Oumshyrine
TANJA AL 3ALYA
Suicide en prison ou meurtre ?
En avril, cest un suicide en prison ; en septembre, cest sans doute un meurtre. Loin des discours ronflants, les prisons sont dans limpasse.
Eugène, 25 ans, était un bon pochetron, « un gros nounours » nous dit Le Télégramme de Brest. Ce 19 mars 2010, ce nest pas un bon trip pour Eugène, car il comparaît devant le tribunal correctionnel et il connaît bien la maison. « C'est quelqu'un de très, très attachant », plaide son avocate. Mais Eugène, cest tout vie en vrac. Elevé par sa mère, dans un contexte pourri par l'éthylisme, il a vite largué les amarres : « À 11 ans, j'ai été livré à moi-même. J'ai fait des bêtises et la situation a empiré ». Depuis quil a 18 ans, cest la vie derrance dun SDF.
Lavant-veille, alors quil avait bien picolé, il est allé fracasser la vitrine dun supermarché du centre-ville avec une plaque d'égout, pour récupérer quelques bouteilles de plus. Vite arrêté par la police, il est jugé en comparution immédiate, et retrouve là un procureur de la République qui le connaît « bien », lâchant que « sa franchise s'avère aussi désarmante que sa vie a été difficile ». Tarif de rigueur : six mois ferme, et mandat de dépôt. Le voici à la maison darrêt de Vannes.
Drame le 20 avril, à peine un mois plus tard. Eugène sest suicidé, et cest son compagnon de cellule qui a alerté un surveillant. Pour le procureur, cest un décès « vraisemblablement dû à une absorption de substances médicamenteuses », alors quil ny a « pas d'élément laissant supposer l'intervention d'un tiers ».
La sur dEugène nest pas daccord. « Depuis le printemps, j'ai besoin de savoir comment mon frère a pu mourir en prison. Tout ça pour des bouteilles volées. Il était fragile car il vivait mal son incarcération, mais je n'ai jamais cru à la thèse du suicide. Il y a peut-être eu un dysfonctionnement à la maison d'arrêt ou de la justice ».
Le dossier a évolué, et la thèse de la sur dEugène se trouve bien renforcée. Le compagnon de cellule vient dêtre mis en examen pour meurtre, par Katherine Le Port, juge dinstructiondu tribunal de grande instance de Lorient, siège du pôle départemental de l'instruction. Les résultats de l'autopsie ont écarté la mort par prise de médicaments. Le procureur, Alexis Bouroz rappelle que « La mise en examen ne signifie pas pour autant qu'il y a eu meurtre », mais il ajoute qu « il y a de fortes présomptions », précisant : « L'expertise n'est pas d'une clarté suffisante pour déterminer à coup sûr qu'il s'agit d'un meurtre. Un complément d'enquête auprès d'experts est en cours et une contre-expertise sera menée si ce n'est pas suffisant ».
Une vie fracassée, et une sur admirable qui défend la mémoire de son frère.