Cerise sur le gâteau, dans un secteur aussi stratégique que le renseignement, le royaume semble avoir damé le pion aux meilleurs spécialistes occidentaux de la question. La récente mise à nu des micmacs des services algériens et espagnols pour introduire en catimini dans un hôpital espagnol le mercenaire en chef des séparatistes et le démantèlement des cellules terroristes chargées de commettre des attentats sur le territoire marocain armées par Alger ou Téhéran (pour ne citer que ces deux-là) ne sont que la pointe de l’iceberg. Sur le plan de l’information stratégique à haute valeur ajoutée, le royaume n’a certainement pas à rougir.
Quel que soit le regard que l’on porte sur l’histoire des relations entre le royaume et l’Europe du dernier siècle, la réalité brutale qui saute au visage, c’est que l’Europe continue à voir le royaume à travers le prisme d’un pays autrefois sous tutelle. On se retrouve alors avec deux légitimités incompatibles : la première, celle des Européens, à leur tête l’Espagne et la France, fantasmée par les nostalgiques de l’occupation et celle du royaume qui veut sortir définitivement de l’impasse d’une relation de maître à esclave qui n’a plus de raison d’être, vu le changement des rapports de force.
Il y a pourtant urgence à revenir aux fondamentaux : il n’y aura pas de paix durable avec l’Europe sans respect de l’autre, sans partenariat win-win et surtout sans la mise à mort de cette dialectique du maître et de l’esclave. Le pacte colonial prend eau de toutes parts et les nostalgiques du franquisme en Espagne comme les derniers héritiers de la France de Vichy ou encore les usagers de la vulgate néonazie en Allemagne devraient revoir leur fondamentaux.
Le
Maroc n’est pas un département d’outre-mer et les derniers anachronismes que sont Sebta et Mellilia (territoires marocains spoliés) ne sont qu’une question de temps, plus tôt que tard, ces deux villes reviendront à leur patrie d’origine. Quant au Sahara, la question ne se pose plus, et si certains de ses résidents indélicats cherchent bien à profiter d’une rente de situation, la plupart ont compris l’intérêt qu’il y avait à mettre tout dans le pot commun.
Face à ces nouvelles réalités, l’embarras des dirigeants occidentaux est profond mais, dans la mesure où il fait éclater en l’air le ghetto doctrinal, l’esprit de chapelle et la nostalgie du passé, le voilà qui redevient porteur d’espoir, l’espoir que le décès des idéologies coloniales soit définitivement acté.
D’ores et déjà l’évolution du monde est en train de démontrer que l’occupation des pays africains n’a été qu’une monstrueuse et injustifiable déviation marquée par le désir morbide de l’emporter sur l’autre. Lorsqu’on pense à tous les drames, à toutes les scissions et à tous les éclatements que le colonialisme a suscités dans les pays du Sud, cette question a aujourd’hui d’incalculables conséquences.
Si le Maroc s’est abstenu jusqu’à présent de demander des comptes aux anciens colons, c’est juste pour montrer que le royaume veut bien tourner la page, à condition qu’on arrête de lui chercher des poux dans la tête. Désormais, on rendra coup sur coup et pas question d’abandonner un seul pouce de notre territoire, que ce soit au sud du pays ou dans son extrême nord.
Si l’on ne peut présager de l’avenir, le présent montre en tout cas que jamais autant qu’aujourd’hui, les perspectives de nouveaux rapports n’ont été aussi complexes, mais jamais, en même temps, elles n’ont été aussi passionnantes et porteuses d’espérances.
La conclusion, c’est que, loin de fermer la porte à l’Europe, notre simple ambition est de l’aider à dépasser les anciens problèmes dans un contexte moderne. Et de lui apprendre qu’on peut toujours obtenir de gré à gré ce qu’on n’espère plus arracher par la force. N’est-ce pas Napoléon qui disait
« il n’y a que deux puissances dans le monde, le sabre et l’esprit : à la longue, le sabre est toujours vaincu par l’esprit ».
Si Hassan II nous a habitués aux affrontements feutrés, Mohammed VI pratique désormais une diplomatie offensive. Coup pour coup. C’est désormais dans le style du personnage.
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