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قُلْ هُو
lemonde.fr - 29.12.2008
Jeudi 25 décembre, la Fondation Elie Wiesel pour l'humanité a mis en ligne ce communiqué : "Avec une tristesse et une détresse profondes, nous informons avoir été, parmi bien d'autres, victimes de l'une des plus grandes fraudes financières de l'Histoire. (La Fondation) détenait 15,2 millions de dollars gérés par le Fonds d'investissement de Bernard Madoff, soit presque la totalité de ses avoirs"...
Comme celle de M. Wiesel, plusieurs dizaines d'associations humanitaires et caritatives juives américaines - actives dans les secteurs scolaire et universitaire, culturel ou sanitaire, le soutien aux handicapés et aux nécessiteux, etc. - ont perdu tout ou partie de leurs ressources dans le fonds BMIS de M. Madoff, aujourd'hui en faillite.
Le volume annuel des dons versés à ces associations est estimé par Gary Tobin, président de l'Institut de recherche communautaire juive de San Francisco, à 5 milliards de dollars annuels (dont 20 % seraient reversés à des organismes israéliens). La part gérée par le fonds Madoff est inconnue, mais elle était importante.
Cela n'a pas empêché un dénommé Frank Veltner d'envoyer la lettre suivante au Palm Beach Post, quotidien d'une ville de Floride où résident de nombreux retraités juifs : "Cette affaire ressemble à l'histoire de l'Holocauste où de pauvres juifs veulent se faire passer pour des victimes, alors que grâce à cette fraude, depuis plus de trente ans, ils se payaient du bon temps."
Envoyées aux journaux ou mises en ligne sur Internet, le nombre des missives négationnistes ou d'un antisémitisme insidieux est en augmentation, selon la Ligue de défense juive (JDL), qui procède à leur recensement. Son président, Abraham Foxman, estime qu'une "vague de commentaires antisémites" se répand aux Etats-Unis depuis que le scandale Madoff a éclaté. Elle se manifeste tant sur des sites nazis ou "suprématistes blancs" que sur ceux de Yahoo! ou de médias comme Forbes, Huffington Post ou encore Dealbreaker, un site spécialisé sur les activités de Wall Street. Ces "épanchements, poursuit M. Foxman, vont des déclarations stéréotypées hargneuses concernant les juifs et l'argent (...) aux théories du complot sur l'argent volé par les juifs au profit d'Israël".
"BOUCS ÉMISSAIRES COMMODES"
Un lecteur écrit ainsi au New York Post : "Les juifs dirigent le monde financièrement. (...) Ils veulent la mort de notre peuple." M. Foxman souligne qu'"en temps de crise, les juifs sont toujours des boucs émissaires commodes". De son côté, Morton Klein, président de la Fédération sioniste d'Amérique (ZOA, une formation très minoritaire dans la communauté), a publié le 23 décembre un communiqué dénonçant comme "absurde" tout lien entre la fraude Madoff et Israël, autre sujet parfois évoqué dans les commentaires.
Les craintes d'une résurgence antisémite aux Etats-Unis sont-elles fondées ? Ce pays a historiquement connu des propensions puissantes en ce sens, tant populaires que dans les cercles aristocratiques, mais rarement violentes. Les études montrent que, jusqu'aux années 1940, un quart des Américains considéraient les juifs comme une "menace". Depuis, le chiffre est tombé à 2 %, "et il reste stable", note J. J. Goldberg, directeur du journal juif new-yorkais The Forward. De 70 %, le nombre des Américains estimant que "les juifs ont trop de pouvoir" est passé à 20 %.
"Il est prématuré de juger si l'éruption actuelle indique un changement", poursuit M. Goldberg. Mais il constate que des scandales précédents, telles les affaires Ivan Boesky et Michael Milken (des financiers juifs condamnés pour activités frauduleuses en 1987 et 1989), ou l'emprisonnement à vie de Jonathan Pollard pour espionnage en faveur d'Israël, en 1987, n'avaient pas généré autant de commentaires antisémites.
Depuis un demi-siècle, ajoute-t-il, l'antisémitisme a quasiment disparu de la sphère publique dans son pays. Prudent, il estime que l'on assiste à une vague restreinte et circonscrite. Mais il note une propension croissante à "relégitimer les propos hostiles aux juifs". Par exemple, "l'idée d'une influence néfaste du lobby juif sur la politique étrangère américaine progresse. Certains tabous tombent", estime-t-il, mais parler de "vague" antisémite lui semble outrancier.
"Le jour où l'opinion se demandera comment il se trouve qu'il y a 14 ou 15 sénateurs juifs (sur 100), là, il faudra s'inquiéter", conclut-il.
Jeudi 25 décembre, la Fondation Elie Wiesel pour l'humanité a mis en ligne ce communiqué : "Avec une tristesse et une détresse profondes, nous informons avoir été, parmi bien d'autres, victimes de l'une des plus grandes fraudes financières de l'Histoire. (La Fondation) détenait 15,2 millions de dollars gérés par le Fonds d'investissement de Bernard Madoff, soit presque la totalité de ses avoirs"...
Comme celle de M. Wiesel, plusieurs dizaines d'associations humanitaires et caritatives juives américaines - actives dans les secteurs scolaire et universitaire, culturel ou sanitaire, le soutien aux handicapés et aux nécessiteux, etc. - ont perdu tout ou partie de leurs ressources dans le fonds BMIS de M. Madoff, aujourd'hui en faillite.
Le volume annuel des dons versés à ces associations est estimé par Gary Tobin, président de l'Institut de recherche communautaire juive de San Francisco, à 5 milliards de dollars annuels (dont 20 % seraient reversés à des organismes israéliens). La part gérée par le fonds Madoff est inconnue, mais elle était importante.
Cela n'a pas empêché un dénommé Frank Veltner d'envoyer la lettre suivante au Palm Beach Post, quotidien d'une ville de Floride où résident de nombreux retraités juifs : "Cette affaire ressemble à l'histoire de l'Holocauste où de pauvres juifs veulent se faire passer pour des victimes, alors que grâce à cette fraude, depuis plus de trente ans, ils se payaient du bon temps."
Envoyées aux journaux ou mises en ligne sur Internet, le nombre des missives négationnistes ou d'un antisémitisme insidieux est en augmentation, selon la Ligue de défense juive (JDL), qui procède à leur recensement. Son président, Abraham Foxman, estime qu'une "vague de commentaires antisémites" se répand aux Etats-Unis depuis que le scandale Madoff a éclaté. Elle se manifeste tant sur des sites nazis ou "suprématistes blancs" que sur ceux de Yahoo! ou de médias comme Forbes, Huffington Post ou encore Dealbreaker, un site spécialisé sur les activités de Wall Street. Ces "épanchements, poursuit M. Foxman, vont des déclarations stéréotypées hargneuses concernant les juifs et l'argent (...) aux théories du complot sur l'argent volé par les juifs au profit d'Israël".
"BOUCS ÉMISSAIRES COMMODES"
Un lecteur écrit ainsi au New York Post : "Les juifs dirigent le monde financièrement. (...) Ils veulent la mort de notre peuple." M. Foxman souligne qu'"en temps de crise, les juifs sont toujours des boucs émissaires commodes". De son côté, Morton Klein, président de la Fédération sioniste d'Amérique (ZOA, une formation très minoritaire dans la communauté), a publié le 23 décembre un communiqué dénonçant comme "absurde" tout lien entre la fraude Madoff et Israël, autre sujet parfois évoqué dans les commentaires.
Les craintes d'une résurgence antisémite aux Etats-Unis sont-elles fondées ? Ce pays a historiquement connu des propensions puissantes en ce sens, tant populaires que dans les cercles aristocratiques, mais rarement violentes. Les études montrent que, jusqu'aux années 1940, un quart des Américains considéraient les juifs comme une "menace". Depuis, le chiffre est tombé à 2 %, "et il reste stable", note J. J. Goldberg, directeur du journal juif new-yorkais The Forward. De 70 %, le nombre des Américains estimant que "les juifs ont trop de pouvoir" est passé à 20 %.
"Il est prématuré de juger si l'éruption actuelle indique un changement", poursuit M. Goldberg. Mais il constate que des scandales précédents, telles les affaires Ivan Boesky et Michael Milken (des financiers juifs condamnés pour activités frauduleuses en 1987 et 1989), ou l'emprisonnement à vie de Jonathan Pollard pour espionnage en faveur d'Israël, en 1987, n'avaient pas généré autant de commentaires antisémites.
Depuis un demi-siècle, ajoute-t-il, l'antisémitisme a quasiment disparu de la sphère publique dans son pays. Prudent, il estime que l'on assiste à une vague restreinte et circonscrite. Mais il note une propension croissante à "relégitimer les propos hostiles aux juifs". Par exemple, "l'idée d'une influence néfaste du lobby juif sur la politique étrangère américaine progresse. Certains tabous tombent", estime-t-il, mais parler de "vague" antisémite lui semble outrancier.
"Le jour où l'opinion se demandera comment il se trouve qu'il y a 14 ou 15 sénateurs juifs (sur 100), là, il faudra s'inquiéter", conclut-il.