Tranches de vie (très) irréelles dans un pays supposé (trop) rationnel

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Tranche 1 :

A Casablanca les travaux du Grand Aquarium ont été lancés et, une fois cette œuvre achevée, les gens pourront se balader sous l’eau pour admirer toute une multitude de poissons colorés, bigarrés et plus ou moins étranges… Un édifice extraordinaire qui projette le Maroc de plain-pied dans le 21ème siècle. Dans ce gigantesque aquarium, les visiteurs pourront s’extasier, et surtout les enfants amateurs de ce type de spectacles.

Mais ailleurs qu’à Casablanca, dans les endroits reculés du Maroc, il existe des nuées d’enfants qui meurent, ou mourront, de froid, perdant une lutte inégale contre la neige et les températures quasi polaires qu’ils combattront avec un peu de bois et beaucoup de ténacité. Ces gamins n’ont jamais entendu parler de l’Aquarium de Casablanca, pas plus qu’ils ne savent la différence entre le 21ème et le 19ème siècle. Tout ce qu’ils cherchent, c’est un peu de bois sec qui améliorerait un peu leurs espoirs de survie car, en ces zones-là, moins il y a de bois et plus la Faucheuse rôde…

Ces gosses, s’ils réchappent du froid et de la mort assurée qui les attend dans le cas où ils n’en trouveraient pas, iront, un jour, peut-être voir le Grand Aquarium de Casa mais, pour l’heure, leur seul souci est le bois… rien que le bois.

Tranche 2 :

La télé marocaine a diffusé voici quelques semaines un sujet au lance-flamme contre le maréchal-président al-Sissi, Commandeur de l’Egypte. Nos télés avaient dit que cet homme est un vulgaire putschiste qui conduit son pays vers l’inconnu, politiquement, économiquement et aussi socialement. Puis, quelques jours après, les mêmes télés diffusent un autre sujet sur le même al-Sissi, lequel s’est transformé par la grâce d’une alchimie inconnue en un homme providentiel menant résolument l’Egypte sur le chemin de la démocratie.

Tranche 3 :

Hamid Chabat est le chef de l’Itsiqlal. Il est aussi un féroce opposant du gouvernement Benkirane. Les deux hommes se haïssent comme rarement deux hommes se sont haïs, et cela n’a pas seulement à voir avec la politique. C’est pour cela que Chabat a dit de Benkirane qu’il n’était qu’un espion, sans préciser au bénéfice de qui il espionnait… le traditionnel Makhzen, l’énigmatique Mossad, l’inquiétant Daech, la Grande Amérique ?…

Dans tout pays qui se respecterait, le parquet s’autosaisirait et poursuivrait l’un des deux compétiteurs, soit Benkirane pour intelligence avec autrui (mais qui ?), soit Chabat pour manque d’intelligence avec la loi, auquel cas il serait envoyé directement à la case hôpital psychiatrique…

Tranche 4 :

Yasmina Baddou est une ancienne ministre et une des dirigeantes les plus en vue du parti de l’Istiqlal, cette formation qui a bâti une grande partie de son passé et de son capital politique sur ses demandes incessantes d’arabisation et de reconnaissance, puis de réhabilitation, de la langue arabe sur nos terres.

Mais tout récemment, Mme Yasmina donnait lecture d’un discours à tout un auditoire d’Istiqlaliens survoltés et acquis à sa glose. La dame a trituré puis torturé cette belle langue arabe dans tous les sens et de toutes les manières (im)possibles. Et puis, soudain, elle arrive à un mot qu’elle s’est révélée tout à fait incapable de lire, mais alors tout à fait incapable… sans doute que ce mot était un terme chinois qui est arrivé à se frayer un chemin jusqu’à la feuille de Madame… mais les gens se sont mis à l’applaudir furieusement, pendant qu’elle leur adressait un sourire magnifique, fière qu’elle était. Si le mot était en français, tout le monde l’aurait méprisée et l’aurait traitée d’ignorante crasse mais puisqu’il ne s’agissait que d’un mot en arabe, alors les types qui lui faisaient face ont fait preuve d’indulgence à son égard.

Tranche 5 :

Dans un quartier périphérique de la capitale, une dame entreprend de vider une ornière face à son humble demeure… le trou était rempli d’eaux usées et notre amie n’a rien trouvé de mieux que d’écoper l’eau, la laissant se déverser dans la ruelle. Et, du coup, l’odeur pestilentielle qui se dégageait du trou est devenue propriété collective du quartier, les enfants du coin jouant dedans et, parfois même, y faisaient trempette.

Au centre-ville de Rabat, un homme bien mis de sa personne lit un magazine en papier brillant, et plus précisément un article sur la malaria au Maroc. L’homme est surpris d’apprendre que cette maladie existe encore sous nos cieux, puis tourne la page et s’intéresse à ces Marocains nouvellement entrés dans le club très fermé des milliardaires du monde.

Tranche 6 :

Au parlement, le chef du gouvernement vient et cause… il dit que ce n’est plus lui qui combat la corruption mais l’inverse : la corruption et les corrompus lui mènent une guerre féroce. Les gens se rappellent pourtant des cris que poussait cet homme quand il était dans l’opposition et qu’il promettait à qui voulait l’entendre qu’une fois au gouvernement, la corruption n’avait qu’à bien se tenir… aujourd’hui, il est au gouvernement et il en est même le chef, et voilà qu’il découvre que ce fléau est bien enraciné au Maroc. Cela, les Marocains le savaient depuis des lustres, mais Benkirane vient de s’en apercevoir.

Tranche 7 :

Le Maroc râle contre la France et la France râle contre le Maroc. Le Maroc n’a pas participé à la Marche de Paris après l’attaque de Charlie Hebdo et la France a expédié un de ses ministres à une activité du Polisario. Le Maroc voulait la réconciliation et a voulu envoyer son ministre des Affaires étrangères en visite à Paris, mais sous conditions, et Paris a fait savoir que ces conditions ne pourraient pas être satisfaites par les temps qui courent.

Les Marocains suivent ce feuilleton et rient de ce malentendu entre amoureux… car au fond, la France est le Maroc et le Maroc est la France. Alors de qui se moque-t-on ? De qui se moquent-ils ?

Tranche 8 :

Le Maroc est au bord d’une révolution, mais pas celle du 20 février, non… il s’agit de celle des bennes à ordures, car quand les sociétés délégataires de l’assainissement solide ont changé leurs bennes, les Marocains se sont soulevés contre ce « changement ».

Ceux qui se sont énervés sont les ceux là-mêmes qui passaient leurs nuits et leurs jours à retourner les anciennes bennes, à récupérer ce qui l’était, puis s’en allaient vaquer à d’autres occupations, laissant le contenu de ces bennes répandu à terre.

Ces gens ne se sont pas révoltés contre ceux qui les ont conduit à fouiller dans les poubelles pour y trouver leur pitance, mais contre les responsables qui ont décidé de changer ces mêmes poubelles.

Al Massae

http://www.panorapost.com/tranches-...-suppose-trop-rationnel-par-abdallah-damoune/
 

Pièces jointes

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