Rencontre avec la famille Amri, Marocains de France, d'Europe et du... Maroc

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LE MONDE | 18.07.09 | 14h46 • Mis à jour le 19.07.09 | 14h39
Ancien OS de Renault aujourd'hui à la retraite, Mohamed Amri a sillonné en avril le Sud marocain à la rencontre des "vieux" de Billancourt rentrés au pays. S'il tient à préserver le lien entre le Maroc, son pays d'origine, et la France, il n'a pas choisi de rentrer au pays une fois sa vie active achevée ; il y a simplement acheté un appartement pour ses vacances.


Car la France, où il est venu en 1964, à 24 ans, un certificat d'études en poche, pour "tenter sa chance", il s'y sent bien, il y a pris racine. M. Amri prend d'ailleurs plaisir à se rendre, avec ses amis de l'Association des anciens travailleurs de Renault Billancourt Ile Seguin (Atris), dans les écoles, collèges et lycées de l'Hexagone. Cette association, qu'il a fondée avec quelques autres, veut transmettre aux jeunes la mémoire de Billancourt, cette usine qui a tant compté dans l'histoire française.

A ses trois filles, il ne faut surtout pas parler d'intégration. "Je suis française... et marocaine", affirme Soraya, la deuxième, qui, comme ses soeurs, récuse l'appellation "jeune issu de l'immigration". S'il est une communauté de pensée à laquelle Soraya, "forte de (sa) double culture", dit appartenir, c'est celle de la "génération Y", cette génération née dans les années 1970, mobile, exigeante. A 28 ans, elle aligne sur son CV de belles expériences dans des entreprises "de toutes tailles, insiste-t-elle, en France, en Allemagne, aux Etats-Unis". Ce qui ne l'a pas empêchée de reprendre des études pour compléter sa licence en marketing international par un master.

A l'instar de la majorité des Marocains en France, la famille Amri vit pleinement et paisiblement sa double culture. Une enquête BVA inédite et réalisée à la demande du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) auprès de la population marocaine résidant dans la plupart des grands pays d'Europe (France, Espagne, Belgique, Pays-Bas et Allemagne) montre que, dans son ensemble, celle-ci témoigne d'une nette volonté d'ouverture sur l'extérieur et d'insertion durable dans son pays d'accueil, tout en maintenant un solide attachement aux liens socioculturels avec le Maroc. C'est en France, le pays qui compte la plus forte communauté avec quelque 1,2 million de personnes, devant l'Espagne (800 000) et l'Italie (550 000), que ce phénomène est le plus marqué.

La France est, par exemple, le pays où les Marocains disent le plus s'intéresser à l'actualité politique (67 %, soit 12 points de plus que la moyenne des Marocains résidant en Europe). "Quand on vit dans un pays, que l'on participe à son économie, il est important de faire son devoir civique", insiste M. Amri. C'est l'une des raisons qui ont conduit cet homme et sa femme à prendre la nationalité française - comme plus de 63 % de Marocains résidant en France.

Françaises, attachées aux traditions marocaines qui leur ont été transmises, ses filles ont choisi elles aussi d'avoir la double nationalité. Elles n'en évoluent pas moins dans un environnement plus cosmopolite que marocain ou même français.

L'aînée, Yasmina, 30 ans, s'est mariée à un Français d'origine portugaise. Si Mohamed Amri, lui, s'est marié au Maroc et a fait venir sa femme en France, il respecte le choix de ses filles. Bien sûr, il leur a transmis sa culture religieuse, mais celle de "l'islam de la tolérance, de l'ouverture", tient-il à préciser. Ainsi, il ne viendrait pas à l'idée de Yasmina de faire valoir qu'elle fait le ramadan, qu'elle ne mange pas de porc ni ne boit d'alcool. "Cela reste transparent pour mes collègues, mes amis. La religion, c'est pour moi une question strictement personnelle", explique cette "Business Unit Manager" d'une grande entreprise de bureautique. Elle déplore tous ces débats autour de l'islam, du voile à la burqa, qu'elle juge "surréalistes".

Globalement en Europe, les Marocains pratiquants sont peu revendicatifs, selon l'enquête. C'est en France que la fréquentation des lieux de culte est la plus faible : 40 % des Marocains disent fréquenter régulièrement une mosquée. Comme pour l'ensemble des Marocains résidant en Europe, il a toujours été important pour M. Amri de maintenir des liens avec son pays d'origine.

Cependant, il n'a jamais imposé à ses filles le rituel voyage annuel au Maroc, préférant "se serrer la ceinture", raconte Yasmina, pour leur faire découvrir la France lors des vacances. Comme nombre (52 %) de Marocains de la 2e génération résidant en France, les filles de M. Amri n'excluent pas de pouvoir un jour s'installer au Maroc. "Si une opportunité professionnelle se présente, je le ferai, dit Soraya, mais ce ne sera pas pour un retour aux sources."

Laetitia van Eeckhout
Article paru dans l'édition du 19.07.09.
 
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