Tamiflu et h1n1 : ni aussi efficace, ni aussi sûr que prévu !

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Tamiflu : ni aussi efficace, ni aussi sûr que prévu !
Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations14 avril 2014
Etats-Unis, Royaume-Uni – Une méta-analyse de la bibliothèque Cochrane publiée conjointement par le British Medical Journal remet en question l’intérêt des antiviraux Tamiflu® (oseltamivir, Roche) et Relenza® (zanamivir, GlaxoSmithKline) [1,2,3].

A la lumière de nouvelles données enfin fournies par l’industrie après des années de demande de la Bibliothèque Cochrane, les conclusions sont sans appel : les deux antiviraux n’auraient pas les rapports bénéfice-risque attendus ni comme traitements préventifs, ni comme traitements curatifs de la grippe.

Les deux supports appellent les gouvernements et les agences du médicament à revoir leurs positions sur ces médicaments pourtant commercialisés depuis plus de 15 ans.

Dans un éditorial accompagnant les articles publiés dans le BMJ, le Pr Harlan Krumholz (Yale, Etats-Unis) note que la méta-analyse actualisée, qui porte cette fois sur les données complètes des rapports d’études cliniques, dresse un portrait bien moins reluisant du Tamiflu® que ce qui avait été présenté auparavant aux autorités, aux cliniciens et au public [4].

« L’importance des bénéfices a été surestimée et les problèmes de tolérance sous-rapportés […] Désormais, les patients doivent prendre en considération le risque d’effets secondaires par rapport à la perspective d’écourter les symptômes d’une demi-journée », explique-t-il.

Plus d’effets secondaires pour une demi-journée de symptômes en moins ?

La nouvelle méta-analyse s’appuie sur les données de 24 000 enfants et adultes en bonne santé colligées dans 20 essais sur le Tamiflu® et de 26 essais sur le Relenza® (zanamivir, GlaxoSmithKline).

Il en ressort que les deux antiviraux soulagent peu les symptômes et sont moins bien tolérés que prévu.

Le Tamiflu® et le Relenza® n’écourtent les symptômes de la grippe que d’une demi-journée, de 7 à 6,3 jours et de 6,6 à 6 jours, respectivement.

En outre, ils ne limitent pas les hospitalisations et les complications sévères de la grippe, les pneumonies confirmées, les bronchites, les sinusites ou les otites chez les enfants, comme chez les adultes.

Concernant le Tamiflu®, lorsqu’il est utilisé comme traitement curatif, il augmente significativement les nausées (3,6% chez les adultes) et les vomissements chez les patients traités (+4,5% chez les adultes et +5% chez les enfants).

Enfin, dans les essais de prévention, le Tamiflu® diminue les symptômes grippaux de 55% selon une étude mais, il est associé à une augmentation des maux de têtes (3,5%), des troubles psychiatriques (+1%), des nausées (4%) et des problèmes rénaux (+0,7) et il n’est pas prouvé qu’il stoppe la transmission du virus. Des données suggèrent même que le Tamiflu® empêcherait certaines personnes de produire un nombre suffisant d’anticorps pour lutter contre l’infection.

Rétention d’information ? Négligences ? Des milliards dépensés pour rien ?

La nouvelle méta-analyse actualisée remplace celle de 2009 qui ne portait que sur des données partielles en raison d’un manque d’accès aux données des essais menés par l’industrie.

Le Dr Fiona Godlee, rédactrice en chef du BMJ explique que « cette méta-analyse est le résultat de plusieurs années de lutte pour avoir accès aux données des essais qui étaient jusqu’ici non publiées ou dissimulées. » [5]

Les décisions des autorités de régulation et des gouvernements concernant ces antiviraux et les milliards de dollars dépensés à travers le monde depuis 2009 pour se procurer du Tamiflu® ont donc été prises sur la base de données biaisées et incomplètes...

Le journal rappelle que l’utilisation du Tamiflu® a fortement augmenté à partir de la pandémie de grippe A (H1N1) en 2009. Les Etats-Unis ont dépensé plus d’1,3 milliards de dollars (près d’un milliard d’euros) pour constituer des réserves stratégiques d’antiviraux et le Royaume-Uni presque 424 millions de livres sterlings (510 millions d’euros) pour 40 millions de doses. De son côté, la France a commandé 24 millions de Tamiflu® en 2009, pour quelques centaines de millions d'euros également.

Un système multi-défaillant selon les auteurs de la méta-analyse Cochrane

Les auteurs de la méta-analyse Cochrane pointent plusieurs dysfonctionnements [6].

Concernant les essais rassemblés dans la méta-analyse :

-Ensemble des essais financés par l’industrie

-Ensemble des essais réalisés contre placebo et non contre les médicaments soulageant les symptômes (par exemple le paracétamol)

-Certaines études non rédigées par leurs auteurs

-Impossibilité de savoir qui sont les auteurs des recherches dans certains cas

-Aucun essai mené lors de la pandémie de la grippe A

-Nombreux essais biaisés, données sélectionnées et non prises en compte dans leur ensemble

-Critères d’évaluation des essais parfois mal renseignés (exemple de la pneumonie)

Concernant les conclusions des autorités compétentes :

-Pressions politiques sur les agences de régulation

-OMS influencée par des experts d’opinion financés par l’industrie

Selon les auteurs de la méta-analyse, les Drs Tom Jefferson, Carl Heneghan, Peter Doshi, « l’autorisation de mise sur le marché des médicaments ne peut plus s’appuyer sur des informations biaisées ou manquantes. Cela met la santé de nos populations et notre économie en danger […] Nous insistons sur l’importance de ne faire confiance ni aux résultats d’un essai publié isolé, ni aux commentaires des décideurs dans le domaine de la santé qui ont des conflits d’intérêt, mais d’analyser les informations par soi-même. »

Les éditorialistes du BMJ notent cependant que de multiples avancées ont été réalisées pour améliorer la transparence depuis quelques temps. A titre d’exemple, pas plus tard que la semaine dernière, l’EMA a décidé que, dorénavant, tous les essais cliniques devraient être enregistrés, tous les résultats rapportés, et que tous les rapports d’études cliniques devraient être accessibles au public.

Les auteurs s’inquiètent cependant, que cet accès à l’ensemble des données ne concerne que les médicaments à venir et pas ceux qui sont actuellement commercialisés, comme le Tamiflu® et le Relenza®...

Tamiflu® et Relenza®

L'oseltamivir et le zanamivir agissent en inhibant les neuraminidases virales des virus de la grippe A et de la grippe B. Ces enzymes jouent un rôle essentiel dans la libération des particules virales nouvellement formées et dans la propagation du virus dans l'organisme.

L'oseltamivir agit au niveau de la circulation générale. Il est administré par voie orale et se présente donc sous la forme d'une gélule.

Le zanamivir a la même action que l'oseltamivir mais son action est surtout localisée au niveau des voies respiratoires car il diffuse peu dans la circulation générale. Il se présente sous la forme d'une poudre pour inhalation en flacon unidose.



Références

  1. Jefferson T, Jones A, Doshi P, Del Mar CB, Hama R, Thompson MJ, et al. Neuraminidase inhibitors for preventing and treating influenza in healthy adults and children. Cochrane Database Syst Rev2014;4:CD008965.

    Jefferson T, Jones M, Doshi P, Spencer EA, Onakpoya I, Heneghan CJ. Oseltamivir for influenza in adults and children: systematic review of clinical study reports and summary of regulatory comments. BMJ2014;348:g2545. Abstract/FREE Full Text

    Heneghan CJ, Onakpoya I, Thompson M, Spencer EA, Jones M, Jefferson T. Zanamivir for influenza in adults and children: systematic review of clinical study reports. BMJ2014;348:g2547.Abstract/FREE Full Text

    Krumholz HM. Neuraminidase inhibitors for influenza. BMJ2014;348:g2548.

    Loder E, Tovey D. Godlee F. The Tamiflu trials BMJ 2014; 348 doi: http://dx.doi.org/10.1136/bmj.g2630

    Jefferson T, Doshi P. Multisystem failure: the story of anti-influenza drugs. BMJ 2014;348:g2263.http://www.bmj.com/lookup/ijlink?li...48/apr09_7/g2263&atom=/bmj/348/bmj.g2630.atom



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