Spéculation

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A peine un an après avoir sauvé les banques en y consacrant de chaque côté de l'Atlantique des sommes colossales - 25 % du PIB, selon la Banque centrale européenne -, voici les Etats endettés attaqués par ces mêmes établissements financiers. Telle est l'une des leçons - amères - de la crise grecque, la plus importante qu'ait connue l'euro depuis sa création.

Que la Grèce vive au-dessus de ses moyens ne fait aucun doute. La probabilité qu'elle ne rembourse pas ses dettes est pourtant quasi nulle. Cela n'empêche toutefois pas les marchés financiers de créer des CDS ("credit default swaps"), qui sont une assurance contre le risque de défaut de paiement. Pourquoi pas, après tout ? Là où la situation se complique est que ces CDS sont eux-mêmes objet de spéculation et que, surtout, leurs cours ont une influence directe sur le rendement des obligations émises par les Etats.

Conclusion : spéculer sur les difficultés d'un Etat à rembourser ses dettes accroît, voire provoque, les difficultés de cet Etat. La situation est d'autant moins acceptable que ces CDS sont entre les mains de quelques acteurs : trois banques, JP Morgan, Goldman Sachs et Deutsche Bank, détiendraient plus de 75 % du marché. Qu'un seul acteur spécule peut suffire à faire considérablement fluctuer les cours.

Le rôle des banques dans la crise de l'euro ne s'arrête pas là. Non seulement elles détiennent une grande partie de la dette grecque, mais elles prêtent de l'argent aux fonds spéculatifs (hedge funds), ces fonds qui, dans la plus totale opacité, ont pour objet de spéculer en minimisant les risques. Comme l'expliquent Michel Aglietta, Sabrina Khanniche et Sandra Rigot dans leur ouvrage Les Hedge Funds. Entrepreneurs ou requins de la finance ? (Perrin, janvier 2010), "les hedge funds peuvent agir de manière concentrée et avec un maximum de publicité pour entraîner le marché dans le sens qui leur convient".

La crise grecque pose donc deux questions : celle de la solidarité des pays de la zone euro et celle de la régulation de la finance. Des deux côtés de l'Atlantique, des pistes ont été évoquées : obliger les banques à avoir plus de fonds propres (pour limiter les opérations à effet de levier qui constituent l'oxygène des hedge funds), leur interdire de spéculer pour leur propre compte... Mais, pour le moment, rien n'a été mis en oeuvre, et, en toute discrétion, le lobby de la finance s'évertue à tuer ces initiatives dans l'oeuf. Puisse la crise de l'euro provoquer le sursaut politique nécessaire pour mener à bien ce salutaire chantier.
 
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