kamomille
VIB
Concurrencé par YouPorn, le bon vieux téléfilm érotique du dimanche soir est en voie de disparition.
Si Internet est souvent tenu pour responsable de la crise de la presse et de la musique, il est un autre pan de la culture qu'il tue petit à petit: l'érotisme à la télévision. Il n'est pas question ici de pornographie. Très encadrée par la réglementation, la diffusion de X est uniquement possible par une chaîne cryptée comme Canal +, et après minuit seulement. Ce qu'Internet ringardise, c'est le film érotique où les gros plans sur les parties intimes sont prohibées, et où les rapports sexuels ne peuvent être que suggérés. Des programmes de charme qui paraissent aujourd'hui bien innocents face à des sites comme YouPorn, RedTube ou PornHub, véritables YouTube du X qui diffusent gratuitement les scènes les plus crues, et pour tous les goûts imaginables. Le premier d'entre eux, créé en 2006, YouPorn a ainsi connu un succès fulgurant. Avec plus de 60 000 vidéos disponibles, il attirerait aujourd'hui 16 millions de visiteurs quotidiens, selon des estimations certes difficilement vérifiables.
Sur les chaînes hertziennes, l'érotisme a disparu petit à petit. C'est M6 qui y a renoncé en dernier, en 2005, en déprogrammant son film du dimanche. La chaîne «devient de plus en plus adulte, de plus en plus généraliste, de plus en plus familiale», justifiait à l'époque Arnaud Boucher, directeur de la programmation de M6. L'érotique dominical était pourtant une valeur sûre de la chaîne en termes d'audience. Chaque semaine, les téléfilms comme Radio de charme, Les pilules de lamour ou De si jolies sorcières attiraient 800 000 personnes, soit 15% de l'audience. Mais la quête de respectabilité de l'ex-«petite chaîne qui monte» aura eu raison de cette programmation.
«Les dirigeants de chaînes visent l'audience la plus large, même tard le soir», explique François Jost, professeur au Centre d'Etudes sur l'Image et le Son Médiatiques (CEISME), «il faut donc que les programmes soient consensuels, le but est d'être une chaîne familiale. Les programmes érotiques, même s'ils attirent de l'audience, segmentent, en n'attirant qu'une partie précise de l'audimat». L'enjeu n'est donc pas seulement un problème d'image, il est aussi financier, explique l'universitaire: «les programmes érotiques attirent facilement des annonceurs: les lignes de téléphone rose et les sites de rencontre. Mais ces annonceurs, prêts à acheter des spots pendant un téléfilm érotique, ne visent qu'une frange limitée de la population. Alors que les publicités les plus rémunératrices sont les produits de grande consommation, qui concernent tout le monde».
Les coquines années 80
Dans le milieu des années 80, l'érotisme était pourtant omni-présent à la télévision. De 1984 à 1987, chaque soir avant le journal de 20 heures de TF1, Cocoricocoboy montrait une playmate qui se déshabillait, sans que cela ne suscite de polémiques. Même le service public avait pris le train en marche avec, de 1986 à 1990, le feuilleton Série rose sur FR3, et à partir de 1986, Sexy Folies sur Antenne 2. Une émission de charme à laquelle ont participé Mireille Dumas et Sylvain Augier, et qui marchait tellement bien que sa productrice, Pascale Breugnot, fut recrutée par TF1, pour l'adapter sur son antenne avec Super Sexy, de 1988 à 1991. Ces émissions érotiques dans lesquelles on parlait librement de sexualité comportaient des séquences de charme gentillettes. Le tout à des horaires grand public, sans que cela ne provoque de polémiques. Inimaginable aujourd'hui.
Pour Grégory Dorcel, fils de son père Marc et directeur général de l'entreprise familale, premier productrice de films X en France, ce sont les années 90 qui ont eu raison de ces programmes: «il y a eu une vague conservatrice pendant la décennie. Mais pas seulement en France: chaque pays a adopté des règles très strictes sur la diffusion de programmes de charme». Une moralisation de l'antenne qui ne touchera d'ailleurs pas que les émissions érotiques: Ségolène Royal avait publié en 1989 Le ras-le bol des bébés zappeurs pour protester contre les «exécrables» dessins animés japonais. Le mouvement aboutira en 1997 avec, selon l'expression d'Etienne Mougeotte, la «quête de sens» de TF1, qui retire de l'antenne les émissions de Dorothée, Jean-Marc Morandini, et Jacques Pradel.
Si Internet est souvent tenu pour responsable de la crise de la presse et de la musique, il est un autre pan de la culture qu'il tue petit à petit: l'érotisme à la télévision. Il n'est pas question ici de pornographie. Très encadrée par la réglementation, la diffusion de X est uniquement possible par une chaîne cryptée comme Canal +, et après minuit seulement. Ce qu'Internet ringardise, c'est le film érotique où les gros plans sur les parties intimes sont prohibées, et où les rapports sexuels ne peuvent être que suggérés. Des programmes de charme qui paraissent aujourd'hui bien innocents face à des sites comme YouPorn, RedTube ou PornHub, véritables YouTube du X qui diffusent gratuitement les scènes les plus crues, et pour tous les goûts imaginables. Le premier d'entre eux, créé en 2006, YouPorn a ainsi connu un succès fulgurant. Avec plus de 60 000 vidéos disponibles, il attirerait aujourd'hui 16 millions de visiteurs quotidiens, selon des estimations certes difficilement vérifiables.
Sur les chaînes hertziennes, l'érotisme a disparu petit à petit. C'est M6 qui y a renoncé en dernier, en 2005, en déprogrammant son film du dimanche. La chaîne «devient de plus en plus adulte, de plus en plus généraliste, de plus en plus familiale», justifiait à l'époque Arnaud Boucher, directeur de la programmation de M6. L'érotique dominical était pourtant une valeur sûre de la chaîne en termes d'audience. Chaque semaine, les téléfilms comme Radio de charme, Les pilules de lamour ou De si jolies sorcières attiraient 800 000 personnes, soit 15% de l'audience. Mais la quête de respectabilité de l'ex-«petite chaîne qui monte» aura eu raison de cette programmation.
«Les dirigeants de chaînes visent l'audience la plus large, même tard le soir», explique François Jost, professeur au Centre d'Etudes sur l'Image et le Son Médiatiques (CEISME), «il faut donc que les programmes soient consensuels, le but est d'être une chaîne familiale. Les programmes érotiques, même s'ils attirent de l'audience, segmentent, en n'attirant qu'une partie précise de l'audimat». L'enjeu n'est donc pas seulement un problème d'image, il est aussi financier, explique l'universitaire: «les programmes érotiques attirent facilement des annonceurs: les lignes de téléphone rose et les sites de rencontre. Mais ces annonceurs, prêts à acheter des spots pendant un téléfilm érotique, ne visent qu'une frange limitée de la population. Alors que les publicités les plus rémunératrices sont les produits de grande consommation, qui concernent tout le monde».
Les coquines années 80
Dans le milieu des années 80, l'érotisme était pourtant omni-présent à la télévision. De 1984 à 1987, chaque soir avant le journal de 20 heures de TF1, Cocoricocoboy montrait une playmate qui se déshabillait, sans que cela ne suscite de polémiques. Même le service public avait pris le train en marche avec, de 1986 à 1990, le feuilleton Série rose sur FR3, et à partir de 1986, Sexy Folies sur Antenne 2. Une émission de charme à laquelle ont participé Mireille Dumas et Sylvain Augier, et qui marchait tellement bien que sa productrice, Pascale Breugnot, fut recrutée par TF1, pour l'adapter sur son antenne avec Super Sexy, de 1988 à 1991. Ces émissions érotiques dans lesquelles on parlait librement de sexualité comportaient des séquences de charme gentillettes. Le tout à des horaires grand public, sans que cela ne provoque de polémiques. Inimaginable aujourd'hui.
Pour Grégory Dorcel, fils de son père Marc et directeur général de l'entreprise familale, premier productrice de films X en France, ce sont les années 90 qui ont eu raison de ces programmes: «il y a eu une vague conservatrice pendant la décennie. Mais pas seulement en France: chaque pays a adopté des règles très strictes sur la diffusion de programmes de charme». Une moralisation de l'antenne qui ne touchera d'ailleurs pas que les émissions érotiques: Ségolène Royal avait publié en 1989 Le ras-le bol des bébés zappeurs pour protester contre les «exécrables» dessins animés japonais. Le mouvement aboutira en 1997 avec, selon l'expression d'Etienne Mougeotte, la «quête de sens» de TF1, qui retire de l'antenne les émissions de Dorothée, Jean-Marc Morandini, et Jacques Pradel.