiques et de mouvements qui furent dabord culturels avant de devenir politiques, les gouvernements proclament leur intention de développer une politique multiculturelle et reconnaissent, avec plus ou moins de bonne grâce, la place tenue par lidentité berbère dans la composition de la nation. Dans le sud du Sahara, les conditions socio-politiques sont différentes : la confrontation entre les cultures touarègues et le monde négro-africain tourne à la guerre civile qui aggrave, surtout pour les éleveurs berbérophones, les terribles conséquences de la sécheresse des années 1970 et 1980. Lethnie touarègue, tant au Niger quau Mali, serait agonisante si le retour de la guérilla (dans laquelle les Jeeps ont remplacé les méharis) ne réveillait des ardeurs ancestrales.
Au Maghreb, partout où le berbère se maintient, ce nest plus que comme un patois, au mieux comme une seconde langue, quand il nest pas superbement ignoré par des États qui prétendent fonder leur identité nationale sur la seule culture arabo-islamique.
La scolarisation, se faisant partout en arabe, a fait pénétrer cette langue dans les derniers recoins du territoire. Nest-il pas trop tard, même si les intentions gouvernementales sont sincères, pour espérer une survie du berbère qui serait autre que folklorique ? Sa disparition paraît dans la logique des choses et semble obéir au "vent de lHistoire".
Mais ce vent est particulièrement capricieux ; ainsi au moment où les parlers berbères semblent pourchassés dans leurs derniers retranchements, jamais il ny eut autant de linguistes pour les étudier et miracle ! ces études ne sont plus le fait de savants étrangers, accusés dêtre les héritiers du colonialisme, mais elles se font de lintérieur par des berbérophones enfin débarrassés de leur complexe de minorité honteuse. Désormais, et cest un phénomène très encourageant, ce sont des Berbères qui étudient et défendent leur langue maternelle.
En même temps, les études de linguistique berbère et de littérature orale bénéficient, encore plus à létranger que dans les États maghrébins et sud-sahariens, de la percée enfin réalisée par la langue berbère dans le domaine universitaire. Des centres détudes et des laboratoires européens et américains se spécialisent, sans réticence aujourdhui, dans cette recherche qui fut si longtemps négligée par les orientalistes. Ceux-ci, dans leur quasi-totalité, ne voulaient connaître que la culture arabe, la "berbérité" nétant, à leurs yeux, quune annexe gênante de leur champ détude. Les seize tomes parus de lEncyclopédie berbère, publication internationale confiée à de nombreux spécialistes en Histoire, Anthropologie et Linguistique berbère, sont un bon témoignage de cette percée universitaire.
Il faut tenir compte aussi dun mouvement beaucoup plus profond et spontané qui est le renouveau du chant traditionnel qui nhésite pas à traiter de lactualité la plus brûlante, ce qui a fait connaître la prison à plusieurs auteurs-compositeurs à la langue trop bien pendue.
Cet essor de la tradition orale revêtue dhabits nouveaux saccompagne dune multiplication, voire dune prolifération dassociations culturelles "amazigh" (ce terme est aujourdhui accepté par lensemble de Berbères) qui attirent à elles la plupart des jeunes intellectuels. Ceux-ci trouvent dans les pays daccueil, et en premier lieu la France, une liberté qui na guère loccasion de se manifester dans certains Etats fondés sur les ruines de lancienne Berbérie. Ce printemps multiforme des études et des manifestations amazigh est inséparable dune affirmation de plus en plus assurée dune identité berbère transnationale.
G. Camps, Les Berbères, Encyclopédie de la Méditerranée, 1996
Lessor démographique consécutif à la colonisation provoqua larrivée massive de montagnards berbérophones dans les plaines mises en culture et dans les villes. Ce mouvement aurait pu entraîner une sorte de reconquête linguistique et culturelle aux dépens de larabe, or il nen fut rien. Le Berbère, quil fût Kabyle, Rifain, Chleuh ou Chaouïa, arrivé en pays arabe, abandonnait sa langue et souvent ses coutumes, tout en les retrouvant aisément lorsquil retournait chez lui. Comme les montagnes berbérophones continuent dêtre le grand réservoir démographique de lAlgérie et du Maroc, on assiste à ce phénomène apparemment paradoxal que ces pays voient la part de sang arabe, déjà infime, se réduire à mesure quils sarabisent culturellement et linguistiquement.
Cétait donc avec un réel pessimisme quhistoriens, sociologues, politologues et anthropologues pouvaient sinterroger sur le devenir de lentité berbère. Nul nest en mesure de dresser dans les États maghrébins une carte précise de la "berbérité" ; dailleurs les recensements nationaux ne tiennent plus compte des diversités linguistiques, mais il est sûr que le recul du berbère, signalé en Algérie à la fin du XIXe siècle, sest accentué, aussi bien dans ce pays quen Tunisie où les parlers berbères ne subsistent plus que dans quelques villages des Matmata et de Djerba. Au Maroc, les "bastions berbères" sont autrement plus étendus et comptent plusieurs millions de locuteurs, mais ici, comme en Algérie sous un régime politique fort différent, la volonté de lÉtat fut longtemps darabiser la totalité de la population.
Aujourdhui, sous la pression des opinions publiques et de mouvements qui furent dabord culturels avant de devenir politiques, les gouvernements proclament leur intention de développer une politique multiculturelle et reconnaissent, avec plus ou moins de bonne grâce, la place tenue par lidentité berbère dans la composition de la nation. Dans le sud du Sahara, les conditions socio-politiques sont différentes : la confrontation entre les cultures touarègues et le monde négro-africain tourne à la guerre civile qui aggrave, surtout pour les éleveurs berbérophones, les terribles conséquences de la sécheresse des années 1970 et 1980. Lethnie touarègue, tant au Niger quau Mali, serait agonisante si le retour de la guérilla (dans laquelle les Jeeps ont remplacé les méharis) ne réveillait des ardeurs ancestrales.
Au Maghreb, partout où le berbère se maintient, ce nest plus que comme un patois, au mieux comme une seconde langue, quand il nest pas superbement ignoré par des États qui prétendent fonder leur identité nationale sur la seule culture arabo-islamique.
La scolarisation, se faisant partout en arabe, a fait pénétrer cette langue dans les derniers recoins du territoire. Nest-il pas trop tard, même si les intentions gouvernementales sont sincères, pour espérer une survie du berbère qui serait autre que folklorique ? Sa disparition paraît dans la logique des choses et semble obéir au "vent de lHistoire".
Mais ce vent est particulièrement capricieux ; ainsi au moment où les parlers berbères semblent pourchassés dans leurs derniers retranchements, jamais il ny eut autant de linguistes pour les étudier et miracle ! ces études ne sont plus le fait de savants étrangers, accusés dêtre les héritiers du colonialisme, mais elles se font de lintérieur par des berbérophones enfin débarrassés de leur complexe de minorité honteuse. Désormais, et cest un phénomène très encourageant, ce sont des Berbères qui étudient et défendent leur langue maternelle.
En même temps, les études de linguistique berbère et de littérature orale bénéficient, encore plus à létranger que dans les États maghrébins et sud-sahariens, de la percée enfin réalisée par la langue berbère dans le domaine universitaire. Des centres détudes et des laboratoires européens et américains se spécialisent, sans réticence aujourdhui, dans cette recherche qui fut si longtemps négligée par les orientalistes. Ceux-ci, dans leur quasi-totalité, ne voulaient connaître que la culture arabe, la "berbérité" nétant, à leurs yeux, quune annexe gênante de leur champ détude. Les seize tomes parus de lEncyclopédie berbère, publication internationale confiée à de nombreux spécialistes en Histoire, Anthropologie et Linguistique berbère, sont un bon témoignage de cette percée universitaire.
Il faut tenir compte aussi dun mouvement beaucoup plus profond et spontané qui est le renouveau du chant traditionnel qui nhésite pas à traiter de lactualité la plus brûlante, ce qui a fait connaître la prison à plusieurs auteurs-compositeurs à la langue trop bien pendue.
Cet essor de la tradition orale revêtue dhabits nouveaux saccompagne dune multiplication, voire dune prolifération dassociations culturelles "amazigh" (ce terme est aujourdhui accepté par lensemble de Berbères) qui attirent à elles la plupart des jeunes intellectuels. Ceux-ci trouvent dans les pays daccueil, et en premier lieu la France, une liberté qui na guère loccasion de se manifester dans certains Etats fondés sur les ruines de lancienne Berbérie. Ce printemps multiforme des études et des manifestations amazigh est inséparable dune affirmation de plus en plus assurée dune identité berbère transnationale.
G. Camps, Les Berbères, Encyclopédie de la Méditerranée, 1996