Rirha (Sidi Slimane, Maroc)
Une ville antique et médiévale de la plaine du Gharb
Situé dans la plaine fertile du Gharb dans le nord du Maroc (fig. 1), Rirha est implanté dans un méandre de l’oued Beht (fig. 2). C’est au départ une agglomération maurétanienne, fondée au VIe ou au Ve s. av. J. C., qui reste occupée jusqu’à la fin de la période romaine (IVe s.), puis à nouveau à la période « islamique » entre le IXe et le XIVe s. Rirha représente donc un excellent objet d’étude pour appréhender l’implantation humaine dans le Gharb sur une très longue durée. L’agglomération qui se trouve à distances presque égales des cités antiques de Sala, Thamusida, Banasa et Volubilis, pourrait éventuellement s’identifier comme la ville de Gilda connue par des textes latins et par des estampilles sur briques. Les importations de produits méditerranéens ainsi que de zones marocaines plus septentrionales montrent à toutes les périodes l’insertion de Rirha dans les réseaux d’échanges commerciaux ; néanmoins, cette zone du Maroc constitue pendant toute l’Antiquité la limite méridionale des influences méditerranéennes et en particulier du processus de romanisation. L’agglomération semble également avoir possédé ses propres ateliers de céramiques – productions de céramiques communes peintes avant l’époque romaine, communes et peut-être imitations de sigillées sous l’Empire, puis vaisselle médiévale - et se trouver à proximité d’un important atelier monétaire de la fin de la période préromaine.
(fig. 1)
Plan général des vestiges du site de Rirha (fig. 2)
Historique des recherches et acquis des campagnes récentes (2004-2016)
Le site a été étudié dans les années 1920 (L. Châtelain), puis dans les années 1950 (M. Euzennat), ce qui a permis d’en connaître l’extension (une dizaine d’hectares) et d’aborder les périodes récentes de l’occupation. Au cours des années 1980 et 1990, grâce à un programme franco-marocain de prospections dirigé par R. Rebuffat et A. Akerraz le gisement a pu être replacé dans son contexte historique régional.Historique des recherches et acquis des campagnes récentes (2004-2016)
À la suite d’un diagnostic effectué en 2004, trois programmes quadriennaux se sont succédé sous la direction conjointe de Mohamed Kbiri Alaoui (INSAP) et de Laurent Callegarin (Université de Pau et des Pays de l’Adour) en 2005-2008 et 2009-2012 et de Claire-Anne de Chazelles (CNRS, UMR 5140, Montpellier) en 2013-2016.
Une imposante monographie éditée par la Casa de Velázquez, parue en 2016, rend compte de la somme des recherches qui ont été menées sur le site depuis un siècle, mais plus particulièrement entre 2004 et 2012, où ont été véritablement posées les problématiques concernant la chronologie, les faciès culturels, les échanges, les productions de tous ordres, l’environnement naturel (cf. Bibliographie).
Le dernier programme quadriennal 2013-2016 s’est articulé selon plusieurs axes :
Fig. 3 : Orthophotographie de l'Ensemble 5 à l'issue de la campagne de 2016
- Une approche de l’habitat maurétanien du Gharb à travers la fouille stratigraphique et en aire ouverte de la zone dite du « tell » maurétanien où ont été abordés des niveaux du Ier s. av.J.-C. (Ensemble 5, fig. 3). L’habitat pré-romain est à l’heure actuelle très mal connu au Maroc. Le quartier, rigoureusement structuré selon des axes orthonormés, présente une architecture exclusivement en terre crue. Des sondages ont révélé une succession stratigraphique de 9 mètres d’épaisseur.
- L’étude d’un quartier établi vers le changement d’ère contre l’enceinte romaine et sans doute voisin d’une des portes de l’agglomération. Il comporte une domus à péristyle ayant la particularité de posséder une vaste salle souterraine, des thermes privés et une installation de production vinicole/oléicole à double pressoir (Ensemble 1, fig. 4). Cet ensemble architectural et son décor fournissent un point de comparaison intéressant au grand site voisin de Volubilis pour appréhender le processus de « romanisation » dans cette région de l’arrière-pays.
- Des études sur l’environnement et son exploitation durant les trois phases d’occupation (Protohistoire, Antiquité, Moyen Âge) par le biais de l’anthracologie, la carpologie et l’archéozoologie qui mettent en évidence d’importantes mutations.
- Un gros volet de la recherche a été consacré à l’étude des faciès mobiliers de la période maurétanienne et du haut Moyen Âge dans le but de préciser le contexte et les particularités culturelles de la région à ces époques et, parallèlement, de dresser la typologie des céramiques produites sur place.