Secret des sources : «le Monde» porte plainte, l'Elysée se défend

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En Une, «le Monde» accuse lundi l'Elysée d'avoir violé le secret des sources de l'un de ses journalistes travaillant sur l'affaire Woerth-Bettencourt, en utilisant les services du contre-espionnage.
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Notre dossier sur les affaires Woerth/BettencourtIdentifié comme la source présumée des fuites dans la presse, un collaborateur de Michèle Alliot-Marie, ministre de la Justice, a été remercié. Le quotidien annonce qu'il va déposer plainte contre X.

L'Elysée a aussitôt réagi en démentant les accusations du journal et en affirmant n'avoir commandité aucune enquête. «Il n'y a eu aucune écoute téléphonique, de quelque nature que ce soit», a-t-on affirmé du côté du ministère de l'Intérieur. En début de soirée, le patron de la police nationale a, lui, assuré que l'origine des fuites avait été «légitimement recherchée», dans le respect du code de procédure pénale. Une fois le haut fonctionnaire identifié, c'est «uniquement à (sa) demande» que le parquet a été saisi, le 2 septembre, assure dans un communiqué Frédéric Péchenard. «Les services de police n'ont donc fait que leur travail.»

Selon l'avocate du «Monde», «les investigations menées l'ont été dans le cadre d'une enquête administrative, et non judiciaire, et à notre sens c'est illégal».

Fottorino dénonce «une enquête sauvage»

«Les services du contre-espionnage ont été utilisés pour rechercher l'informateur d'un de nos reporters», peut-on lire en première page du «Monde». «Afin d'identifier la source d'informations parues dans «le Monde» sur l'affaire Woerth-Bettencourt et de tenter de mettre un terme aux révélations dans la presse sur cette enquête, l'Elysée a eu recours, courant juillet, à des procédés qui enfreignent directement la loi sur la protection du secret des sources des journalistes», écrit notamment Sylvie Kaufmann, directrice de la rédaction du quotidien.

«Nous avons des certitudes et des éléments de preuves», a déclaré de son côté Eric Fottorino, directeur du «Monde», interrogé par Europe 1. «On a eu les preuves que le pouvoir avait ordonné une enquête, une enquête hors tout cadre juridique, une enquête sauvage pour essayer de distinguer, de détecter d'où venait la fuite. Concrètement c'est le contre-espionnage et c'est là que c'est tout à fait illégal, tout à fait anormal.»
 
Identifié sur la base de «relevés téléphoniques»

Ce lundi soir, dans son communiqué, le patron de la police nationale, Frédéric Péchenard, a confirmé que la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) avait vérifié un renseignement sur des fuites. Un «renseignement parvenu aux services désignait comme l'auteur de ces fuites un haut fonctionnaire, membre d'un cabinet ministériel, soumis au secret professionnel et naturellement au respect du code de procédure pénale».

Par conséquent, selon M. Péchenard, «une brève et ponctuelle vérification technique a alors permis de rendre vraisemblable le renseignement initial». Des sources proches du dossier précisent que cette «vérification technique» a porté sur les communications passées depuis le téléphone portable de David Sénat, conseiller pénal au cabinet de Michèle Alliot-Marie. Elle se serait faite sur la base de «relevés téléphoniques» et non d'écoutes téléphoniques. Elle a laissé apparaître plusieurs appels par jour et pendant plusieurs jours à la presse, précisent ces sources à l'AFP. David Sénat, conseiller de Michèle Alliot-Marie, aurait ainsi été identifié.

La recherche a été effectuée «dans le cadre de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 qui autorise la recherche de données de connexion, telles que les «fadettes» (factures détaillées) ou la géolocalisation», selon ces mêmes sources.

La désignation du haut-fonctionnaire comme la taupe de la presse n'est pas du goût du journaliste du Monde, Gérard Davet : «J'ai été mis au courant il y a quelque temps déjà de la mise sous surveillance de David Sénat. J'ai pris le temps de mener une enquête formelle et recoupée par plusieurs sources solides. Il est extrêmement clair que David Sénat a été écarté parce qu'on le soupçonnait d'être la source du Monde, alors que rien ne le prouve, évidemment. Je n'ai pas l'ombre d'un doute : l'Elysée a demandé, et obtenu, qu'il soit écarté. Et qu'il s'agisse d'une volonté de Nicolas Sarkozy ou de Claude Guéant, peu importe, c'est du pareil au même.»

Enquêtes déclenchées après la parution d'un article

Les enquêtes du contre-espionnage auraient notamment été initiées après la publication d'un article publié dans l'éidtion des 18-19 juillet du «Monde». Le texte traitait des conditions d'embauche de l'épouse d'Eric Woerth par le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre.
«Selon plusieurs sources interrogées par le Monde à la Direction générale de la police nationale (DGPN) ainsi qu'à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), ordre a alors été donné à la DGPN de mettre fin aux fuites qui avaient abouti à la publication de ces informations dans le Monde», affirme Sylvie Kaufmann.
 
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